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population du Mahrah donnait à manger aux bestiaux des poissons séchés au soleil.

On remarquera sans doute le long article consacré à Zhafar par notre voyageur: Ibn Batoutah y passe successivement en revue les diverses productions de la contrée, telles que la banane, le bétel et le coco. Il s'étend surtout avec complaisance sur ce dernier fruit, et décrit les divers usages auxquels on l'employait. A Zhafâr, Ibn Batoutah reprend la mer sur un petit navire, appartenant à un individu originaire de l'île de Massîrah (Moseirah). Il touche d'abord à Hâcic, dans la baie de Khouriân et Mouriân, Curia Muria des anciens navigateurs. Cette portion du récit d'Ibn Batoutah doit être comparée avec la relation d'un marin anglais, le capitaine S. B. Haines, qui a récemment exploré les côtes sud et est de l'Arabie. Nous devons faire observer, toutefois, que notre auteur est cité d'une manière peu exacte dans ce passage de l'intéressant mémoire de M. Haines : « La population voisine de la mer (à Râs Nous, à la pointe sud-ouest de la baie de Curia Muria), est peu considérable; certainement sur cette partie de la côte nous ne trouvâmes qu'un petit nombre de malheureux, à moitié affamés, qui s'intitulent serviteurs de Nébi Saleh Ibn Houd, office auquel ils paraissent attacher une importance considérable, et dont ils sont très-orgueilleux; leur pauvreté peut être expliquée par ce fait, qu'ils dépendent principalement, pour leur subsistance, de la générosité des voyageurs. Ce sont de misérables créatures, presque nues, et vivant dans des huttes basses, de forme circulaire, construites peu solidement en pierres, et couvertes d'herbes marines et de branches de petits arbres, dépouillées de leurs feuilles. Leurs huttes répon

dent exactement à la description qu'en a donnée Ibn Batoutah au XIV siècle 1. »

Après être resté un jour en vue de l'île de Massirah, le navire à bord duquel était monté notre voyageur reprend sa marche et arrive à Soùr, le premier port de l'Oman. De cette rade Ibu Batoutah se rend par terre à Kalhat, situé à quelques heures de distance. Ibn Batoutah ne fait commencer l'Omán qu'à six journées de marche de Kalhat; mais on voit qu'il n'a voulu parler que du canton proprement appelé de ce nom. L'illustre géographe allemand Carl Ritter, qui n'a cependant connu ce chapitre de notre auteur que d'après la traduction du docteur Lee, faite sur un abrégé souvent fort sec, a hautement apprécié l'importance de ce morceau. «Ibn Batoutah, dit-il, est le seul, parmi les anciens géographes arabes, qui ait fourni, comme témoin oculaire, une relation de l'Omán. Les anciens auteurs ne disent presque rien de ce pays, ou bien ils n'ont laissé à ce sujet que des données insuffisantes 2. »

Du temps de notre voyageur, Kalhât, ainsi que la majeure partie de l'Omán, était soumise au roi de Hormouz. Ce fait, attesté à deux reprises différentes par Ibn Batoutah (p. 226 et 236), est confirmé par Marco Polo, qui s'exprime ainsi, à propos des habitants de Calatu ou Kalhât: «Il sunt sout Cormos e toutes les foies « que le Melic de Cormose a ghere con autre plus poi«sant de lui, il s'en vient à ceste cité, por ce qe mout est « fort et en fort leu, si qe il ne doute puis de null 3. »

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1

2

3

De l'Omân, Ibn Batoutah part pour le royaume de

Journal of the royal geograph. Society of London, t. XV, p. 129.
Erdkunde, XIII, 3; t. I de l'Arabie, p. 373.

Marco Polo, Voyages, édit. de la Société de géographie, p. 245.

Hormouz. Il visite l'île de ce nom, auparavant appelée Djéraoun; puis, passant sur le continent, il parcourt le désert du Lâristân, et arrive à Cawrestân, puis à Lâr, où régnait un sultan d'origine turcomane, à Khondjopâl, aussi appelée Hondjopâl, et enfin à Sîrâf, port de mer, autrefois très-fréquenté par les navires de Bassora, de l'Inde et de la Chine, mais depuis délaissé pour les ports de Kîch et de Hormouz. Les pêcheries de perles du golfe Persique, les plus célèbres de tout l'Orient, étant situées près des îles Bahraïn, vis-à-vis de Sîrâf, notre auteur n'a garde d'oublier de les décrire. Mais il tombe dans une exagération palpable, lorsqu'il nous assure que, parmi les plongeurs, il s'en trouvait qui pouvaient rester sous l'eau durant plus de deux heures. Il paraît, d'après le témoignage de voyageurs dignes de foi, que la durée du temps pendant lequel les pêcheurs de perles du golfe Persique demeurent sous l'eau, n'excède pas soixante et dix à cent secondes. Tout au plus pourrait-on le porter à cinq minutes, avec M. Morier.

De Sîrâf, Ibn Batoutah passe à Bahrain, sur la côte d'Arabie; il se rend ensuite à Alkathif, à Hedjer, appelé aussi Alhaça, et enfin à la ville de Hadjr, dont il fait, ainsi que le célèbre géographe Yâkoût, la capitale du Yemâmah. Il accompagna l'émir de cette dernière ville à la Mecque, et après avoir accompli de nouveau les cérémonies du pèlerinage, il va s'embarquer à Djouddah pour 'Aïdhâb. Mais la tempête l'ayant derechef poussé vers le port de Râs Dawâïr, il part de cet endroit, par la voie de terre, avec des Bodjâh (les Ababdeh actuels, les Blemmyes de l'antiquité), et après une marche de neuf

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Voyez Lexicon geographicum, édit. Juynboll, t. I, Leyde, 1852, p. 288.

pose

jours, il arrive à 'Aïdhab. De cette ville il se rend au Caire, d'où il repart pour la Syrie par le chemin de Bilbeïs; et il revoit Hébron, Jérusalem, Acre, Tripoli, Djabalah et Lådhikiyah. Il s'embarque en ce dernier port sur un grand vaisseau appartenant à des Génois, et qui le déà 'Alâïa, sur la côte méridionale de l'Asie Mineure. Notre dessein n'est pas de nous étendre ici sur la partie de cette relation consacrée à l'Asie Mineure; nous en avons déjà dit quelques mots dans la préface du premier volume, en faisant remarquer combien les assertions d'Ibn Batoutah s'accordent avec celles de deux géographes et historiens arabes, ses contemporains. Mais le chapitre de notre voyageur relatif à la péninsule anatolique, offre un genre d'intérêt tout particulier, et que nous devons au moins signaler brièvement: c'est de donner un tableau détaillé et à peu près complet des nombreuses principautés, fort inégales en étendue et en puissance, qui se partagèrent les débris de l'empire des Seldjoukides d'Iconium. De ces divers états, les uns s'agrandissent aux dépens des empereurs grecs de Constantinople, les autres aux dépens des sultans mongols de la Perse, contre lesquels ils cherchent un appui dans les mamloûcs de l'Égypte. L'autorité des uns se trouve bornée à quelques villes ou forteresses, et ne se soutient que par la piraterie et la rapine; la puissance des autres s'étend sur des provinces entières, et leur capitale lutte de splendeur et de richesse avec celle des souverains du Caire. Au milieu de toutes ces principautés, on en remarque une, qui, extrêmement faible à son début, ne tarde pas à se fortifier par quelques succès remportés sur les Grecs, et qui, absorbant successivement tous les états rivaux, finit par franchir les bornes de l'Asie Mi

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neure et par donner des lois au Bosphore, au Danube et à la mer Égée.

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Après avoir parcouru l'Asie Mineure presque dans tous les sens, notre voyageur s'embarque sur la mer Noire, à Sinope, pour passer dans la Russie méridionale, alors désignée sous le nom de Kiptchak, et soumise à une dynastie issue du fils aîné de Djenguiz Khân. Le chapitre d'Ibn Batoutah qui traite de cette vaste. contrée offre une foule de particularités curieuses, relatives aux villes de Caffa, de Mâdjar, de Séraï, etc.; aut commerce d'exportation des chevaux du Kiptchak dans l'Inde; à la grande considération que les Mongols, depuis le khân jusqu'au plus petit marchand, témoignaient à leurs femmes; au cérémonial de la cour du khân, aux khâtoûn (princesses); aux aliments et aux boissons en usage chez les Mongols. Ces derniers avaient conservé, dans un pays si éloigné de leur terre natale, les habitudes errantes de leurs ancêtres. Lorsque Ibn Batoutah nous décrit l'aspect d'un camp tartare en mouvement, ou, comme il l'appelle, d'une grande ville qui se meut avec sa population, ses mosquées et ses marchés, l'on se rappelle aussitôt les beaux vers qu'Horace a consacrés aux anciens habitants des mêmes régions :

Campestres melius Scythæ,

Quorum plaustra vagas rite trahunt domos,
Vivunt.

Le prince qui régnait sur le Kiptchak, à l'époque du voyage d'Ibn Batoutah, avait épousé, selon celui-ci, une fille de l'empereur de Constantinople. L'histoire byzantine et les histoires des Mongols de la Perse, du Kiptchak, de même que des premiers sultans ottomans, offrent plus

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