Slike strani
PDF
ePub

plutôt péjoratif. L'auteur en a surtout à Carrière qui se croit un homme de culture intégrale et qui se permet de critiquer Bebel et consorts. On prend la lettre de Carrière à Renan comme prétexte pour reprocher à Carrière de vouloir s'élever au-dessus de ses contemporains et de prétendre leur donner une leçon dont il n'ont que faire.

Les Blaetter für literarische Unterhaltung sont plus modérées dans le fond et dans la forme. On y expose que Carrière a le sentiment très net que l'Allemagne serait assez disposée à se montrer pacifique envers la France. Il n'existe aucune raison pour une tension entre ces deux nations. On espère que Renan usera de son influence et de son talent pour provoquer l'apaisement des cœurs et travailler à la réconciliation des deux peuples. Toutefois, il ne faudrait pas se bercer de trop d'illusions, lorsqu'on se rappelle qu'en 1871 la voix même de de Pressensé ne faisait pas exception à celle de ses compatriotes.

L'article de la Strassburger Post est de beaucoup le plus documenté et le moins mal écrit. On y rappelle qu'au printemps de l'année 1867, deux savants étaient assis dans une tranquille chambre d'études à Paris, et échangeaient amicalement leurs idées. Tous deux étaient la gloire et l'ornement du monde savant, l'un en France, l'autre en Allemagne. Le Français était merveilleusement au courant de la science allemande ; c'était Ernest Renan. L'Allemand n'était pas de pur sang germanique. Descendant d'une famille française émigrée en Allemagne à la suite de la Révocation de l'Edit. de Nantes, Moriz Carrière possédait à la fois la science française et la science allemande. Il pouvait donc, comme Renan, rêver d'un rapprochement entre ces deux pays civilisés, et l'on suppose que la correspondance échangée en 1888 entre ces deux savants prit naissance lors de cette conversation de 1867. Dès cette date, ces deux être supérieurs estimaient qu'il fallait faire l'impossible pour éviter la guerre. C'était là le premier des devoirs sociaux à remplir, le premier devoir de la civilisation, et dont l'idée devait être reprise et développée dans la lettre que Carrière adressait à Renan en 1888 sur les Kulturaufgaben de la France et de l'Allemagne. L'auteur de ce long article expose en quoi consiste la civilisation française ; il s'étend également sur les beaux côtés de la civilisation allemande

et il brosse un tableau qui n'est pas dépourvu d'intérêt sur les avantages moraux, intellectuels et matériels que la France et l'Allemagne retireraient d'un rapprochement sincère et définitif. Il ne voit aucun empêchement à ce que ce rêve devienne une réalité, et il énumère avec complaisance les résultats immédiats que procurerait ce rapprochement franco-allemand.

Mais...

Ce fut un rêve, d'un instant, qui se dissipa à l'heure où se dispersent les brumes du matin. Du point de vue de l'histoire, il pouvait être intéressant de vous le signaler. C'est ce que j'ai tenté de faire, en m'effaçant derrière les documents et en laissant parler les faits.

Il est procédé à l'élection du Bureau de la Société pour l'exercice 1923, et au remplacement des membres du Comité sortant. Le Secrétaire général proclame les résultats du vote et le Bureau est constitué comme suit :

Président M. TH. HOMOLLE; Vice-Présidents: MM. René DuSSAUD et Eug. DE FAYE; Secrétaire général : M. P. ALPHANDÉRY; Trésorier: M. F. MACLER; Secrétaire des séances: M. A. ALBA.

Les membres du Comité sortants sont réélus à l'unanimité.

La séance est levée à 6 h. 1/4.

SÉANCE DU 20 JANVIER 1923

La séance est ouverte à 4 h. 1 /2. M. R. Dussaud préside.

Présents MMmes Frazer, Després, J. Mélon, Mlle Brunot, MM. Guignebert, Alba, Alphandéry, Couchoud, Deny, R. Dussaud, Girard, Goguel, Lebègue, Lods, Macler, Masson-Oursel, Michaut, Moncel, de Pulligny, Roberty, Roman, Sidersky, Sinapian, Strauss.

M. R. Dussaud donne lecture d'une lettre de M. Th. Homolle qui, empêché par son état de santé, s'excuse de ne pouvoir présider la séance.

Le Secrétaire des séances donne lecture du procès-verbal de l'Assemblée générale qui est adopté sans observations.

MM. R. Dussaud et Guignebert donnent quelques détails sur les solennités que le Gouvernement compte organiser en l'honneur du centenaire de Renan.

Le Secrétaire général fait savoir que la Bibliographie des œuvres de Ernest Renan, par MM. H. Girard et H. Moncel est sur le point de paraître, ainsi que l'ouvrage postume de M. Gédéon Huet sur les Contes populaires.

M. P. L. Couchoud prend la parole pour une communication sur la reconstitution et le classement des lettres de saint Paul dont le texte sera publié dans la Revue de l'Histoire des Religions.

Après un échange de remarques entre MM. Guignebert, Sidersky, Goguel, de Pulligny, R. Dussaud et Lebègue, la séance est levé, à 6 h. 1 /2.

Le Gérant: F. GAULTIER.

SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'IMPRIMERIE et de Publicité.

4, RUE GARNIER. ANGERS,

De l'Influence du Gnosticisme sur Origène

Nombreuses ont été les influences qui ont formé la pensée du célèbre théologien chrétien du Ie siècle. Christianisme populaire, Saintes Écritures, enseignement de Clément d'Alexandrie, philosophie grecque, érudition alexandrine l'ont tous marqué de leur empreinte. Il en est une que l'on ne compte pas habituellement parmi les influences qui ont formé les doctrines d'Origène. C'est le gnosticisme.

Mais n'en a-t-il pas été l'adversaire acharné? Perd-il jamais une occasion de dénoncer Basilide, Valentin, ou Marcion? Même à Césarée, lorsqu'il instruit le peuple en ses homélies, il met ses auditeurs continuellement en garde contre les doctrines des hérétiques. Une antipathie aussi prononcée a dû l'immuniser contre toute influence gnostique. N'oublions pas cependant qu'Origène n'a guère été moins sévère pour la philosophie grecque que pour le gnosticisme. Il ne lui est pas arrivé comme à son maître Clément, d'exprimer de l'admiration pour Socrate, Platon ou Zénon. Il n'en est pas moins certain qu'il est imprégné jusqu'aux moelles de leurs doctrines. Or il connaît fort bien les ouvrages des théologiens gnostiques, il les a lus, médités, commentés. C'est ainsi qu'en écrivant lui-même son commentaire sur le IVe évangile, il avait constamment sous les yeux celui du valentinien Héracléon. Il le cite; il le critique, mais parfois aussi il l'approuve. Quand on pratique avec ce soin même des auteurs contre lesquels on est prévenu, il est impossible de ne pas leur emprunter quelque chose. Pour rester réfractaire à la contagion de leur esprit et de leurs idées, il faudrait être. un Tertullien. Platon, pas plus que Marcion, n'a trouvé grâce aux yeux de ce juriste étroit. Origène était d'une autre

trempe. Il avait trop d'ouverture d'esprit pour ne pas être sensible aux idées justes, quelle qu'en fût l'origine.

Mais quel est le gnosticisme dont il a réellement subi l'influence? Ce ne fut pas celui des sectes ou confréries qui pullulaient autour de l'Église au Ie siècle. Celles-ci différaient profondément des grandes écoles gnostiques du 11e siècle. En fait, Origène paraît les connaître assez mal. Il lui est arrivé de s'occuper de la secte des Ophites. On est surpris de constater qu'avant de se renseigner il n'en connaissait guère que le nom. Il a eu toutes les peines du monde à recueillir sur leur compte le peu d'information qu'il nous a donnée dans son Contra Celsum. Les Gnostiques qu'il connaît pour les avoir pratiqués, ce sont les théologiens du 11e siècle depuis Basilide jusqu'à Héracléon et à Ptolémée. Il est naturel du reste que seuls les exégètes et les dogmaticiens parmi les Gnostiques l'aient intéressé.

Pour nous en convaincre, il suffira, nous semble-t-il, d'analyser quelques-unes des doctrines d'Origène et de les rapprocher de celles des maîtres gnostiques. On sera peut-être surpris de voir à quel point il a subi le contrecoup de la théologie gnostique. On verra que c'est elle qui a posé certaines questions devant sa pensée; par là elle a stimulé sa réflexion, elle l'a orientée dans une certaine direction. Parfois même, il lui a été mpossible de ne pas être sensible à la justesse de certaines idées gnostiques. Il est arrivé de cette manière que sa pensée sur des points essentiels s'est en partie calquée sur celle des grands Gnostiques.

Que pensent des Écritures les Gnostiques et Origène? Tous deux les allégorisent. Dans l'application qu'ils font de la même méthode, les Gnostiques n'ont pas plus d'originalité que le commentateur chrétien, et celui-ci ne l'applique pas autrement que ceux-là. Pour s'en assurer, il suffit de comparer Origène à Héracléon. L'un et l'autre commentent le quatrième évangile, et si leurs théologies s'opposent, leur mode d'interprétation est identique.

Tout d'abord comment juge-t-on l'Ancien Testament de part et d'autre? Sur la foi des Pères on a longtemps cru que

les Gnostiques rejetaient tous le vieux livre. L'ignorance des hérésiologues s'accordait avec leur intérêt pour voiler les véritables opinions de leurs adversaires. Grâce aux fragments authentiques des écrits gnostiques que nous possédons, il est possible de retrouver ces opinions et de les rétablir dans leur diversité.

Les vues extrêmes sont représentées par Marcion et son école. Ceux-là rejettent radicalement l'Ancien Testament. Ce livre est l'œuvre du Démiurge. On en viendra même dans certains milieux marcionites à déclarer que l'Ancien Testament a été inspiré par le Diable. On sait maintenant que ces vues n'ont jamais été professées par l'école de Valentin. Bien loin de là, Ptolémée, dès les premières lignes de sa lettre à Flore, les répudie. Il écarte à la fois l'opinion marcionite et l'opinion courante dans l'Église. Il prétend faire un choix dans l'Ancien Testament. Ses vues sont modérées. Plus conservatrices encore paraissent avoir été celles de l'auteur de la Pistis Sophia. Dans le deuxième traité de ce recueil on cite les psaumes pénitentiaux, on y voit le modèle des oraisons de Pistis Sophia. C'est à croire que pour l'auteur l'Ancien Testament est aussi sacré que pour le simple fidèle. On en a conclu que ce gnostique a voulu se rapprocher de l'Église. Si telle a été sa préoccupation, il est étrange qu'il ait sur tous les autres points professé des vues bien propres à lui aliéner les sympathies de l'Église. Il nous suffit de constater que son exemple confirme celui de Ptolémée. Dans les écoles gnostiques, l'unanimité en ce qui concerne l'Ancien Testament était loin d'exister. Un autre exemple non moins significatif est celui de certains Gnostiques des Philosophumena, notamment du Naassène. Celui-ci est syncrétiste. Aussi tous les livres sacrés, quelle qu'en soit la provenance, ont la même autorité à ses yeux. Une légende babylonienne ou phrygienne vaut un mythe biblique. On les invoque au même titre.

Il n'est pas impossible de savoir sur quels principes reposent ces vues. Pourquoi Marcion rejette-t-il l'Ancien Testament avec une telle intransigeance? C'est parce que ce livre pro

« PrejšnjaNaprej »