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transpose ce vieux thème, en expliquant que le Christ, « mort pour nos péchés », a été enseveli puis est ressuscité. Il peut penser aussi à d'autres textes bibliques, d'une inspiration analogue, par exemple à une phrase d'un Psaume (1), citée à ce même sujet dans les Actes (II, 24), où un juste idéal dit à Dieu :

Ma chair reposera avec espérance, car tu n'abandonneras pas mon âme dans le séjour des morts, et tu ne permettras pas que ton saint voit la corruption

La date assignée à la résurrection doit être conçue comme le fait lui-même, « selon les Ecritures ». Les évangélistes ont vu une figuration anticipée du grand événement dans le passage célèbre, qui montrait Jonas englouti par un grand poisson et rejeté par lui au bout de trois jours (2). Paul aura pu trouver le même texte à côté de celui du second Isaïe concernant le serviteur (ou < enfant >>) de Dieu dans un recueil d'oracles messianiques. Habitué à voir dans toute la Bible juive des figures du Messie, il se sera représenté l'aventure tragique du prophète comme un symbole anticipé de ce drame grandiose où le Christ, terrassé par la mort, s'était dégagé de son étreinte et relevé victorieux (3). Un tel rapprochement devait lui sembler d'autant plus naturel qu'il avait été, sans doute, familiarisé de bonne heure, par sa formation hellénique, avec l'idée, courante autour de lui, d'un dieu sauveur qui, enlevé par une mort violente, revient à la vie après le même intervalle de trois jours (4).

2) On objectera que Paul ne s'appuie pas seulement sur les « Ecritures »>, qu'il invoque aussi des souvenirs vécus. D'après la suite du texte cité de la première Epître aux Corinthiens, le Christ s'est montré, après sa résurrection, à de nombreux témoins:

(1) Ps., XVI, 9-10, Sept.

(2) Jon., II, 1, 11. Cf. Math., XII, 39-41; XVI, 4; Luc, XI, 29-32.

(3) I Cor., XV, 54.

(4) H. Hepding, Attis, p. 149-166; cf. 167, not. 3 ; R. Reitzenstein, Die hellenist. Myster. Relig., 2e éd., p. 245 (Osiris); G. Glotz, Rev. des étud. grecq., 1920, p. 213 (Adonis).

« Il a été vu par Képhas, puis par les douze, ensuite il a été vu par plus de 500 frères en une fois, parmi lesquels la plupart demeurent encore maintenant, quelques-uns sont morts; ensuite il a été vu par Jacques, puis par tous les apôtres, et après tous, comme par l'avorton, il a été vu aussi par moi, car moi, je suis le moindre des apôtres, je ne suis pas digne d'être appelé apôtre... >> (1).

De telles remarques surprennent sous la plume de celui qui s'est exprimé avec tant de hauteur, dans l'Epitre aux Galates, sur le compte des colonnes » réputées de l'Eglise, et qui déclare, en « >> un autre passage, n'avoir été « inférieur en rien aux apôtres par excellence » (2). En la forme où elles sont présentées, elles trahissent d'ailleurs un arrangement assez artificiel, qui n'est guère conforme à la manière de Paul. Nous avons là comme un dyptique, dont chaque panneau est consacré d'abord à une personnalité dominante,« Képhas » ou « Jacques,», pe à un groupe restreint d'élus, « les douze », << tous les apôtres », enfin à un cercle élargi, les « cinq cents frères », et « l'avorton », qui se tient sur le même rang qu'eux, puisqu'il n'est pas « digne d'être appelé apôtre ». Tout cela manquait dans l'Apostolicon de Marcion. Après le rappel de l'enseignement donné aux Corinthiens, et accepté par eux, sur la mort, la sépulture et la résurrection du Christ (XV, 1-4), on lisait simplement : « Ainsi prêchons-nous et ainsi avez-vous cru >> (XV, 11) (3). C'est sans doute un texte de ce genre que Marc aura connu. Lui qui s'inspire, à travers toute son œuvre, des écrits pauliniens, ne rapporte aucune apparition. I clôt son récit par la découverte du tombeau vide, qui atteste, selon les croyances du temps, que Jésus n'est plus parmi les hommes (4). Le passage de l'Epitre aux Corinthiens

par

(1) I Cor., XV, 5-9.

(2) V. supra, p. 263.

(3) Harnack, Marcion, p. 89*.

(4) Deux passages du second Evangile (XIV, 28 et XVI, 7) font prédire Jésus qu'il apparaîtra aux apôtres à la suite de sa résurrection. Mais

concernant les apparitions du Christ ressuscité n'est donc, très vraisemblablement, qu'une glose tardive.

Que vaudrait-il d'ailleurs, s'il était authentique? Il n'offrirait à l'historien qu'une garantie purement illusoire, car les visions qu'il invoque ne ressemblent en rien à celles qui règlent la créance commune. D'après la suite de l'exposé, le corps d'un ressuscité n'est pas comme le nôtre. Entre l'un et l'autre il y a autant de différence qu'il en existe entre une tige de froment et le grain qui la portait en germe, ou, pour mieux dire, entre la terre et le ciel, entre l'âme vivante et l'esprit. L'un est animé ou « psychique. l'autre spirituel ou << pneumatique » (1). Comprenons bien par là qu'un ressuscité n'apparaît point en chair et en os. Il a la même nature que les esprits qui habitent les régions aériennes. Il est perçu comme eux, c'est-à-dire autrement que les gens avec qui nous vivons. Un nuage, un éclair, un vent soudain, révèlent sa sence au regard des croyants. Mais, pour quiconque ne croit pas, de telles visions n'attestent rien de plus que l'état d'âme du voyant. Elles peuvent se multiplier comme la foi même qui les a provoquées. Leur valeur ne s'en trouve aucunement accrue. Au tribunal de l'historien critique, douze ou cinq cents ne comptent pas plus qu'une.

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Ainsi, jusqu'au terme de sa carrière, le Jésus de Paul n'offre à nos yeux qu'une image fuyante. Il demeure aussi impalpable que ce « fils de l'homme » entrevu par Daniel en ses << visions nocturnes »>, qui venait « avec les nuées des cieux », vers « l'Ancien des jours », pour recevoir une domination éternelle sur l'ensemble des peuples, et qui symbolisait, pour le voyant, les

tous deux se trouvent cadrer fort mal avec le contexte. Ils doivent venir d'une autre main.

(1) 1 Cor., XV, 35-49.

Juifs fidèles, appelés à dominer sur toutes les nations (1). Son individualité n'est pas plus accusée que celle de ce << serviteur de Dieu », en qui le Second Isaïe personnifiait l'Israël de l'exil, souffrant et agonisant pour les péchés d'autrui, montrant ainsi la voie aux égarés, et méritant pour lui-même un merveilleux triomphe (2). Pour mieux dire, il ne fait qu'un avec ces antiques figures (3). Il est né de leur fusion, il participe à leur nature, il appartient de même au monde idéal de la foi (4).

Prosper ALFARIC.

(1) Dan., VII, 13-14.

(2) Is., LII, 13, LIII, 12.

(3) Le texte de l'Epitre aux Philippiens (II, 5-11) cité au début (p. 257) combine visiblement l'oracle de Daniel et celui du Second Isaïe.

(4) Renan en a convenu par moments (Saint Paul, p. 309-310; L'Antéchrist, p. 84-85, 221-22), ainsi que mon collègue et ami Jean Pommier l'a finement noté (La pensée religieuse de Renan, p. 230-231).

MARC LATIN ET MARC GREC

(1)

On a honneur et avantage à débattre un problème de philologie des évangiles avec un helléniste de l'envergure et de la courtoisie de M. Hubert Pernot. Ses Pages choisies des évangiles, ses Etudes sur la langue des évangiles sont devenues classiques. Par la connaissance approfondie du grec populaire et du néo-grec il a fixé le sens de beaucoup de passages controversés. Il n'a pas l'effroi des solutions nouvelles. Il ne rejette pas non plus a priori une tradition ancienne qui contredit nos routines. Je ne me sentirai parfaitement affermi dans la position que j'ai prise que lorsque je serai parvenu à le convaincre.

La question débattue est celle-ci. Je défends la tradition qui nous apprend que l'évangile de Marc a été écrit en latin (popust) Et j'estime que le texte latin dont le Codex Bobiensis k et le Codex Palatinus e sont des témoins, malheureusement grossiers et incomplets, n'est pas la traduction du texte grec représenté par les manuscrits chefs de file B, D et W. Au contraire M. Pernot défend l'opinion généralement admise que le texte de k est une traduction

du grec.

De deux versions mises en regard, l'une latine, l'autre grecque, il peut sembler facile de décider où est l'original, où est la traduction. En fait c'est assez délicat. Le grec et le latin se calquent fort bien l'un sur l'autre. Il faut une pesée minutieuse de

(1) Voir dans la Revue L'Evangile de Marc a-t-il été écrit en latin (juillet-décembre 1926) et Un prétendu original latin de l'évangile de Marc (janv.-févr. 1927).

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