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ratavarșa, ou le Jambudvipa dont Açoka se proclamait roi, ne connotent pas la totalité des territoires asiatiques aujourd'hui soumis à la Pax Britannica; les frontières ont varié à travers les siècles, mais à toute époque elles englobent les contrées où vivent les hommes qui se déclarent issus de Bharata comme les Romains de Romulus, vénèrent les sept rivières, les sept montagnes, les sept villes sacrées, et communient dans les mêmes croyances hindouistes, fonds commun de l'orthodoxie brahmanique, de l'hérésie bouddhique ou jaïna, ainsi que des cultes sectaires. La masse humaine qui trouve dans le Mahabharata son épopée nationale honore la mémoire d'antiques monarques légendaires dont l'énumération est entourée du même respect qu'accordent leurs fidèles à la liste des Bouddhas ou des Jinas d'antan. Elle fut fondue, par intermittences, en une même unité politique par l'action conquérante d'un Açoka, d'un Candragupta, d'un Harṣavardhana. Aujourd'hui même, en une imposante cohésion, elle aspire à tenir sa place dans l'assemblée des nations pour y préconiser le culte de l'esprit, qui doit défendre l'humanité contre les risques de retour à la barbarie.

Cette argumentation en faveur de l'unité de l'Inde s'appuie sur un grand nombre de textes; elle démontre sans contestation possible que les peuples hindous se reconnaissent des traditions communes. Elle omet, par contre, de signaler ce qui a manqué à la civilisation indienne pour constituer un patriotisme effectif, en face de tant d'invasions étrangères scythes, grecques, musulmanes, mongoles, européennes. Elle se garde d'indiquer les concessions que la culture hindoue doit faire à l'Islam dans la détermination de l'idéal actuel et futur. Toutefois elle a le mérite de mettre en évidence qu'une même théorie de la souveraineté se rencontre dans les Brahmanas, dans les épopées, dans les Purâņas, et que cette doctrine coïncide avec celle qui consacre la domination universelle d'un Illuminé, sauveur du monde. L'empereur Açoka, véritable cakravartin, met en mouvement la roue de la loi (dharma), tout comme le

Bouddha, prestigieux ascète et dieu solaire. Pour chacun des souverains mythiques dont l'existence est rejetée dans un lointain passé, la mémoire indienne conserve le nom du «< chapelain » qui était son maître religieux ces couples indissolubles de noms prouvent que le trône reposait sur les mêmes bases que l'autel. L'Inde fut possédée, à vrai dire, d'un rêve perpétuel d'impérialisme, mais cet impérialisme est irréductible à tout autre. Bien que la Bhagavad Gîtâ paraisse quelquefois identifier le déchaînement de la force brutale à la réalisation du devoir, l'ambition indienne vise à conquérir non des provinces volées aux peuples voisins, mais des terres mystiques (bhûmis) qu'il faut maîtriser pour parvenir au salut. Les unificateurs du pays furent donc moins ses rois que ses héros religieux, historiques ou légendaires. Sa victoire universelle (digvijaya) assure à Camkara un empire sur les esprits plus sûr que la consécration des souverains par le sacrifice du cheval (açvamedha). Dirons nous que la « catholicité » hindoue n'est point de ce monde? Elle en fait partie, certes, par son apostolat de la compassion et, M. Radhakumud Mookerji le proclame en toute justice, par sa vocation pour la spiritualité.

P. MASSON-OURSEL.

L'ANIMAL SACRÉ DE SET-TYPHON

ET SES DIVERS MODES D'INTERPRÉTATION (

Il y a un problème d'archéologie égyptienne qui, en dépit de laborieuses recherches, aussi bien en France qu'à l'étranger n'a pu jusqu'à ce jour être résolu. C'est l'identification de l'animal sacré de Set-Typhon.

Les Égyptiens l'ont représenté sous l'aspect d'un élégant quadrupède de couleur fauve, aux jambes hautes et nerveuses, avec un museau pointu, de longues oreilles coupées carrément, une queue raide, fourchue ou terminée en boule, des pieds comprenant plusieurs doigts, à la manière des chiens et des félidés.

Comme emblème de l'esprit du mal, on serait porté à lui attribuer un naturel féroce, sanguinaire, indomptable, et cependant nous le voyons toujours le cou entouré d'un large collier signe évident qu'on était parvenu à le domestiquer.

Tel est l'animal typhonien, nous le possédons sur tous ses aspects, de face, de profil, debout, assis et accroupi. Sur l'une de ses images peinte à Beni-Hassan (fig. 1), il porte le nom de L scha, c'est ainsi que nous aurons quelquefois l'occasion de le désigner.

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Objet de nombreux essais d'identification, on l'a successivement assimilé à l'âne, à l'oryx', à la gerboise. Lefébure a vu un chien et plus spécialement un lévrier. Thilénius a établi

1) Communication faite à l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres, le vendredi 20 août 1920.

2) H. Brugsch., Religion und Mythologie der alten Egypter, p. 703-716. 2) L'animal typhonien par Lefebure, dans le Sphinx, II, p. 63 et suiv.

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un rapprochement entre le museau de l'animal sétien et celui du Macrocelides (la souris au museau pointu). D'après Loret ce serait un lévrier d'un genre spécial'. Lortet a suggéré le Tapir ; suivant Erman, il est probable que derrière cette figure se cache quelque animal qui n'était déjà plus familier aux Égyptiens de l'époque historique'; « à l'époque archaïque, dit von Bissing l'animal de Set est une girafe stylisée », mais aucune de ces opinions n'a été concluante.

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Lorsque dans les marais du Bar-el Gazal, on découvrit l'Okapi, un professeur de l'Université de Bonn, le docteur Wiedemann déclara qu'il fallait voir dans ce quadrupède l'animal symbolique du dieu Set.

1) Recueil de travaux relatifs à la philologie et à l'archéologie égyptiennes et assyriennes, XXII année, p. 214.

2) Proceedings of the society of biblical archeologie, vol. XXVIII, p. 131. 3) La Religion égyptienne, trad, française, p. 31.

4) Recueil de travaux, t. XXXIII, p. 18-19.

5) Die Umchau, 13 décembre 1902 (n° 51), p. 1002. Das Okapi il alter Agyp→ ten, von prof. Dr A. Wiedemann, H. Breasted a suivi la même opinion dans A History of the Egypt from the Earliest Times to the persian conquest, p. 30.

Si avant de formuler une semblable opinion, son auteur avait soigneusement analysé chacun des éléments dont se compose l'individu, il aurait certainement reconnu qu'en dehors de ses grandes oreilles, l'Okapi n'avait rien qui rappelât l'emblème typhonien. Un cou élancé, une croupe très légèrement inclinée de l'avant à l'arrière, des pieds de ruminant, un pelage rayé, rappelant celui du zèbre, tels sont les caractères extérieurs de l'Okapi, lesquels, si ce n'est les oreilles, n'ont rien de commun avec le L scha1.

Depuis, il est vrai, Wiedemann a renoncé à son idée pour se rabattre sur le chameau. On comprendra que nous n'insistions point sur une semblable assimilation.

Après l'Okapi, c'est l'Oryctérope, vulgairement connu sous le nom de cochon de terre, qui, en raison de ses oreilles de grandeur démesurée, a été sollicité pour jouer, à son tour, le rôle de monstre typhonien. L'idée avait déjà été émise une première fois, en 1878, par Isembert et Chauvet, dans leur Itinéraire de l'Egypte. Cette thèse, appuyée de nouveaux arguments, fut dernièrement reprise par Swenfürth dans le Berliner Tageblat d'abord', dans l'Umchau ensuite'. Voir dans l'Orycterope le quadrupède sétien, c'est vraiment prodigieux. Alerte, vif, élancé, fier d'allure, mais il est très beau le symbole de l'esprit du mal, tandis que l'Oryctérope, au contraire, bas sur ses pattes, trapu, dépourvu d'élégance, une queue courte, toujours somnolent, peut, bien moins encore que l'Okapi, en dépit de ses oreilles formidables, être assimilé à l'emblème typhonien.

Une simple comparaison eût cependant suffi à montrer l'invraisemblance d'une pareille identification. Aujourd'hui le rapprochement sera d'autant plus facile que nous possédons une interprétation égyptienne de ce quadrupède.

1) P. Hippolyte Boussac, Set-Typhon, génie des ténèbres, Paris, 1907, in-8. 2) Revue archéologique, t. XXII, novembre-décembre 1913, p. 402. L'animal sacré du dieu Set, par S. Reinach. Berliner Tageblat, 17 août 1913.

3) Die Umchau, septembre 1913, p. 783-784.

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