Slike strani
PDF
ePub

établi une procédure au moyen de laquelle toute l'émigration des pays et des districts ci-dessus mentionnés, se trouvait, en fait, refoulée dans la direction de leurs navires, et constituait par là un monopole de la portée la plus grave, s'exerçant non pas sur le mouvement des émigrants allemands, dont le Gouvernement allemand pouvait naturellement prétendre avoir le contrôle; mais sur celui des émigrants appartenant aux autres nationalités, qui se trouvaient dans l'obligation de traverser l'Allemagne pour gagner les côtes occidentales de l'Europe, d'où ils pouvaient partir pour les ÉtatsUnis, etc.... La méthode adoptée était la suivante :

Les deux Compagnies en question furent autorisées par le Gouvernement allemand à établir des stations de contrôle sur les frontières nord-est et est de l'Allemagne, après s'être mises d'accord avec les diverses lignes de chemins de fer qu'empruntent les émigrants qui, ayant à se rendre des régions nord-est et est de l'Europe à destination des États-Unis et du Canada, ont à traverser l'Allemagne pour atteindre leur port d'embarquement sur le Continent ou en Angleterre.

Ces stations étaient créées, disait-on, pour soumettre les émigrants à un examen ayant pour objet de s'assurer :

1° Qu'ils n'étaient atteints d'aucune maladie contagieuse;

2o Que, sous tous les autres rapports, ils remplissaient les conditions voulues pour être admis dans les pays où ils se rendaient.

Ces stations, dont le réseau commence sur les rives de la Mer Baltique, contrôlent chacune des lignes de chemins de fer qui traversent la Prusse. Dans ces stations de contrôle, tous les émigrants provenant de Russie, d'Autriche et de Hongrie, passent la visite et, s'il est nécessaire, sont désinfectés avant qu'il leur soit permis de franchir la frontière, et chacun de ces émigrants doit être porteur du certificat constatant les résultats de cette visite, pour pouvoir continuer son voyage. Mais, dans la pratique, les Compagnies allemandes se refusent à désinfecter le passager et à lui délivrer le certificat, s'il n'a pas pris son billet de passage par leurs propres lignes ou l'une des lignes alliées. Il en résulte que les passagers des lignes non alliées avec les lignes allemandes sont arrêtés à la frontière et mis dans l'impossibilité de continuer leur voyage; s'ils n'ont pas l'argent nécessaire pour prendre un nouveau billet valable pour les lignes allemandes, on les force à retourner chez

eux.

Les stations de contrôle existent depuis un certain temps, et, pour échapper à leurs exigences, les passagers en provenance de Russie et d'Autriche-Hongrie, porteurs de billets autres que ceux des deux Compagnies allemandes et de leurs alliées, avaient une ressource; si la situation du district d'où ils partaient le permettait, et quand bien même la route ainsi choisie de préférence par eux les faisait dévier de la route directe, ils prenaient la ligne de chemin de fer qui coupe la frontière saxonne à Bodenbach et passe par Leipzig. Cette route était plus chère que celle à travers la Prusse; mais c'était le seul moyen de tourner la difficulté. En Novembre dernier, toutefois, le Gouvernement saxon, à son tour, établit une station de contrôle à Bodenbach, station plus tard transférée à Leipzig et, dans cette station, aucun passager autre que ceux à destination des lignes Hambourgeoise-Américaine ou Norddeutscher Lloyd, ne fut admis à traverser la Saxe, s'il n'était porteur d'une somme de 20 £ pour chacun des membres de la famille âgé de plus de dix ans et de 5 £ pour chacun des enfants âgé de moins de dix ans. Il est bien peu d'émigrants qui possèdent une pareille somme, et cette règle équivaut, dans la pratique, à une véritable mise en interdit de tous les passagers de toutes les autres lignes, à l'exception, si je suis bien informé, de ceux qui se sont adressés aux alliées des deux lignes mentionnées ci-dessus, dont la Compagnie HambourgeoiseAméricaine et le Norddeutscher Lloyd répondraient. Quoi qu'il en soit, grâce à l'existence, aux frontières prussiennes et saxonnes, de toutes ces restrictions, les affaires d'émigration de la Compagnie Cunard sont très sérieusement entravées. Ses passagers ont été arrêtés aux stations de contrôle; il n'a été tenu nul compte de ses réclamations. Le traitement dont elle a été l'objet est d'autant plus déraisonnable que, conformément aux dispositions de la loi allemande, la Compagnie a obtenu, il y a quelques années, une licence en vertu de laquelle elle a été autorisée à établir en Allemagne une Agence d'émigration et à enregistrer des émigrants comme passagers, et, de plus, qu'elle a déposé, à ce titre, entre les mains du Gouvernement allemand. une somme de 5.000 £

comme garantie de la régularité des opérations de cette Agence. Ce dépôt est encore, à l'heure actuelle, entre les mains du département de la Dette d'Etat, à Hambourg, et répondrait pour la Compagnie Cunard des dépenses qui incomberaient au Gouvernement allemand du fait des émigrants. En présence de la liberté, accordée aux steamers des deux Compagnies allemandes en question, d'opérer dans les ports anglais, et d'y engager des passagers anglais, bien que ces navires n'y soient pas astreints aux règlements du Board of Trade, je n'hésite pas à déclarer que cet << embargo >> mis sur les passagers russes et autrichiens qui entendent prendre leur passage par les lignes anglaises est injustifiable et contraire à l'usage international. Enfin, je dois ajouter que ce régime arbitraire a pris naissance et s'est développé peu de temps seulement avant que la Compagnie Cunard eût conclu son contrat avec le Gouvernement hongrois pour le transport de l'émigration hongroise.

Ci-dessous, j'annexe la copie d'une déclaration faite, il y a quelques jours, devant un notaire, par un passager qui a été arrêté deux fois à deux stations de contrôle et renvoyé chez lui; mais qui, avec une rare résolution, a persisté à vouloir rompre le cordon des lignes allemandes et y a réussi. On pourrait citer plusieurs exemples du même genre.

Sincèrement vôtre,

Signé: INVERCLYDE.

Compagnie Cunard (Limited) 10 Mai.

Declaration.

Je soussigné, Joseph Garozinski, affirme par la présente que je viens de Cracovie, en Galicie. J'avais un billet payé d'avance que m'avait envoyé mon beau-frère, résidant à Avoca (Pennsylvania). J'ai quitté Cracovie porteur de ce billet et j'ai payé un billet de chemin de fer valable de Cracovie à Brême. J'ai été jusqu'à Ratibor, ville d'allemagne située juste au delà de la frontière de Galicie (Autriche), et, sur ce point, tous les passagers ont eu à quitter le train. Un agent de Missler (1) vint à moi et, en présence d'un gendarme, me demanda où j'allais. Je ne le compris pas bien, car il ne me parla qu'en Allemand et je lui montrai mon billet Cunard. Il me dit que ce billet n'était pas bon et que je devais lui acheter un billet. Je lui répondis que je savais que le billet était bon, parce que je le tenais de mon beau-frère, qui me l'avait envoyé et que j'avais un passeport en règle, dùment signé. J'ajoutai que je ne prendrais pas un autre billet, mais qu'on pouvait me conduire au Consulat. Ils me dirent alors que si je n'achetais pas à Missler un autre billet j'aurais à retourner chez moi. Je pourrais alors renvoyer en Amérique mon billet Cunard et prier mon beau-frère de le changer contre un billet d'une ligne allemande. Ils me firent alors acheter un billet de chemin de fer pour Cracovie, d'où je venais, et s'assurèrent que j'étais bien dans le train. Revenu à Cracovie, j'achetai un billet de chemin de fer pour Prague et, ensuite, de Prague pour Leipzig. A mon arrivée à Leipzig, j'eus à quitter le train et un autre agent de Missler, accompagné d'un gendarme, me demanda où j'allais. Je répondis que j'allais à Brême. Ils me demandèrent si j'avais un billet de passage pour le navire. Je répondis: oui. Ils me prièrent de le montrer. Comme j'avais été forcé de revenir sur mes pas de Ratibor, je préférais ne pas le leur montrer, et je leur dis que je ne voyais pas la nécessité de le faire. Ils exigèrent que je le produisisse et,

(1) Note.

C'est le nom de l'Agent général d'émigration de la Compagnie Norddeutscher Lloyd. C'est lui qui dirige toutes les opérations concernant l'émigration.

voyant que c'était un billet Cunard, ils firent exactement ce qui avait été fait à Ratibor. Ils me forcèrent à prendre un billet de chemin de fer pour Prague et Cracovie d'où je venais. Quand, pour la seconde fois, je me trouvai de retour à Cracovie, je pris un billet de chemin de fer pour Chesonow, station voisine de la frontière austro-allemande. De Chesonow, je me rendis en voiture à Myslovitz, ne voulant pas être exposé à être forcé de rebrousser chemin à l'arrivée du train à Myslovitz. De Myslovitz, je me rendis par le train électrique à Beuthen. A Beuthen, je pris un billet de chemin de fer pour Breslau et de Breslau pour Brême. A la station de la place Alexandra, à Berlin, je fus conduit, avec une quantité d'autres émigrants, dans une salle de la station réservée aux émigrants. Là, un agent de Missler et un inspecteur de la police me demandèrent où j'allais. Je répondis à Brême. Chacun eut à produire son billet et je produisis le mien. Ils me mirent dans un coin, à part, et craignant qu'on ne me fit encore rebrousser chemin, je dis à l'inspecteur de police que je venais d'être renvoyé d'Allemagne deux fois et que si leur intention était de procéder de même de nouveau, je demandais à être conduit devant mon Consul, afin que toutes mes dépenses fussent payées. L'officier de police téléphona quelque part et, finalement, me laissa aller. J'étais resté à Berlin depuis le matin, première heure, jusque dans l'après-midi de 3 à 4 heures.

Signe: José GAROZYNSKI.

Déclaré sous la foi du serment, 10 Water-Street, Cité de Liverpool, ce jour, 29 Avril 1904, avec l'entremise, comme interprète, de Mathias Josef Vandepoel de 34 Upper Pitt Street, Liverpool, et David Hefter de 148 Nelson Street, Liverpool, ledit Mathias Josef Vandepoel, ayant préalablement juré qu'il interpréterait fidèlement, en langue allemande, la déclaration faite sous serment par le déposant, Josef Garozynski susnommé, audit David Hefter et ledit Mathias Josef Vandepoel (ayant juré) qu'il interpréterait fidèlement la déclaration faite sous serment en langue polonaise par ledit Josef Garozynski.

Par-devant moi soussigné, Geo Dickinson, notaire public à Liverpool.

IMPRIMERIE CHAIX, RUE BERGÈRE, 20, PARIS. -12495 5-05.-- (Encre Lorilleux).

[blocks in formation]

LA GRÈVE DES ÉTATS-MAJORS DE LA MARINE MARCHANDE

A la suite des événements dont Marseille a été le théatre, nous recevons de l'Association Fédérative des Capitaines au long-cours et Officiers de la Marine Marchande de France, du Syndicat des Capitaines au cabotage de la Méditerranée et du Syndicat des Mécaniciens diplômés de Marseille deux communications que nous nous empressons de porter à la connaissance de nos adhérents.

La première émane de la Commission Exécutive constituée par les trois Associations et a pour objet d'exposer les motifs qui ont inspiré leur conduite.

La seconde est une note sur les faits d'indiscipline et de violence qui se sont produits tout dernièrement à bord de navires armés à Marseille. Elle constitue une annexe de la première.

Monsieur LE PRÉSIDENT,

MESSIEURS LES ARMATEURS,

En présentant ce document à votre haute appréciation, l'intention de la Commission Exécutive de la grève des états-majors de la marine marchande est de vous éclairer par des faits, extraits de rapports officiels, sur la situation d'esprit des équipages et de démontrer l'impérieuse nécessité qui a conduit les états-majors, non pas à ce que l'on a improprement appelé la grève, mais à une manifestation devant attirer l'attention publique et celle des Pouvoirs sur un désordre social.

Nous n'avons pas fait grève!... mais en présence du cominandement rendu impossible dans des conditions qui ne permettaient plus l'accomplissement de nos devoirs professionnels, nous avons renoncé à l'exercice de ce commandement pour réclamer des Pouvoirs la restau ration de la discipline et de l'autorité indispensables dont le législateur compétent nous a investis pour l'exécution de notre mandat.

Il est incontestable que nous ne pouvions accepter plus longtemps la situation fausse où nous étions acculés.

Pris entre nos devoirs envers les armateurs, nos responsabilités envers les autorités maritimes et la sécurité publique, et l'attitude des équipages révoltés et agressifs.

Il est à remarquer que le conflit actuel ne met pas en présence des employeurs et des

employés, mais un groupe d'employés dirigeants et responsables à qui appartient la direction du travail très spécial de la navigation et investis par les Pouvoirs publics de l'autorité légale nécessaire à leurs fonctions; ceux-ci contre des employés subordonnés, sans responsabilité préposés à un simple travail manuel.

Vous reconnaîtrez sans doute les caractéristiques particulières des faits que nous vous

soumettons :

1o Influence funeste des meneurs des syndicats sur des esprits mal éclairés, dont le jugement borné et brutal subit un faux enseignement de leurs droits et accepte avec enthousiasme l'excitation à la méconnaissance de leurs devoirs.

2° Affirmation par ces mêmes meneurs (haineux par profession) de la solidarité entre les travailleurs honnêtes et consciencieux et les mauvais serviteurs en révolte contre la discipline, excitateurs et fomenteurs de troubles.

Prétention que ces mauvais citoyens jouissent des mêmes avantages que les bons sujets et de la même faveur dans le travail.

3o Prétention de refuser au capitaine, responsable et autorisé par la loi, le droit de choisir son équipage et de débarquer sans discussion les mauvais serviteurs.

4o Prétention plus exorbitante encore des syndicats, dans leur forme impersonnelle, de substituer à l'autorité légale, basée sur une justice raisonnée et compétente, leur autorité illégale, arbitraire et incohérente; cela, non seulement pour juger des litiges disciplinaires avec leurs chefs, mais encore pour contrôler et discuter les actes du capitaine dans la gestion du navire et la pratique de la navigation, s'opposer même à l'exécution de ses actes.

Cette prétention est manifeste dans le fait d'introduire parmi les équipages des délégués ayant pour mission de pratiquer ce contrôle et cette opposition au nom du Syndicat.

Cela d'une façon d'autant plus arbitraire et incohérente, nous le répétons, que ces délégués, au lieu d'être choisis dans l'élite des marins intelligents et consciencieux, le sont, pour la plupart, parmi les récidivistes exaltés et haineux que de justes rigueurs poussent à la vengeance et au désordre.

Tels sont les égarements qui ressortent des rapports que nous vous soumettons.

Le Syndicat des inscrits et celui des dockers, unis pour une si mauvaise cause, s'appliquent, pour faire triompher de telles prétentions, à terroriser les autorités et les armateurs par leurs menaces constantes de grève, compromettant gravement les intérêts de ces derniers et les amenant à céder contre tous droits et toute justice à leur volonté brutale et irraisonnée, sacrifiant ainsi à la vindicte des syndicats les précieux serviteurs que sont leurs officiers.

C'est l'abus monstrueux d'un droit que le législateur a cru devoir accorder aux travailleurs éclairés. En agissant ainsi, non seulement les inscrits maritimes et les dockers, dans l'anonymat de leurs syndicats, troublent l'ordre social et les fonctions de notre marine, mais ils violent la loi d'une façon manifeste, car, si le législateur accorde le droit aux associations corporatives d'agir pacifiquement ou par une pression légale et raisonnée en vue de l'amélioration de leur sort, il leur refuse celui d'agir pour devenir oppresseurs, fomenteurs de désordres, résister à la loi et la violer.

On comprend plus difficilement encore que les Pouvoirs publics, qui ont charge de la police sociale, non seulement restent spectateurs impassibles de tels désordres, mais encore encouragent ces égarements par une attitude sympathique à l'égard des fauteurs et donnent

« PrejšnjaNaprej »