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S. LANGDON. Le poème sumérien du Paradis du Déluge et de la Chute de l'Homme. Traduit de l'anglais par Ch. Virolleaud. Paris, Editions Ernest Leroux, 1919.

Cet ouvrage est l'édition française, depuis longtemps annoncée, d'un fascicule de la Collection babylonienne de l'Université de Pennsylvanie (tome X, fasc. 1) paru en 1915 sous le titre Sumerian Epic of Paradise, the Flood and the Fall of Man, dont l'analyse a été donnée aux lecteurs de la RHR en janvier 1917 (tome LXXV, p. 125-128). Ce n'est pas ici une simple traduction de l'anglais, mais bien une mise au point nouvelle, où il est tenu compte non seulement des observations faites par les critiques, mais encore de récentes découvertes dans le champ de l'assyriologie. Dans la préface, l'auteur accorde qu'il a pu se tromper sur certains points, étant donné que la première traduction avait été faite sur photographies et non d'après l'original, mais il revendique hautement l'interprétation générale du texte et en trouve la confirmation dans un autre poème sumérien de la même collection, publié par Barton et réédité dans ce volume; dans « deux syllabaires qui nous révèlent le sens primitif du nom de Tagtoug et aussi l'identité de ce personnage avec Zi oud-soudda » (p. VIII); enfin, dans le culte des rois, au troisième millénaire, qui « tirait, au moins en partie, son origine de la Légende du Paradis perdu » (p. IX).

Dans l'interprétation même du Poème, la modification la plus importante concerne la « plante du destin » qui paraît être le fruit défendu. Le texte n'en donne point le nom et ce n'est point la casse, laquelle se range au contraire parmi les plantes dont l'homme peut manger.

Le messager du dieu Enki s'appelle Isimou. Dans l'édition anglaise, son nom qui se retrouve jusqu'à six fois, mais dans le même contexte, avait été pris pour un terme commun, au pluriel, the divine anointed ones, employé comme complément, et l'auteur se demandait s'il devait y reconnaître les prêtres ou les dieux Anounnakis.

En maint endroit la traduction est sensiblement améliorée. Ainsi, recto, col. II, 32, où l'auteur n'avait pas trouvé un sens certain, est maintenant élucidé. C'est le début de l'annonce du Cataclysme par le dieu Enki à Nintoud, la déesse mère du Pays de Sumer. De

nouvelles notes marginales se rapportent à l'interprétation de signes cunéiformes (par exemple recto, II, 1), à la philologie, à la religion. A ce dernier groupe se rattache celle de verso III, 35: d'après une suggestion du P. Scheil, la déesse créée pour guérir les maux du membre viril s'appelle Nazid, que Langdon interprète « déesse du membre viril sain » ; elle était honorée à Suse, au temps de Dounghi, roi d'Our, et le prince anzanite Ountash-GAL réédifia son temple érigé en cette ville; servante de Sin, le dieu-lune, elle était l'épouse d'Oumoundara, honoré à Lagash sous le nom de Nindara et plus tard identifié avec Sin lui-même. Une autre note, non moins intéressante au point de vue religieux, interprète verso I, 48; il s'agit de l'attitude de Tagtoug, le Noé sumérien, dans le temple du dieu Enki, dont il reçoit une révélation : <il mit la main gauche (à travers sa ceinture); il mit (à travers sa ceinture) la main (droite) ». Langdon en conclut : « la description que contient la ligne ci-dessus fournit la preuve que notre poème date du temps des rois d'Our » et il s'appuie sur les données de la glyptique de cette époque. Le geste de Tagtoug est également illustré par des monuments plus importants, tels les statues de Goudéa, au Musée du Louvre, qui, d'après leurs légendes, figuraient le pieux ishakkou dans une attitude respectueuse en face de la divinité; les deux mains sont croisées, la droite reposant sur la gauche, non pas à travers la ceinture, mais à la hauteur de la ceinture; le Sumérien ne portait en effet aucun lien autour des reins par dessus le grand châle qui lui servait de vêtement de cérémonie. C'est bien ainsi d'ailleurs que Langdon luimême l'entend, d'après un très intéressant article (Journal of the Royal Asiatic Society, oct. 1919, p. 534) intitulé Gesture in Sumerian and Babylonian Prayer. La traduction anglaise primitive portait : <«< the left hand he raised; the (right) hand he composed »>, mais un des deux signes du premier verbe sumérien avait échappé à la lecture sur la photographie et l'autre avait donné lieu à confusion. Dans ce cas, le geste eut été difficile à interpréter, puisque en sumérien le terme qui signifie prière a pour sens « élévation de la main droite » et non de la main gauche attitude de Hammourabì dans le bas-relief du Code, de nombreux personnages dans des scènes de glyptique. Les divinités, il est vrai, élèvent parfois la main gauche, par exemple sur deux cylindres que reproduit Langdon dans l'article cité fig. 6 (Louvre, A 161) et fig. 7 [Bibliothèque natio

nale, 81), mais malgré l'épithète de divin accolée à son nom, Tagtoug dans ce passage du poème n'est encore qu'un simple mortel honoré des faveurs du dieu de l'abîme. La dissertation relative au nom de ce personnage est complètement modifiée par suite de la découverte d'une glose dans un vocabulaire provenant de l'Eanna d'Ourouk et devenu propriété du P. Scheil (cf. Scheil, Nouveaux vocabulaires babyloniens, Paris, Leroux 1919); on y lit, ligne 193, que TAG signifie « battre l'étoffe (TUG) », d'où Tagtoug aurait pour sens Le Foulon; et plus loin, ligne 207, le groupe TAG-TUG, TUG inscrit dans TAG, idéogramme du nom en question, se lit en sumérien Outtou, ce qui paraît être une abréviation du sémitique Outanapishtim de l'Epopée de Gilgamesh. D'après un autre vocabulaire, le Noé sumérien était également devenu le patron des joailliers, des scribes et des sages.

La Note sur Recto (et non verso, comme porte la traduction française, p. 210) III, 11, est heureusement modifiée en ce qui concerne le nom du batelier d'Outanapishtim. Langdon avait adopté la lecture Our-Nimin; il revient à Our-Shanabi proposé jadis par Dhorme, le P. Scheil ayant établi récemment une distinction primordiale entre les signes Nimin et Shanabi; ce dernier est d'ailleurs le nombre sacré du dieu Enki. L'auteur croit qu'il y avait deux bateliers dans la tradition sémitique du Déluge, comme il y a deux veilleurs au bateau d'Enki, dans le poème sumérien. A l'appui de cette opinion, on pourrait signaler un beau cylindre en jaspe vert (Louvre, A 157), antérieur à l'époque des rois d'Our et dont la scène représente un dieu de la végétation, caractérisé par les eaux jaillissantes, un épi de blé et une tige de roseau, qui navigue au milieu des marais, dans une barque conduite par deux rameurs.

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Cette nouvelle édition comporte deux importantes additions de textes. Le n° 14005 de Nippour, publié par Barton, et réédité avec transcription et traduction, décrit en 61 lignes l'état de la terre avant que les dieux eussent instruit l'humanité, puis après l'organisation du Paradis terrestre. Le héros du Déluge, Tagtoug, s'y trouve mentionné (recto, 16), comme type des princes qui gouvernent au nom des dieux: il « n'était pas né; il ne portait pas de couronne ». Cette allusion à la royauté est à rapprocher de la tradition recueillie par Bérose, d'après laquelle le dernier roi antédiluvien fut Xisouthros, identifié depuis longtemps à Outanapishtim

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dont c'est un surnom. L'autre texte n'a de rapport avec le Poème de
la Création que par sa disposition matérielle, son style et le rôle joué
par le dieu Enki, personnage principal. Il s'agit de la glorification de
la déesse Innini, mandée à Eridou pour devenir reine du monde.
L. DELAPORTE

C. AUTRAN.

Phéniciens. Essai de contribution à l'histoire antique de la Méditerranée. Un vol. in- de XV et 146 pages. Paris, Paul Geuthner, 1920.

Nous ne pouvons qu'accueillir avec sympathie un ouvrage qui fait largement appel à la mythologie et qui place le problème phénicien au centre des questions que soulève la plus ancienne histoire de la Méditerranée orientale. La solution présentée par l'auteur est originale et demande qu'on l'examine attentivement. Pour éviter toute ambiguïté, nous poserons en peu de mots l'état actuel de la question phénicienne; nous verrons ensuite comment l'aborde M. Autran, quel parti il tire de certains faits, à quelles conclusions.

il aboutit.

Longtemps, les historiens ne possédant, en dehors de la Bible, que les renseignements fournis par les auteurs classiques, ont reconstitué suivant leurs dires l'activité des Phéniciens, fondateurs de Tyr et de Sidon. Dès Bochart, cependant, on eut recours à l'onomastique et plus particulièrement à la toponymie pour compléter le témoignage des auteurs. On a abouti ainsi, avec Movers, à poser les Phéniciens-sémites comme les maîtres de la Méditerranée primitive et par suite comine les éducateurs des Grecs. Des tentatives, plus ou moins heureuses, ont été faites pour trouver une origine phénicienne aux mythes et aux cultes grecs. Les méfaits de l'étymologie ne se sont peut-être jamais fait plus vivement sentir que sur ce terrain, parce qu'on ne s'est imposé ni règle ni mesure. On a supposé, par exemple, que les voyelles, en sémitique, n'avaient aucune importance puisqu'on ne les écrivait pas - alors qu'au contraire, c'est la rigidité du système vocalique qui permettait de se passer d'une telle notation. On mettait des à-peu-près invraisemblables au compte de l'étymologie populaire, comme si, dans l'anti

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quité, toutes les étymologies n'étaient pas populaires et si, cependant, dans la plupart des cas, certaines règles ne pouvaient être dégagées. Toutefois, on ne doit pas méconnaitre que ce fut prétexte à un curieux mouvement d'idées, dont toutes ne sont peut-être pas à repousser. Nous serions encore réduits à ces conjectures si les fouilles de Troie, de Mycènes et de Tirynthe, enfin les découvertes plus sensationnelles encore de Crète, n'avaient fait surgir des documents qui ont profondément modifié les données du problème.

La logique exigeait que cet art préhellénique, inopinément révélé, fut l'œuvre des Phéniciens, c'est-à-dire, entendons-nous bien, des Sémites qui vivaient sur les côtes de Syrie. W. Helbig eut le mérite d'être logique avec lui-même il vint, en 1896, devant l'Académie des Inscriptions, démontrer que les Mycéniens n'étaient autres que les Phéniciens'. La discussion qui suivit, mit surtout en valeur les réserves des archéologues français. Bientôt les découvertes de Crète levèrent tous les doutes; on ne pouvait plus confondre les Egéens préhelléniques avec les Phéniciens de Syrie. La répercussion concernant l'origine des mythes grecs fut profonde; on peut en juger à l'évolution des idées de O. Gruppe.

Quelle est la position de M. Autran en face de ce problème? Sans se laisser impressionner par le mouvement général des idées que nous venons d'esquisser, il maintient aux Phéniciens tout ce que la légende grecque, tout ce que les anciens historiens et même les modernes leur attribuent. Il ne se demande pas si certains auteurs n'ont pas commis des anachronismes, par exemple, lorsque Homère rapporte à une époque plus ancienne la situation de son temps; il ne s'inquiète pas qu'il puisse y avoir contamination tardive de légendes. A prendre les choses en gros, on peut dire qu'il adopte intégralement les Phéniciens de Movers; avec cette différence que ces Phéniciens ne sont plus les Phéniciens sémites, mais des Phéniciens caucasiques et plus spécialement les Cariens.

Après des préliminaires destinés à nous exposer le rôle considédérable de la Carie, l'auteur aborde l'argument fondamental sur lequel repose toute sa démonstration. Il y a une quinzaine d'années,

1) W. Helbig, Sur la question mycénienne, Mém. Acad. des Inser., t. XXXV 2 partie.

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