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la pluie et qui, par suite, font également partie de l'ensemble cérémoniel agraire. A 'Aïn Sefra (sud oranais), si la cérémonie 'de la Ghondja, cuiller en bois habillée en poupée et que les vieilles femmes et les enfants invoquent en la promenant', n'a

1) Alfred Bel, Quelques rites pour obtenir la pluie en temps de sécheresse, tirage à part du Recueil publié en l'honneur du Congrès des Orientalistes à Alger, 1905; sur la Ghondja, cf. p. 39-41; c'est à tort que Doutté, Magie et Religion, p. 585, y voit un cas de divinisation d'un ustensile auquel serait dévolu un rôle magique analogue à celui de certaines plantes : les deux faits n'appartiennent pas à la mème série psychologique; il est probable qu'anciennement Ghondja était une poupée anthropomorphique représentant l'ancienne Déesse-pluie (La Dea Cœlestis libyque, pollicitatrix pluviarium; cf. Bates, Eastern Libyans, p. 203 et 204-205), dont l'existence même moderne est prouvée par plusieurs incantations d'appel (cf. par exemple Bel, loc. cit. p. 37-38 et 39); l'interdiction édictée par l'islam contre les représentations de la forme humaine aura fait remplacer cette statuette par une cuiller que pourtant on persiste à habiller pour lui donner un semblant de figure humaine. Aux documents de cet ordre cités par Bel et par Doutté, on ajoutera Biarnay, Etude sur les dialectes berbères du Rif (Public, de la Fac. des Lettres d'Alger), Paris, 1917, p, 176-178: «... les fillettes ont apporté une pelle en bois à manipuler les céréales semblable à une pelte à four; elles fixent en croix, vers son milieu, un morceau de bois, et elles l'habillent d'un haik de cotonnade et d'une gandoura (chemise) de femme en cotonnade rouge; elles la ceignent d'une ceinture de soie; elles placent sur sa tête des diadèmes composés de pièces espagnoles de cinq pesetas et d'autres ornements en corail ou en perles ; son cou, elles passent un collier de pièces de 50 centimes; on appelle cette pelle à four «< la fiancée de la pluie »; ensuite il y a procession, et aspersion de cette poupée avec de l'eau prise à une source consacrée; enfin les fillettes déshabillent la pelle entièrement et la plantent tout nue debout dans un tas de fumier, où elle reste fichée jusqu'à ce qu'elle soit mouillée par l'eau de pluie; puis elles rapportent la pelle à son propriétaire. >>

à

Je renvoie aux notes de Biarnay pour l'interprétation comparative de ces deux derniers détails; il reste que ces rites de Ghondja ne sont pas magiques au sens simple et direct; il y survi un élément plus ancien; sinon la cuiller nue ou tout autre instrument à verser des liquides suffirait; la pelle à four du Rif n'est d'ailleurs pas une cuiller, mais comme celle-ci, elle ressemble, avec quelques modifications légères, à une figure humaine, la partie large donnant l'impression d'un visage vu de face. D'ailleurs à Sfax, Ghondja est formée simplement de deux morceaux de bois en croix et habillés en poupée (Narbeshuber, Arabische Bevoelkerung in Sfax, Leipzig, Public, du Musée Ethnographique, 1907, p. 27), ce qui semble être le dernier stade d'une évolution qui eut pour point de départ la représentation plastique d'une divinité féminine spécialisee, probablement la Dea Coelestis libyque.

pas réussi, les hommes conduisent en procession aux divers tombeaux de saints de la région un taureau', qu'ensuite on égorge, et dont la viande est distribuée à raison d'un morceau par maison'. Bien que les demandes de pluie soient adressées par ces hommes à Allah ou aux marabouts intercesseurs auprès de lui, la forme de cette cérémonie en fait un rite préislamique qui appartient à une autre catégorie que le rite de Ghondja d'une part et que les rites où l'animal sacrifié est donné à la famille. maraboutique ou au moqaddem d'autre part; le partage de cette victime entre les « maisons », c'est-à-dire entre les familles, tend à prouver la survivance d'un culte probablement analogue à celui que recevait le dieu-taureau Gurzil'.

L'interprétation que je propose semble confirmée par un rite parallèle des Beni Chougran, semi nomades du Tell. Ce sont d'abord les femmes qui essaient d'obtenir la pluie; elles promènent une vache noire de tente en tente, en disant :

O Vache noire Reine des vaches,

Demande au Maître de nous donner la pluie !

Cette promenade a lieu de nuit et les femmes restées dans les tentes aspergent avec de l'eau la vache et les femmes qui la conduisent; la vache est ensuite lâchée et rejoint le troupeau;

1) La couleur noire du taureau et des autres animaux (vache, brebis, etc) sacrifiés dans les rites de pluie est peut-être un rappel magique de la couleur des nuages chargés d'eau, comme le pense Bel, Rites de Pluie, p. 4, note 2; mais il faut rappeler aussi que c'est la couleur des animaux à sacrifier lors des cérémonies de toute sorte, tant berbères que nègres (voir, le rôle important du poulet noir) dans l'Afrique du Nord; l'interprétation de Bel est donc trop étroite.

2) Bel, lbidem, p. 19.

3) Toutain remarque, loc. cit, p. 67, 75, etc., que les victimes préférées du Saturnus africain étaient le taureau et le bélier; il ne voit dans ce fait qu'une preuve << que les rites courants du sacrifice gréco-romain étaient pratiqués dans les cultes indigènes d'Afrique aux premiers siècles de l'ère chrétienne >> et que «< ce sont là fails et gestes sans couleur locale ni sens spécialement africain ». En théorie générale sans doute; mais la nuance est africaine, comme le montrent les faits cités dans le texte et ceux qui seront donnés plus loin, à propos des sacrifices sanglants des Nègres dans l'Afrique du Nord.

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si elle a uriné pendant ou aussitôt après la cérémonie, c'est signe que la pluie est prochaine. Le lendemain a lieu la cérémonie de la Ghondja, et si la pluie n'arrive pas, les hommes font à leur tour une mascarade, aveo arrosage magique; en cas d'échec c'est au tour des enfants qui étudient le Qoran'. Cette succession de rites exécutés par d'autres personnes et sous d'autres formes indique l'indépendance primitive de chacun d'eux; car en théorie, une seule cérémonie bien faite doit suffire pour déclencher le mécanisme céleste. L'invocation directe à la Vache qui joue auprès d'Allah un rôle d'intercesseur montre qu'il ne s'agit pas uniquement d'un rite de coercition sympathique, et il se pourrait que le Maître auprès duquel elle est toutepuissante ait été anciennement le dieu-taureau Gurzil. Ce n'est d'ailleurs là qu'une hypothèse destinée à faire faire des recherches complémentaires.

Les divers cas passés en revue ne présentent d'intérêt réel pour la théorie du totémisme berbère que si l'on peut démontrer en même temps la croyance à la parenté entre ces deux espèces animales et des clans, des fractions ou des tribus berbères, croyance dont rien jusqu'ici ne semble démontrer

l'ancienne existence.

A ce desideratum semblaient répondre deux faits libyens notés par les auteurs grecs, celui des Psylles et celui de la Cité des Singes. « On peut être tenté, 'dit M. Stéphane Gsell, de retrouver une superstition totémique dans des indications relatives aux Psylles de la région des Syrtes. Les cérastes (vipères à cornes) avaient, raconte Elien, une alliance avec les Psylles, qui étaient insensibles à leur morsure. Au dire des Libyens,

1) Bel, loc. cit.,

p. 20-21.

2) On remarquera que l'acte d'uriner ne produit ou n'annonce la pluie que si l'animal promené sur le territoire du village est un taureau, une vache, un bélier ou une brebis; ni l'âne, ni le cheval, ni le chameau, ni le chien ne peuvent être employés rituellement dans ce but; par suite, on ne peut se contenter de voir dans cette cérémonie un rite de simple magie sympathique du type banal.

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quand un Psylle craignait que l'enfant mis au jour par sa femme ne fut adultèrin, il remplissait de cérastes un coffre dans lequel il jetait le nouveau-né; si les serpents, d'abord menaçants, s'apaisaient dès que l'enfant les avait touchés, l'auteur de l'épreuve en concluait que cet enfant était bien son fils >>1 Cette interprétation avait aussi été admise par J.-G. Frazer dans son petit volume; mais il l'a ensuite laissé tomber, après étude des parallèles hindous de charmeurs de serpents'. Bates cite un texte d'après lequel l'immunité n'existait pas pour les femmes des Psylles et le fait suivre de la description donnée par Callias des maléfices qu'employaient les Psylles pour guérir les gens mordus par des serpents. Mais il hésite à reconnaître ici un cas de totémisme, parce que les Psylles guérissaient, non-seulement l'empoisonnement par les cérastes, mais aussi celui qui avait été occasionné par tous les autres animaux venimeux (aspics, cobras, scorpions, etc.). J'ajouterai que l'ordalie à laquelle était soumis le nouveau-né qu'on croyait adultérin peut s'expliquer directement par ceci que, seul l'enfant légitime devait posséder héréditairement le pouvoir magique, le poder, le mana ou, comme on dit de nos jours en Afrique, la baraka qui rendait les animaux venimeux inoffensifs

1) Gsell, Histoire, p. 246-247.

2) Réédition de Tolemism dans Totemism and Exogamy, t. I, p. 20.

3) Frazer, Totemism and Exogamy, t. IV, p. 178.

4) Bates, loc. cit., p. 179-180.

5) Ibidem, p. 180, note 6. Le détail suivant expliquerait peut-être partielle. ment le mécanisme de l'ordalie : « Les Touareg ne redoutent point la vipère à cornes (cerastes cornulus), petit serpent très commun dans les endroits sablonneux... la morsure en est cependant très venimeuse; mais les indigènes affirment que ce reptile est si lent à mordre qu'il arrive fréquemment que des gens ayant les pieds nus lui marchent par inadvertance sur le corps sans en être piqués ; » Capitaine Aymard, Les Touareg, Paris, 1911, p. 199. L'immunité à l'égard des scorpions et des vipères cornues existe de nos jours chez les Ouled Nail, cf. Trumelet, Algerie légendaire, p. 198-297, et pour tous les poisons chez les Aissaoua, Doutté, Les Aissaoua de Tlemcen, p. 24, Delphin, loc. cit., p. 234, etc.

à l'égard des hommes de la tribú des Psylles. Si l'immunité avait été fondée sur une notion de parenté totémique, comme la règle normale est que le totem se transmet en ligne utérine, ce sont les femmes Psylles qui auraient dû être immunisées. Il n'existe d'ailleurs pas un seul cas d'ordalie de ce type chez les totémistes vrais modernes qui puisse fournir une preuve comparative.

Il faut donc éliminer le cas des Psylles.

A une tout autre catégorie appartiennent les faits relevés par A. Cour', dont quelques-uns rappellent directement des croyances totémiques. Les serpents, mais principalement la couleuvre (hanesh), sont en maintes localités de l'Algérie des protecteurs de la maison et de la famille; on appelle la couleuvre monley' d-dar, le patron de la maison; en pays berbère du nord-ouest algérien, toute demeure a sa couleuvre familière, qu'on respecte comme un membre de la famille; on la nourrit pour l'apaiser; on brûle de l'encens, et parfois on lui offre une fête à laquelle on convie les marabouts de la contrée; on lui fait même des sacrifices de propitiation (mouton, chevreau ou poulet); à Mazouna on prétend que la couleuvre de la maison berce les nouveau-nés ou vient téter un sein de la mère pendant que l'enfant tette l'autre; l'enfant porte alors le surnom de radi'l hanesh, frère de lait de la couleuvre.

Je laisse de côté les faits d' ophiolâtrie en relation avec les sources thermales, les bains et les cavernes, qui rentrent dans une catégorie universellement connue (domovoï russe, etc.), pour citer encore le cas du « Sultan du Chélif » : c'est un énorme serpent, qui vit dans le fleuve; non seulement les indigènes vont lui demander de bonnes récoltes ou le propitier pour éviter les inondations, mais de plus il possède le pouvoir spécial de rendre fécondes les femmes qui visitent la qoubba de

1) A. Cour, Le culte du serpent dans les traditions populaires du Nord-Ouest algérien, extr. Bull. Géogr. et Arch. Province d'Oran, 1911; sur le serpent en Tunisie, voir Bertholon, Essai, p. 67-69.

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