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Son argumentation (p. 14) repose sur dix points: le prophète, comme tous les autres d'ailleurs, appelle les hommes à reconnaître un Dieu éternel et tout-puissant ; il était pieux et sincère ; il a produit des miracles évidents; il a prophétisé des événements qui sont arrivés durant sa vie, et d'autres qui ne se sont réalisés qu'après sa mort; il a révélé un livre, signe indubitable d'une mission divine ; sa victoire sur les nations est aussi un signe de ce genre; ses missionnaires étaient des gens honnêtes dont on ne peut suspecter la véracité ; il clot la série des Envoyés de Dieu, et s'il n'en était pas ainsi, les anciennes prophéties le concernant ainsi qu'Ismaël seraient vaines; enfin, les prophètes ont annoncé sa venue longtemps avant son apparition.

Que répondent les chrétiens (p. 15)? 1o Ils ne constatent pas qu'un prophète ait annoncé sa venue; 2o on ne trouve pas dans le Qorân la mention d'un miracle qu'il ait accompli ; 3° le Christ a dit qu'aucun prophète ne viendrait après lui. Mais réplique l'auteur (p. 16), est-ce que Moïse, David, Isaïe, Jérémie ont été annoncés par d'autres prophètes? Est-ce que les Psaumes de David contiennent la mention d'un miracle de ce roi-prophète ? Est-ce que Ezéchiel, Osée et autres en ont fait? Et quant à des prophètes postérieurs à Jésus, n'avons-nous pas les Actes des Apôtres qui nous parlent des prophètes d'Antioche, Barnabas, Simon, Luc de Cyrène (Act. XIII, 1) et d'Agabus de Jérusalem (Act. XI, 28)? On voit que l'auteur était bien renseigné. C'est évidemment de ce passage, ou d'un traité du même genre, que provient la mention des prophètes d'Antioche dans le Livre de la Création et de l'Histoire de Motahhar ben Tâhir elMaqdisî.

L'ascétisme, l'austérité, la pauvreté de Mahomet (p. 25) feront sourire ceux qui sont au courant des recherches du R. P. Lammens. Le hadith el-faqru fakhrî « la pauvreté est ma gloire » n'était pas encore inventé, sans cela l'auteur l'aurait cité. Faire un mérite au Qorân d'exiger deux témoins équitables (entendez plutôt : « de bonnes mœurs », adl) « pris parmi vous » (les musulmans), tandis que les lois de Moïse et de Jésus se taisent sur la qualité des témoins, est simplement absurde. C'est d'ailleurs de ce verset (LXV, 2) que' découle l'obligation, pour le juge musulman, de rejeter le témoignage d'un non-musulman contre un de ses coreligionnaires (à lui, juge), et c'est

un des motifs qui ont présidé à l'élaboration des Capitulations de l'empire ottoman.

A l'époque où écrivait l'auteur, les légendes qui entourent la vie de Mahomet étaient définitivement fixées, et comme tous ses contemporains, il y croyait fermement. Le moindre sens critique, s'il en avait eu, aurait dû lui faire voir (p. 45) que la mention du Khorasan, d'où est parti Abou-Moslim, ne pouvait être que postérieure à l'avènement des Abbassides, mais les auteurs de Çahîh, Bokhâri et Moslim, s'y sont eux-mêmes trompés, malgré leur croyance à l'authenticité des traditions qu'ils n'avaient pas rejetées. On notera que, parmi les miracles, il n'est pas fait mention de la lune fendue en deux, bien que ce phénomène météorologique soit cité dans le Qorân.

Pour l'annonce de la venue de Mahomet dans l'Ancien Testament, le procédé est simple : partout où, dans la version syriaque, il y a un mot signifiant « gloire », traduit en arabe (un peu abusivement) par hamd, c'est Mohammed qu'on a en vue; il en est ainsi de Ps. XLV, 2-5; Is. II, 19, XXXV, 2; Hab. III, 3-13, etc., et du fameux mechabbeha d'Ezechiel. En ce qui concerne le Paraclet, la démonstration est bien faible; l'auteur en est réduit à calculer la valeur numérique des lettres. Je ne vois pas qu'il y soit question de panλútos = пapazkýtos. Quand on reproche à Mahomet d'avoir dit : « Dans le monde futur il y aura à boire et à manger » (cf. Qor. passages connus), l'auteur répond : « Le Christ n'a-t-il pas dit à ses disciples : « Je ne boirai pas de ce fruit de la vigne, jusqu'à ce que j'en boive une autre fois avec vous dans le royaume des cieux » (Matth. xxvi, 29). En y joignant Luc, xxII, 30 : « Vous mangerez et boirez à la table de mon père », ilfaut reconnaître que la réplique est topique. Page 95, « Mâhin» (à la note 6) est bien la Médie, mais il faut lire Mâheïni au duel, car il y a le mah de Baçra et celui de Koûfa.-P. 97. « Khuzistan », en note: Contrée s'étendant entre Ahwâz, Baçra et Ispahan, d'après Yâqoût; mais chacun sait que c'est le nom de la Susiane, le pays des Cosséens, dénommé aujourd'hui administrativement Arabistan, à raison des nomades arabes qui parcourent ces plaines désolées. P. 98. « A secret to me », et en note « Possibly a literal translation of the syriac expression Raz li, meaning figurativeley « Woe is me ». Le traducteur n'a pas vu que râz dans le sens de « secret » est un mot

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persan, P. 121. « The city of Irân-Shahr » et en note : « A big city in N. W. of the province of Khurâsân... That the Persian language was not spoken beyond this city is historically interesting. >> Ce n'est pas cela du tout. Erân-Shahr est l'empire de Perse; voir l'ouvrage de J. Marquart qui porte ce titre ; et d'ailleurs Yâqoût, IV, 857, cité ibidem, dit bien que c'est le nom du pays entre le Djaihoûn et Qâdisiyya, c'est-à-dire entre l'Oxus et l'Euphrate, ce qui est fort exact pour l'époque des Sâsânides. - P. 127. « City of Peace », et en note: « i. e. Baghdad ». Le texte arabe porte indubitablement dâr es-Salâm, qui est en effet un des surnoms de la capitale des Abbassides ; cette expression ne signifie pas « la ville de la paix » ou « du salut », comme on la traduit communément, mais « le paradis », ainsi que d'ailleurs le nom d'el-Khold, donné au palais des Khalifes.

CL. HUART.

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Hippolyte DREYFUS. L'Œuvre de Bahâou'llàh. T. Ier. Paris, Editions Ernest Leroux, 1923; 1 vol. in-18, 143 pages.

On ne peut qu'admirer le courage avec lequel M. H. Dreyfus a entrepris de faire connaître au public français et à celui qui lit la langue française, bien plus étendu que l'autre, les élucubrations sorties de la plume de Béhâ-oullâh. Le petit volume que nous avons sous les yeux contient différentes œuvres du continuateur du Bâb : la . Très sainte tablette, rédigée à Andrinople ou au début du séjour (lisez internement) du prophète à Saint-Jean-d'Acre (p. 9-20); les sept Vallées du voyage vers Dieu, avec le sous-titre : Sur les mystères de l'ascension vers Dieu, le tout Puissant et le Miséricordieux (p. 25-60); les Paroles cachées en arabe (p. 63-78) et en persan (p. 81-106); ces deux ouvrages ont été composés à Bagdad, probablement en 1247 hég. (1857); et enfin la lettre sur le Bayân (p. 109143), contemporaine du premier de ces quatre traités. C'est dire que nous sommes encore à une période où la pensée de Béhâ-oullâh ne s'est pas encore dégagée des formules du Bâb ; une polémique contre Çobh-é Azal et ses adeptes, d'une tonalité violente, indique que la séparation des deux disciples n'était pas fort éloignée. On a prétendu

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que la réforme de l'islamisme prêchée en Perse par Ali-Mohammed n'avait rien à faire avec les mystiques; ce volume prouve que cette opinion était erronée; il n'y a qu'à constater, passim, le rôle qu'y jouent les voiles qui séparent l'entendement humain de la connaissance de l'Etre suprême, et cela est tout à fait dans la note de la mystique persane.

On remarquera (p. 34) une rencontre fortuite et néanmoins étrange entre les spéculations des çoûfîs et les hypothèses les plus récentes sur le rôle des ions : « Si tu cherches à l'intérieur de chaque atome, au milieu tu trouves un soleil. » Signalons aussi le point de doctrine formulée p. 137 : « La création a toujours existé et elle existera toujours. » Au point de vue musulman, c'est une hérésie parfaitement caractérisée, un chirk (association de créatures à Dieu) de premier ordre. Ainsi, éternité de la matière: Dieu n'est plus qu'un démiurge.

La traduction est élégante; il n'était pas facile de rendre, dans un langage accessible à un public non prévenu, la phraséologie particulière aux ratiocineurs d'Orient. On eût souhaité un peu plus de notes; en effet, que signifie un membre de phrase comme celui-ci (p. 19): « Le Kauther de ma science », si l'infortuné lecteur ne sait pas qu'il s'agit d'une source du Paradis? Les quelques indications que l'on rencontre au bas des pages ne sont pas exemptes d'erreurs. P. 29, Léïli, lire Léïla; il n'y a pas que Djâmî qui ait chanté les amours de Medjnoûn et de Léïla. P. 42, « les mélodies de Hijaz et d'Irak. » En note : « l'arabe et le persan». Ce sont les noms de deux modes musicaux, de deux gammes; cf. p. 48 : « L'oiseau d'Irak a dans sa tête tous les chants merveilleux de l'Hijaz. » P. 53. Lokman est bien un « sage légendaire de l'Arabie », mais non un fabuliste, puisque les fables placées sous son nom sont la traduction de celles d'Esope. P. 85, « L'arbre d'Anissa ». Les Béhâïs ne savent plus ce que veut dire cette expression. Je m'y suis moi-même trompé dans un précédent article. C'est tout uniment « l'arbre du feu », c'est-à-dire le buisson ardent : anîsa « la compagne » (når est féminin en arabe) est un synonyme de « feu » chez les anciens Arabes. P. 131. Le chiffre 6 n'a la forme d'un hamza que dans l'écriture persane; attribuer cette valeur à ce signe orthographique n'est qu'une plaisanterie sans portée.

On nous annonce un second volume qui contiendra les lettres adressées d'Andrinople, par Béhâ-oullah, aux principaux chefs d'Etat, « pour les exhorter à se joindre à lui afin de jeter les bases de la Cité future. » Comme document historique se rapportant aux débuts de la secte, il aura son importance.

Cl. HUART.

Augustin GAZIER.

Histoire générale du mouvement janséniste
Paris, Champion 1922,

depuis ses origines jusqu'à nos jours. 2 vol. in-12 de Ix-339 pp. et 376 pp.

Voici le testament d'un historien et d'un janséniste. Augustin Gazier est mort le 20 mars 1922, quelques mois à peine après avoir terminé ces deux volumes dans lesquels il voulait condenser tous ses travaux antérieurs, en même temps que, par le seul exposé des faits, faire œuvre d'apologiste.

L'avant-propos, qu'il écrivit la veille même de sa mort, nous dit très nettement l'objet de cette étude et l'esprit dans lequel elle a été composée. Il ne saurait être question, d'après G., d'écrire l'histoire du « Jansénisme » parce que le « Jansénisme » n'existe pas : il est une invention calomnieuse des Jésuites; les jansénistes ont toujours rejeté les cinq propositions; ils n'ont jamais voulu se séparer de l'Eglise; ils sont catholiques, sans plus. Cependant, avoue l'auteur, il y a un état d'âme janséniste, un tempérament janséniste; mais ce n'est là rien autre chose qu'une tendance à s'opposer aux nouveautés impies que les Jésuites introduisirent au xvre siècle dans la théologie ; c'est, sur la question de la grâce, et par opposition au pélagianisme des Molinistes, une réaction en faveur de la toutepuissance de Dieu. - Tel est l'esprit du livre, évidemment favorable au jansénisme, comme d'ailleurs tout ce que G. avait fait paraître jusque-là : publication de ces Mémoires de Godefroi Hermant qui ̈ sont une réponse janséniste au Jésuite Rapin; défense du caractère de Bossuet attaqué par les Jésuites; publication de l' « Abrégé » de Racine; édition nouvelle des « Pensées » de Pascal; vie des hospitalières du faubourg Saint-Marcel qui montrèrent au XVIIIe siècle le

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