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risé, quant à sa valeur historique, par un jugement simple. Il est évidemment tendancieux; il se sert de documents déformés et de traditions légendaires, mais il garde, par ailleurs, assez de valeur pour rester « l'une des bases les plus essentielles sur lesquelles repose l'histoire du christianisme ancien »(367). -- Sans doute, mais, à mon avis, cette « base essentielle » est singulièrement chancelante et je trouve M.Goguel optimiste. J'ajouterai que si le rédacteur de M. Loisy, dans l'impudente conscience de ses falsifications, me semble trop noirci, celui de M. Goguel me paraît exagérément blanchi; l'un est trop coupable et l'autre trop innocent. Je ne crois pas du tout que << l'auteur à Théophile » n'ait eu à se reprocher que de ne pas savoir s'abstraire de son temps, et que ses sources toutes seules, ou à peu près, soient responsables des altérations de la vérité que son récit consolide. Il n'a pas eu l'illusion d'être un historien; apologiste il est et apologiste il a voulu être. J'accepte que M. Goguel ait retiré quelques débris utilisables des ruines accumulées par M. Loisy ; il ne m'a pas rendu, il ne s'est pas rendu à lui-même, confiance dans un livre que nous sommes heureux de posséder faute de mieux, mais hélas ! qui pose plus de questions qu'il n'en résout. Mieux vaut encore avouer et déplorer ses insuffisances que de courir les risques qu'il y aurait à les méconnaître.

Ch. GUIGNEBERT.

Kaarle KROHN. Skandinavisk Mytologi (Olaus - Petri- föreläsningar). Stockholm (Svenska Kyrkans Diakonistyrelses bokförlag) et Helsingfors (Holger Schildts förlagsaktiebolag) 1922, 230 pp., cour. suéd. 4. 25.

M. Kaarle Krohn, professeur à l'Université de Helsingfors, a eu l'excellente idée d'éditer les conférences qu'il a faites à Upsal sur l'initiative de la Fondation Olaus-Petri. M. Krohn n'est pas un scandinavisant; il est spécialiste du folk-lore finno-ougrien. En prenant pour sujet de ses recherches la mythologie scandinave, il a abordé sans prévention des problèmes nouveaux pour lui et il a essayé de les résoudre en utilisant de son mieux les données de sa spécialité.

C'est à ce point de vue que son opuscule mérite de retenir l'attention de tous ceux qui s'intéressent à la mythologie scandinave ou simplement à la mythologie comparée.

La première partie est consacrée à la « mythologie inférieure » : c'est la moins originale. L'auteur est un animiste convaincu. La mentalité mystique qui peuple d'esprits toute la nature n'est en dernière analyse que « foi en la survie des âmes ». Il y a là une question de principe: la discussion en serait déplacée dans un compte rendu. Toutefois on s'étonne des interprétations rationalistes auxquelles l'auteur a recours pour développer sa thèse initiale. Il fait sans cesse appel à l'« expérience » humaine : la connaissance qu'on a aujourd'hui de la mentalité primitive invite à plus de circonspection. Par exemple, le triple séjour (terre, ciel, eau) qu'on assigne aux esprits est expliqué par les trois rites funéraires (enterrement, incinération, flottage). Je doute que cette explication (p. 29) trouve beaucoup de crédit.

On est frappé dès l'abord par la séduction qu'exercent sur M. Krohn les apparences étymologiques. Quand il parle des démons localisés (p. 37 et souvent), il les appelle « maîtres » de tel ou tel lieu (en suédois radare), reprenant à son compte l'étymologie traditionnelle qui unit arbitrairement le substantif rå « démon » et le verbe råda «< être maître de ». Encore peut-on invoquer ici que toute étymologie populaire contient un certain enseignement. Mais il y a des erreurs plus graves. On sait que le nom du « dragon » repose dans tous les dialectes germaniques sur un vieil emprunt au latin draco. Pour une raison qui échappe aux linguistes, M. Krohn isole le danois drage et l'allemand drachen qu'il rapporte au verbe « tirer, porter >> danois drage, allemand tragen (p. 47): cela est grave, car cette erreur étaie toute une théorie.

Les trois quarts de l'ouvrage sont consacrés aux dieux, à l'histoire de leur culte et de leurs mythes: c'est la partie qu'on lira avec le plus d'intérêt. Il s'agit là de problèmes capitaux. Les solutions de M. Krohn sont plus téméraires que nouvelles, elles continuent la pensée de Bugge, mais avec une passion et une science tout à fait originales.

M. Krohn montre tout d'abord que le panthéon scandinave s'est peuplé peu à peu de dieux étrangers. Les uns sont venus de très

loin comme Njord et Skadi, Freyr et Freyja qui reflètent en dernière analyse le couple assyrien Istar et Tammuz. Le culte des dieux de la fertilité a son origine dans la région du Tigre et de l'Euphrate, pays de civilisation agricole, et la conception même de ces couples incestueux suppose un emprunt (p. 63 sqq.). Le défrichement de la Scandinavie a créé sans doute des besoins religieux nouveaux. Sur ce point, Krohn a raison. Sur d'autres, il exagère manifestement. Il prétend que les Germains n'avaient pas de dieux incarnant les forces de la nature : ils n'adoraient que des plantes ou des arbres, et ce culte s'adressait sans doute aux âmes qui les habitaient (p. 81). Son explication du culte de Thor qui dériverait en réalité du culte du gland de chêne (p. 75) montre à quelles invraisemblances M. Krohn se laisse entraîner par la rigueur de son raisonnement. D'autres dieux sont venus de la Germanie méridionale. C'est le cas d'Odin, emprunté aux Saxons. On admet généralement que le mythe de la guerre des Ases et des Vanes reflète le conflit religieux causé par l'invasion d'Odin, dieu étranger. M. Krohn interprète ce mythe d'une façon nouvelle qui paraît très plausible. A Odin il substitue Thor, l'Ase par excellence, dont la popularité grandissante a dû heurter le culte plus ancien des Vanes (p. 96 sqq.). L'auteur pense que le dieu Tyr est venu du Sud comme Odin : cela me paraît une hypothèse gratuite. Les arguments invoqués prouvent au contraire qu'il s'agit d'un culte fort ancien dont les traces sont presque effacées.

Les chants de l'Edda sont la pierre d'achoppement de toute critique mythologique. L'attitude de M. Krohn a le mérite de la netteté. Les Chants des dieux sont selon lui un genre littéraire récent, une innovation qui n'est pas antérieure à l'âge des Vikings. A date plus ancienne, on ne chantait pas les dieux, mais les héros historiques dont le souvenir remontait à la migration des peuples (p. 218). Ce point de vue se justifie très bien. Il est certain que les Chants des héros constituent la partie la plus archaïque du recueil eddique. Il y a là une indication précieuse. Mais M. Krohn en tire une conclusion que n'impliquent pas les prémisses : les mythes de l'Edda ne comportent presque pas d'éléments anciens, c'est une tradition nouvelle qui a puisé toute sa substance dans le folk-lore de l'Europe chrétienne. On reconnaît là une thèse ancienne, celle de S.

Bugge et de E. H. Meyer : M. Krohn la reprend avec une méthode nouvelle, mais aussi avec un radicalisme outrancier qui met en garde contre la valeur des résultats.

Je suis loin de croire à la « pureté » de la tradition eddique. Et tout le monde reconnaît aujourd'hui que certains mythes (celui du frêne Yggdrasil par exemple) comportent une bonne part d'éléments chrétiens. Mais M. Krohn, plus zélé que S. Bugge lui-même, refuse de croire à un noyau ancien, si petit soit-il. L'exagération est évidente. Si étendus qu'ils soient, les emprunts se cristallisent le plus souvent autour d'une tradition indigène. Dans les mythes de Balder et de Heimdall, M. Krohn ne veut voir que des légendes chrétiennes dont le héros, sous des noms divers, est Jésus lui-même. Tous les mythes eddiques lui sont suspects; il n'excepte pas ceux qui se rapportent au dieu Thor. La « quête du marteau » n'est que la variante d'une légende catholique répandue dans toute l'Europe et le mythe des boucs qu'on tue et qui ressuscitent reflète en dernière analyse le conte de Philémon et Baucis.

Cette fureur iconoclaste ne m'indigne pas. Tout scepticisme est salutaire : il fait reviser les idées reçues. Mais l'auteur ne s'étonnera pas que la réflexion éveille à son endroit un peu de méfiance et beaucoup de critique. La chaleur de sa conviction invite à la méfiance, car elle limite visiblement la liberté de son jugement. Il faut être bien prévenu pour voir dans la Lokasenna une satire de style chrétien (p. 145). Rien n'est plus indigène que le ton de ce chant eddique et M. Erik Noreen a montré récemment qu'il faut y voir une intensification épique de la nîdvîsa scandinave. D'autre part, l'auteur a beau s'en défendre, il aime les combinaisons verbales qui étaient l'une des faiblesses de S. Bugge. Des rapprochements comme celui de Jurdan et de Urdr (p. 112), des explications comme celle de la périphrase poétique « tête de Heimdall » (p. 136) ruinent l'édifice qu'on prétend élever sur un fondement si frêle.

Reste la méthode qui constitue la véritable originalité de ce travail. Dans la préface, M. Krohn remarque justement que l'erreur de S. Brugge avait été d'expliquer des mythes par des documents littéraires. En sa qualité de folkloriste, M. Krohn n'a recours qu'aux traditions populaires. C'est un progrès notable entre les Études de Bugge et le présent ouvrage, il y a tout le mouvement du folk-lore

scandinave des dernières années, les travaux d'Axel Olrik au Danemark, de Julius Krohn en Finlande. Même si l'auteur semble trop prompt à tirer de la méthode comparative du folk-lore des résultats qu'elle n'est pas encore en état de fournir, cette méthode assure à son petit livre une valeur réelle elle ouvre des perspectives qui semblaient fermées à la mythologie.

Maurice CAHEN.

Erich JUNG.

Germanische Götter und Helden in christlicher Zeit. Munich (J.F. Lehmanns Verlag) 1922, in-8°, 394 pp.

L'auteur s'est proposé dans cet ouvrage d'interpréter un certain nombre de monuments figurés de l'Allemagne médiévale. Son travail s'inspire de deux idées. D'une part, il prétend faire de l'archéologie le complément indispensable du folk-lore, ce qui est fort légitime. D'autre part, il espère retrouver sur le granit impérissable une « mythologie allemande » par ailleurs disparue, ce qui est pour le moins osé. Il est convaincu que les dieux et les mythes « germaniques »> ont, en Allemagne, survécu à la conversion. La tradition populaire, indifférente aux apports étrangers, les a pieusement conservés et les artistes du moyen âge les out utilisés avec une naïveté touchante.

Tel maître sculpteur du xe siècle, chargé d'orner une chapelle construite sur l'emplacement d'un bois sacré où les anciens Alémans adoraient leur dieu Zîu, a pris soin d'exorciser la divinité païenne en gravant dans certains caissons de l'église le symbole même de cette divinité, la rune qui porte son nom. Cet exemple donne idée de la méthode employée. M. Jung prête à son sculpteur du XIIIe siècle un savoir runique qui n'est pas sans surprendre : les contemporains de Charlemagne avaient si bien oublié les runes qu'ils se mirent à l'école d'Alcuin. Le mouvement de curiosité que la renaissance carolingienne provoqua en faveur de l'écriture runique fut très superficiel; il n'a laissé de traces que dans les manuscrits du IXe siècle. Comme Zîu, dieu de la guerre, est le dieu de l'épée, M. Jung. s'imagine que la rune qui porte le nom du dieu (rune 17) représente

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