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Si ces points sont admis, il nous amènent à écarter la valeur héraldique qu'on a attribuée aux figures de la zone principale du vase d'Entéména (fig. 1) et à reconnaître que les deux zones forment pendant, en exaltant d'une part la maîtrise de Ningirsou sur les animaux malfaisants et en signalant, d'autre part, la protection que le dieu accorde au bétail, plus particulièrement aux génisses. Par cette opposition singulièrement parlante, le vase d'Entéména nous conserve l'essentiel de la prière que ce patési adressa à Ningirsou en déposant son offrande.

Dès lors, il est facile d'interpréter le bas-relief en argile bitumineuse que le prêtre Doudou, contemporain d'Entéména, dédia à Ningirsou (fig. 5) (1). Le consécrateur s'est fait représenter un bâton à la main, la tête rasée, le haut du corps et les pieds nus, vêtu de l'étoffe à longues mèches de laine dite kaunakès. Derrière lui, se dresse l'aigle léontocéphale liant deux lions que l'artiste montre essayant de mordre les ailes de leur dominateur (2). Au-dessous, dans un autre registre, est figuré un veau ou une génisse, couché avec une patte antérieure relevée, dans une attitude qu'on retrouve sur le vase d'Entéména. Le sculpteur de ce petit monument a exprimé la même idée que le graveur du vase d'Entéména, ou plutôt il a rendu, plus brièvement, la même prière adressée au dieu pour protéger le troupeau contre le lion et les mauvais génies.

Ici le bas de la composition est occupé par une grosse tresse, plus exactement une torsade, dont c'est peut-être le plus ancien exemple et dont les graveurs de cylindres feront un fréquent usage, jusque dans la glyptique dite syro-hittite. On ne peut guère admettre, tout au moins dans le relief que nous étudions, que ce soit un simple décor de remplissage. M. Heuzey s'est demandé si ce n'était pas, à l'origine, un écheveau de laine, en guise d'offrande (3). M. J. Six a suggéré, et notre monument

(1) Heuzey, Catal., no 12.

(2) On notera que la qualité du consécrateur cadre mal avec l'interprétation de cette image comme figurant les armes de la ville de Lagash.

(3) Heuzey, Catal., p. 122.

n'y contredit pas, que ce pourrait être une manière de rendre l'eau (1). A l'appui, on notera qu'un texte place formellement les canaux sous la protection du dieu Ningirsou (2).

Le relief en question est sculpté sur la face d'un bloc dont les tranches latérales sont taillées en biseau, ce qui a paru démontrer que les plaques de ce genre, percées en leur centre, « ne devaient pas être appliquées à une paroi verticale, mais bien encastrées

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horizontalement dans un massif de maçonnerie, sans doute pour servir de base à des symboles dressés (3). >>> La raison ainsi avancée a généralement paru déterminante (4); en réalité, elle est inopérante. Dans tous les cas, les reliefs du type de nos fig. 2 et 5 pouvaient se plaquer contre un mur en briques crues et être tamponnés en leur centre (5). On a, il est vrai, supposé

(1) J. Six, Syria, 1925, p. 205.

(2) Meissner, Babylonien und Assyrien, I, p. 185.

(3) Heuzey, Catal., P. 121.

(4) Ainsi à King, Sumer and Akkad, p. I10.

(5) Bien vu par Ed. Meyer, Sumerier und Semiten, p. 77.

que l'orifice central pouvait, dans le dispositif horizontal, servir à dresser un emblème, notamment une masse d'armes. Celle-ci est exclue dans le cas de notre figure 5 puisque nous connaissons à quelle prière la pose de cette plaque correspondait.

Une preuve de la disposition verticale de l'ex-voto nous paraît être fournie par les représentations mêmes de l'aigle léontocéphale. Il est fréquent, en effet, que celui-ci porte au milieu du ventre deux petits cercles concentriques qui, à cette place, ne peuvent représenter que la tête du tampon en bois ou du clou en terre cuite qui fixait l'emblème divin au mur (1).

Après avoir déterminé le sens de ces figures et de leurs combinaisons les plus simples, nous allons les suivre dans le

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développement mythique auquel elles participent. L'aigle léontocéphale ne s'attaque pas seulement au lion, au bouquetin ou au cerf, nous le voyons encore aux prises avec le taureau à face

(1) On s'en convaincra en comparant nos figures I

et 2.

humaine. Ce dernier motif, qui nous place en plein mythe, est connu notamment par une coquille gravée de Tello (1); il s'est retrouvé à Our, gravé sur pierre (fig. 6) (2); il n'est pas rare sur les cylindres (3). Une gravure sur nacre de Tello fournit la variante où le taureau ne prend pas la figure humaine (4), attestant ainsi que le récit légendaire se meut plus près de nous qu'il ne semble. D'après ce que nous avons constaté plus haut, touchant l'action de l'aigle léontocéphale sur la gent animale sauvage, nous pourrons poser que le motif envisagé « un des plus étranges de la vieille imagerie chaldéenne (5) », correspond à un mythe dans lequel le dieu Ningirsou, sous les espèces de son animal-attribut, aidait l'homme à maîtriser le taureau sauvage ou plus exactement le génie de l'espèce bovine. Un cylindre à deux registres, récemment acquis par M. ThureauDangin pour le musée du Louvre, achèvera de nous éclairer sur ce point en nous expliquant comment, grâce à l'intervention de la divinité, l'homme parvint à domestiquer la race bovine.

Mais, auparavant, il faut nous garder de certaines confusions. Il ne faut pas essayer de rapporter toutes les images des cylindres au peu que nous connaissons des anciennes légendes. Pour retrouver notamment certains épisodes de la geste de Gilgamès, on reconnaît le compagnon de Gilgamès, le rustre Enkidou dans la figure de l'homme pourvu d'un arrière-train de taureau. Rien dans le texte ne signale une telle combinaison qui n'eut pas manqué de donner lieu à une allusion. Bien au contraire, il est spécifié qu'Enkidou fut créé à l'image de Gilgamès, ce qui écarte toute représentation animale.

Cela dit, examinons le nouveau cylindre du Louvre disposé

(1) Heuzey, Catal., no 220: Le dessin, très archaïque, représente l'aigle à tête de lion qui s'est abattu sur le dos du taureau barbu à face humaine et cherche à le dévorer. >

(2) Woolley, Excavat., dans The Antiquaries Journal, IV (1924), pl. XLIV. (3) Voir Heuzey, Le taureau chaldéen à tête humaine, dans Monuments Piot, IV, p. 115.

(4) Heuzey, Catal., no 233.

(5) Heuzey, Catal., p. 187.

en deux registres (fig. 7). En bas, apparaît l'aigle léontocéphale liant deux bouquetins couchés, une patte une patte antérieure relevée. Comme sur le vase d'Entéména les cornes, aux fortes nodosités, sont représentées concentriques. Sous l'aspect de son animalattribut, le dieu Ningirsou préside à la capture d'un taureau à face humaine. En effet, de part et d'autre de ce dernier, deux personnages, portant la masse d'armes, saisissent l'animal, l'un par la barbe, l'autre par la queue (1). Le premier de ces personnages, que signale le bandeau qui lui enserre la tête, est évidemment le héros; le second est un acolyte que le graveur

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Fig 7.- Développement d'un cylindre-cachet sumérien. (Musée du Louvre).

a d'ailleurs sommairement traité. Dans le champ, en haut, apparaît le disque dans le croissant et aussi le disque seul.

Il serait aventuré de désigner ces deux personnages par les noms de Gilgamès et d'Enkidou; toutefois, ils forment couple à la manière de ces derniers et répondent à des conceptions du même genre. Il ne s'agit pas de la mise à mort du taureau céleste envoyé par Ishtar, car nos héros n'ont pas l'attitude violente de combattants; ils semblent plutôt parlementer avec leur prise. Ce sentiment est confirmé par l'instrument représenté dans le champ, au-dessus du taureau, et qui n'est autre qu'une charrue. M. Thureau-Dangin nous a fait remarquer que cette charrue portait

(1) Comparer la capture du taureau sauvage représentée sur un bas-relief en terre cuite du Musée de Berlin, Meissner, Babyl. und Assyr., I, Taf.Abb., go.

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