Slike strani
PDF
ePub

aurait été la filiation paternelle et le facteur primitif de formation aurait été la localisation. C'est par des migration, des contacts et des métissages de peuples et de civilisations que se seraient établies les formes composites à double ligne de descendance.

Or la « couche primitive » où le totémisme se trouvait sous sa forme originelle, c'est-à-dire avec la descendance paternelle et l'exogamie, se rencontrerait selon Ankermann chez les Hamites et les Hamito-Bantous comme les Nandi et les peuples situés plus au sud, de part et d'autre du Nil. Par suite le totémisme égyptien aurait été une institution hamitique, et c'est aux Hamites que les Nègres auraient emprunté les conceptions et les institutions totémiques.

Les objections qui ont été opposées ci-dessus à la théorie de Seligmann valent, et plus fortes encore, contre la théorie d'Ankermann. Il s'en rend certainement compte puisque son exposé se termine ainsi : « malheureusement, cette construction est tout entière hypothétique, et ne peut même être prouvée. Il faut donc se contenter de la considérer comme un stimulant pour des recherches ultérieures; il faut relever les traces de totémisme chez les peuples hamitiques, et il serait particulièrement précieux d'obtenir des renseignements plus précis sur les Foulbe, car on les suppose totémistes >>'.

On s'associe volontiers à ce désir, et l'on espère que grâce à l'impulsion donnée récemment aux recherches ethnographiques dans toute l'Afrique Occidentale française, les renseignements désirés viendront compléter ceux qu'on doit déjà à d'excellents savants comme Maurice Delafosse', Henri Gaden* et

1) Ankermann, loc. cit., p. 178.

2) Le Gouvernement général de l'A. O. F. a commencé en 1916 la publication de l'Annuaire et Mémoires du Comité d'Etudes historiques et scientifiques, foudé en décembre 1915 par arrêté de M. Clozel. La section Ethnographie et Folklore (p. 215-362) comprend plusieurs monogpaphies excellentes.

3) Maurice Delafosse, Haut-Sénégal-Niger, Paris, Larose, 3 vol., 1912. 4) Henri Gaden, Le Poular, dialecte peul du Fouta sénégalais, Paris, Leroux, 2 vol. 1913.

Henri Carbou1? En attendant, les documents qu'on possède actuellement sur les Hamites et les Hamito-Nilotiques ont été analysés par Seligmann et on a vu ci-dessus à quels résultats conduisaient les recherches complémentaires de Miss Werner. Aussi ne s'étonne-t-on que médiocrement de voir Ankermann juxtaposer à sa « théorie hamitique» une théorie juste con. traire, à savoir la « théorie nègre »: « en ce moment nous devons admettre que le totémisme est une institution nègre indigène, jusqu'à ce que nous puissions trouver une autre explication pour les particularités du système Nandi et de ceux qui lui ressemblent >>".

Or, je suis entièrement d'accord avec Goldenweiser' quand il remarque à ce propos : « toutes ces interprétations ne sont qu'un exemple de plus du dogme de diffusion élaboré par Graebner. Pourquoi faut-il supposer que la coexistence de la descendance paternelle et de la descendance maternelle dans une même tribu est la conséquence d'un mélange de peuples? Quelle preuve at-on que le totémisme primitif était paternel et local, et que la distribution des clans totémiques à travers plusieurs groupes locaux est due à ce même mélange de peuples? pourquoi poser comme postulat qn'un type particulier de civilisation est la base du tatémisme? et pourquoi identifier cette civilisation entière, avec un seul peuple? A toutes ces questions l'ethnographe critique ne peut opposer qu'une seule réponse?», à savoir la réponse négative. Aussi doit-on recommander la prudence dès lors qu'abandonnant un domaine où le contrôle ethnographique direct est possible, on se hasarde à tenter d'expliquer certains faits du passé, et même d'un passé le plus éloigné possible comme celui de l'Égypte préhistorique. On vient de voir que les essais de retrouver des points d'appui dans le Soudan égyptien ne conduisent pas à des certitudes, ni même

:

1) Henri Carbou, La région du Tchad et du Ouadai, Paris, Leroux, 2 vol. 1912.

2) Ankermann, loc. cit., p. 178.

3) Goldenweiser, American Anthropologist, 1916, p. 580.

à des approximations suffisantes. Il vaut donc la peine de faire la même enquête vers l'Ouest, c'est-à dire chez les populations qui, sous le nom de Berbères, occupent aujourd'hui encore toute une zone du continent africain, zone qui, comme celle des Hamites nilotiques, a eu sa limite méridionale modifiée incessamment au cours des siècles par la poussée de l'élément nègre. Ce sont de nouveau les mêmes facteurs naturels et sociaux que nous allons rencontrer en recherchant les traces possibles de totémisme chez les Libyo-Berbères et chez les Berbères occidentaux.

(A suivre)

A. VAN GENNEP

LES

NOTIONS DE TEMPS ET D'ÉTERNITÉ

DANS LA MAGIE ET LA RELIGION

La notion de temps dans la magie et la religion est-elle diffé rente de sa notion courante? On pourrait presque l'affirmer à priori, car il s'agit d'un temps sacré et qui par suite doit présenter des particularités qui le distinguent du temps ordinaire'.

[ocr errors]

Mais comment arriver à définir cette notion spéciale? La notion de temps magique et sans doute de temps religieux, ne peut être éclaircie que si nous savons nettement ce qu'il faut entendre par durée et par temps ordinaire? Il faut donc tenter préalablement une définition de ces notions communes. D'autre part, si la notion de temps n'est pas à priorique, mais déduite de l'expérience, comme l'a soutenu Guyau, il est fort douteux que l'on puisse se faire une idée juste du temps, dans la conception courante, si l'on n'essaie pas tout d'abord d'établir comment cette notion s'est formée. En conséquence, nous inclinons à penser que l'analyse de la notion de temps magique ou religieux devra être précédée par une brève recherche de la genèse de l'idée de temps. Et ceci nous semble d'autant plus rationnel que cette recherche préalable devrait logiquement

1) Ce point est d'ailleurs hors de doute depuis la très remarquable étude de M. Hubert, Etude sommaire de la représentation du temps dans la magie et la Religion, 1905. Nous tenons tout d'abord à lui rendre hommage car bien que nos conclusions soient sensiblement divergentes il a eu le très grand mérite d'ouvrir la voie.

nous faire rencontrer la notion de temps magique; notion évidemment fort ancienne et qui a du servir d'étape dans l'élaboration de l'idée ordinaire du temps. Quoi qu'il en soit, nous allons traiter successivement de la genèse de la notion de temps, des caractéristiques du temps sacré ou magico-religieux et enfin de la genèse de la notion d'éternité.

I

LA GENÈSE DE LA NOTION DE TEMPS.

LA DURÉE, LE TEMPS ASTRAL ET LE TEMPS SCIENTIFIQUE.

La durée est la qualité de ce qui persévère dans l'être. Tout ce qui existe dure; et si brève qu'ait été une existence elle a duré. La durée n'implique pas l'immutabilité; mais uniquement un quelque chose qui ne change pas et qui permet d'identifier l'être que l'on a déjà rencontré, d'affirmer que c'est bien là le même être, quels que soient les changements qu'il ait éprouvés. Un homme ne se ressemble guère du berceau à l'âge du bâton, toutefois il reste le même, il dure.

La durée est quelque chose d'objectif qui se confond avec la vie ou l'existence et plus exactement avec l'essence de l'être, avec ce qui dans l'être reste le même; et de même que l'essence d'un être, la durée d'un être ne se distingue de son existence que par abstraction. La durée d'un être est indivisible comme son existence ou sa vie même. Elle commence avec lui et finit avec lui.

Les premiers êtres qui peuplent notre connaissance sont les êtres sensibles. Or les êtres sensibles, par cela seuls qu'ils existent distinctement, durent et changent. L'être qui dure, et cependant subit des changements partiels, présente des états successifs qui réagissent sur nos sens et nous permettent d'envisager sa durée comme un déroulement continu de modifications successives. Que la durée soit quelque chose d'objectif et

« PrejšnjaNaprej »