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allumés donnés par le pontife; la coutume s'améliorant de plus en plus, la même cérémonie fut célébrée lors des autres fêtes de la bienheureuse Mère et Vierge éternelle, non plus pour la purification quinquennale du royaume d'ici-bas, mais pour la glorification de son règne céleste1 ».

Les termes de ce passage sont généraux. Bède ne cite pas spécialement les Lupercales; il fait allusion à toutes les cérémonies de purification, à toutes les lustrationes que les Romains. célébraient pendant le mois de février, et il ajoute que le christianisme a transposé, si l'on peut dire, ces rites dans la fête de la Purification de la Vierge. Les commentateurs de Bède ont admis qu'il avait surtout en vue les Lupercales, et de fait les Lupercales constituaient la plus importante des lustrationes du mois de février, des februationes'. Nous verrons d'ailleurs plus loin qu'il y a entre les deux cérémonies des ressemblances qui justifient cette interprétation précise du texte de Bède. Notons également qu'il n'attribue pas au même jour du mois, comme l'ont affirmé certains érudits modernes', les rites païens de lustration et la fête chrétienne.

Mais ces réserves faites, il n'en reste pas moins que Bède. établit une relation, sinon de cause à effet, du moins de succession entre ces rites et cette fête. Or telle est la relation dont

1) Secundum (mensem) dicavit (Numa) Februo, id est, Plutoni qui lustrationum potens credebatur, lustrarique eo mense civitatem necesse erat, quo statuit ut jure diis manibus solverentur. Sed hanc lustrandi consuetudinem bene mutavit Christiana religio, cum in mense eodem die sanctae Mariae plebs universa cum sacerdotibus ac ministris, hymnis modulatae vocis per ecclesias perque congrua urbis loca, procedit, datosque a pontifice cuncti cereos in manibus gestant ardentes, et augescente bona consuetudine, id ipsum in caeteris quoque ejusdem beatae matris et perpetuae virginis festivitatibus agere didicit, non utique in lustrationem terrestris imperii quinquennem, sed in perennem regni coelestis memoriam...

2) Ovide, Fastes, II, 31-32.

Mensis ab his dictus, secta quia pelle Luperci
Omne solum lustrant idque piamen habent.

3) Warde Fowler, The Roman Festivals, p. 321.

J. A. Hild, art. Luper

calia, in Daremberg et Saglio, Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, t. III, p. 1402.

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Mer Batiffol conteste la réalité. Les Lupercales, d'après lui, ont été supprimées par le pape Gélase en 494 ou 496; la fête de la Purification de la Vierge n'a été instituée à Rome que beaucoup plus tard, et elle y a été introduite de Byzance, en même temps que trois autres fêtes consacrées à Sainte Marie. Il n'y a pas de ressemblance entre le rite romain, par lequel toute la cité était purifiée, et la cérémonie chrétienne qui appartient à la liturgie propre de la Vierge. La procession qui se rendait de Saint Adrien à Sainte Marie Majeure n'a rien de commun avec la course des Lupercales. Enfin la date est différente, les Lupercales tombant le 15 février, et la fête de la Purification se célébrant le 2.

L'argument tiré du changement de date ne me paraît pas très probant. Pour ne citer qu'un exemple, les Feux de la SaintJean, auxquels l'Église prend part pour en bannir les superstitions, selon les termes mêmes du Catéchisme de Meaux rédigé par Bossuet, ont été transportés du jour même du solstice d'été, qui est le 22 juin, au jour de la Nativité de saint Jean qui est le 24. Le mois de février étant, par étymologie et en quelque manière par définition, le mois des purifications, la question de date n'était pas décisive.

Pour ce qui est de l'interruption, du vide qui existerait entre l'abolition des Lupercales et l'institution de la fête de la Purification, je ne pense pas que les documents aujourd'hui connus nous autorisent à l'admettre aussi nettement que l'a fait Mgr Batiffol. En un mot je ne crois pas qu'on puisse conclure des termes employés par le pape Gélase dans son libelle Adversus Andromachum que la fête païenne ait été supprimée en fait en 494 ou 496. Après avoir fait longuement le procès des Lupercales, après avoir montré que les rites de la fête sont indignes d'un chrétien, Gélase ne peut cependant s'empêcher de constater que cette cérémonie, qu'il juge impie, a résisté jusqu'alors aux attaques, aux efforts de ses prédécesseurs. « On ne peut pas guérir à la fois tous les maux dont souffre le corps; il faut s'occuper d'abord de celui qui paraît le plus

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dangereux. » Et la fin de son ouvrage n'est pas sans témoigner de quelque embarras ou de quelque appréhension sur l'efficacité de l'interdiction qu'il lance : « Enfin, pour ce qui me concerne, qu'aucun homme baptisé, qu'aucun chrétien ne prenne part à la fête; mais que seuls les païens, dont c'est un rite, la célèbrent. Il m'appartient de déclarer que de telles cérémonies sont incontestablement pernicieuses et funestes pour des chrétiens. Pourquoi me reprocher d'interdire à tous ceux. qui se réclament du nom chrétien ce que je juge ennemi de la religion chrétienne? En tous cas, je veux libérer ma conscience: que les chrétiens jugent s'ils doivent ne pas écouter mes justes avertissements! Je ne doute pas que mes prédécesseurs aient agi de même et qu'ils se soient sans doute adressés à l'autorité impériale pour faire supprimer la fête païenne..... Je ne me permets pas d'accuser mes prédécesseurs de négligence; je crois plutôt qu'ils ont tenté de faire abolir cette impiété, mais qu'ils se sont heurtés à des obstacles, à des influences contraires, qui ont fait échouer leurs efforts; vous-mêmes, encore maintenant, ne vous obstinez-vous pas dans une résistanceinsensée ?*»

Le pape Gélase interdit aux chrétiens de prendre part aux Lupercales et il ne paraît pas très sûr de leur obéissance unanime. I sent des résistances, des obstacles. D'autre part, un détail de ce passage atteste qu'il ne dépend pas de lui d'abolir la fête. C'est l'autorité impériale, c'est-à-dire temporelle, qui

1) Non simul omnes in corpore curat medicina languores, sed quod periculosius conspicit imminere...

2) Postremo (quod ad me pertinet) nullus baptizatus, nullus Christianus hoc celebret: sed soli hoc Pagani, quorum ritus est, exsequantur. Me pronunciare convenit Christianis ista perniciosa et funesia indubilanter existere.

Quid me incusas si quod professo nomini inimicum est a consortibus professionis Christianae pronuncio submovendum? Ego certe absolvam conscientiam meam : ipsi videant qui justis admonitionibus obedire neglexerint. Quod etiam praedecessores meos forsitan fecisse non ambigo, et apud Imperiales aures haec submovenda tentasse... Ego negligentiam accusare non audeo praedecessorum : cum magis credam fortasse tentasse eos ut haec pravitas tolle etur, et quasdam exstitisse causas et contrarias voluntates, quae eorum intentiones praepedirent sicul ne nunc quidem vos istos absistere insanis conatibus velle perpenditis, »

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seule peut décréter une telle suppression. Sans doute, l'empire d'Occident n'existe plus depuis 476; mais au moment où Gélase est pape, Théodoric est roi et gouverne effectivement. Par conséquent, attribuer au pape Gélase l'abolition des Lupercales, c'est non-seulement forcer le sens de ses propres paroles, mais même formuler une conclusion contraire aux termes qu'il a employés.

Il est plus que possible, il est conforme au texte précité, que les Lupercales aient encore été célébrées après le pontificat du pape Gélase. Dès lors, rien ne démontre qu'il y ait eu une interruption plus ou moins longue entre la disparition des Lupercales et l'institution de la fête de la Purification.

N'y a-t-il d'autre part, suivant l'opinion de Mr Batiffol, aucune analogie d'aucune sorte entre le rite païen et la cérémonie chrétienne? Je concède volontiers que la procession de la Chandeleur à Rome, telle que nous pouvons nous la représenter d'après l'ordo Romanus du chanoine Benoît, au XIIe siècle, ne ressemble pas à la course des Luperques. Mais allons au-delà de la physionomie extérieure et, pour ainsi parler, liturgique de la fête. La fête chrétienne de la Purification de la Vierge rappelle, comme l'indique son nom, la purification de la Mère du Sauveur quarante jours après la naissance du Christ; c'est donc un rite de lustration féminine en relation étroite avec la maternité.

Or, s'il est vrai de dire que les Lupercales étaient, à certains égards, une lustration générale soit de Rome elle-même soit de la Roma quadrata primitive, un autre caractère de la fête païenne nous est révélé par toute une série de textes fort explicites. Le pape Gélase lui-même, dans son opuscule Adversus Andromachum, nous apprend que d'après Tite-Live la fête avait été jadis instituée, non pour faire cesser des maladies, mais pour mettre fin à une épidémie de stérilité chez les femmes.. 1) Ovide, Fastes, II, v. 31-32; Varron, De ling. lat., VI, 34.

2) Lupercalia autem, propter quid instituta sunt, Livius secunda decade loquitur nec propter morbos inhibendos instituta commemorat, sed propter sterilitatem, ut ei videtur, mulierum, quae tum acciderat, exsolvendam.

La même tradition se retrouve, plus ou moins développée ou précisée, chez Ovide, chez Juvénal, chez Plutarque, chez Servius et chez le Scoliaste de Juvénal, chez Festus. Juvénal, parlant des jeunes épouses stériles, dit qu'il ne leur sert de rien de tendre leurs mains aux coups des agiles Luperques', et le scoliaste du poète note à propos de ce vers que les femmes stériles se présentaient, pour être frappées de la férule, aux Luperques qui purifient. Le commentateur de Virgile, Servius, transmet le même renseignement; il ajoute que d'après certains auteurs, la fête avait été instituée par Romulus '.

Plutarque, Festus et surtout Ovide précisent davantage. Plutarque parle des Lupercales dans la Vie de César; c'est au cours de cette fête qu'Antoine lui offrit la couronne royale. « C'était, dit l'écrivain, la fête des Lupercales, qui selon plusieurs écrivains était jadis une fête des bergers, et qui a quelque rapport avec les Lykaia d'Arcadie. Un grand nombre de jeunes gens de bonne famille et de magistrats courent tout nus à travers la ville, frappant avec des lanières velues tous ceux qu'ils rencontrent par manière de jeu et de plaisanterie. Beaucoup de femmes de rang distingué se placent à dessein sur leur passage et tendent les deux mains pour recevoir leurs coups, comme on fait à l'école, persuadées que c'est un moyen d'heureux accouchement pour celles qui sont enceintes et pour celles qui ne le sont pas d'avoir des enfants *. » Il y a ici quelque chose de plus que dans les textes précédents: ce n'est pas seulement pour n'être pas stériles, c'est aussi pour être favorisées d'un

1) Juvénal, liv. I, sat. 2, v. 142:

Nec prodest agili palmas praebere Luperco.

2) Steriles mulieres februantibus Lupercis se offerebant et ferula verberabantur.

3) Ad Aeneid., VIII, 343: Nonnulli propter sterilitatem hoc sacrum dicunt a Romulo constitutum, ideoque et puellae de loro capri caeduntur ut careant sterilitate et fecundae sint ; nam pellem ipsam capri veteres februm vocabant. 4) Plutarque, Cesar, 61 : πολλαὶ δὲ καὶ τῶν ἐν τέλει γυναικῶν ἐπίτηδες ὑπαντῶσαι παρέχουσιν ὥσπερ ἐν διδασκάλου τὸ χεῖρε τᾶις πληγᾶις πεπεισμέναι πρὸς εὐτοκίαν κυούσαις, ἀγόνοις δὲ πρὸς κύησιν ἀγαθὸν εἶναι.

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