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évêque de Lyon et même que celui de Saint-Nizier le doublait franchement.

En résumé, le culte populaire qui, autour de la pierre sainte, fût rendu au dieu de la fécondité comportait un certain nombre de traditions dont se nourrira la légende de Pothin.

C'est d'abord le rite fondamental et double du feu solsticial. Le 23 juin a lieu l'épiphanie du dieu parmi ses adorateurs et son immersion, sous la forme des cendres d'un foyer, dans la rivière où il portera l'essence de sa divinité génératrice. Le lendemain, les femmes du groupe iront se baigner dans cette rivière, ou, du moins, absorber avec son eau les vertus dont le dieu l'a investie. Ces vertus, bien souvent, se manifestent par le vin que l'on y a jeté, mais par suite de l'affaiblissement du rite, le vinage n'a plus aux époques tardives, qu'un pouvoir médicinal.

Mais la présence réelle » du dieu à la fête annuelle est caractérisée par la pierre rituelle près de quoi ses rites vont se dérouler. Mieux encore, cette théophanie se matérialise par l'élection d'un roi tout empli d'une vigueur vraiment divine. Ce roi sera brûlé en effigie et ses cendres immergées, non point à titre sacrificiel, mais afin de transmettre le divin qui l'imprègne dans les eaux du bain rituel (1).

En général, l'église ne put guère dissoudre ces croyances millénaires. Elle avait la ressource de se les assimiler. Elle imagina des contes pleins de malice pour adultérer leur signification initiale. Elle laissait entendre, par exemple, que les feux de la saint Jean étaient destinés à incommoder par leur fumée les dragons volants qui, en cette chaude saison, laissaient tomber leur semence (spermatizabant) dans les sources et les fontaines,

(1) Le symbole du geste ne sera point modifié si c'est un taureau que l'on précipite dans la Saône et que l'on y égorge afin de faire passer sa vie avec son sang dans les eaux de la rivière.

ce qui corrompait les eaux et risquait d'imprégner d'une semence diabolique les femmes qui venaient le lendemain boire et se baigner à ces fontaines (1). Traduisons. Le 23 juin à la tombée de la nuit des démons célestes venaient féconder les eaux où les femmes se baigneront afin de recevoir la divine semence. C'est dire en d'autres termes ce que je viens de développer.

A Lyon, comme partout, l'église chercha à s'assimiler le rite païen des feux de Saône. Cette adoption n'alla pas sans une profonde altération de cet usage. Il faut pourtant avouer que l'usurpation comportait un trait de génie, celui de rapprocher la coutume de précipiter annuellement les cendres du brasier solsticial dans la rivière, et un fait édifiant entre tous, le martyre des chrétiens de Lyon et de Vienne dont les cendres furent jetées dans le Rhône à la très grande douleur de leurs frères. Ici, non plus qu'ailleurs, les évêques n'avaient pu déraciner de l'âme populaire la tradition qu'ils condamnaient. Ils lui accolèrent la pieuse légende qui convenait celle de l'invention des reliques des martyrs de 177.

Ainsi, bien que le rite immémorial subsistât, ses symboles furent bouleversés. Que devenaient tous les éléments actifs du festival solaire primitif? Les cendres du foyer, en quoi l'astre était venu quelques instants se manifester, prenaient la place des cendres des martyrs, dispersées après leur supplice. Elles furent jetées dans la rivière, non plus pour y porter la généreuse fécondité du soleil, mais en commémoration de celles dont Eusèbe rapporte qu'elles furent immergées afin que s'effaçât des martyrs jusqu'au souvenir. L'église toute proche qui participait au festival annuel, on se plût à dire qu'elle avait été édifiée en glorification de la miraculeuse épiphanie des cendres perdues. Quant à la promenade nautique inséparable de la fête du feu, elle devint le pieux pélerinage à la pierre où le saint évêque Pothin, comme saint Pierre, avait posé la tête dans sa prison.

Et je n'oserai pas affirmer qu'il y eut consciente forgerie de l'épisode de l'apparition des martyrs au lendemain de leur

(i) Durand de Mende, Rational, livre VII, ch. xiv.

supplice. Et puis, pourrait-on en vouloir aux hommes de ce temps de n'avoir pas su résister à une pieuse fraude qui authentifiait toute une légende. A cette époque où l'hagiographie dépendait, non de l'histoire, mais de la littérature, le procédé de l'apparition miraculeuse était classique et chacun s'en satisfaisait., Ainsi naquit la légende de l'invention de saintes reliques dont pourtant les textes les plus dignes de foi signalaient l'irrémédiable disparition.

A. AUDIN.

LA CODIFICATION DU DROIT MUSULMAN EN ALGÉRIE

On sait que la France, en Algérie, se trouvant appelée à gouverner et à administrer plus de cinq millions de sujets musulmans, dans le respect des coutumes et des croyances de ceux-ci comme elle le leur a promis a laissé ces populations indigènes sous le régime du droit musulman et des coutumes locales, pour tout ce qui touche au statut personnel, à la famille (mariage, divorce et répudiation, paternité, tutelle, etc.), aux successions, aux immeubles non francisés et aux biens habous.

On n'ignore pas que tout ce droit civil est d'institution canonique, qu'il diffère profondément dans son esprit et dans sa lettre des conceptions occidentales en la matière, qu'il constitue notamment la famille, cellule fondamentale de la société, sur des bases que ne saurait admettre notre droit et qu'il est le principal et presque l'unique obstacle à l'accession des musulmans algériens à la nationalité française.

Pour comprendre les avantages et les inconvénients de la codification de ce droit islamique, entreprise en Algérie, il faut se souvenir d'abord de la façon dont s'est élaborée à travers les siècles la législation musulmane, d'après les deux « sources » : le Coran, parole de Dieu, révélée au Prophète Mohammed, selon la croyance islamique; les hadits, ou paroles, faits et gestes du Prophète, recueillis par ses << Compagnons ».

Pendant près de deux siècles après la mort du prophète les savants docteurs es-sciences juridiques et théologiques de l'Islam, travaillèrent à interpréter le Coran, a recueillir et à fixer les hadits,

à créer la méthodologie d'emploi de ces sources. "C'est la période de la « Science des sources du droit » ('ilm 'ulum al-figh). Il restait à tirer de là la législation positive.

Or, l'Islâm n'ayant jamais eu de pouvoir législatif officiellement désigné et spécialement qualifié, ce rôle incombait, et incombe encore, à la communauté des croyants représentée par ses savants, ses docteurs, ses Uléma, corps législatif anonyme et multiple, s'arrogeant du consentement de tous d'ailleurs le droit de légiférer, soit en interprétant les deux « sources », soit en homologuant la coutume locale, pour rendre une décision, un accord (idjma) ayant force de loi. C'est même là une troisième source du droit, humaine celle-là et par suite susceptible de faire évoluer la législation selon les nécessités du temps, dans une certaine mesure.

Ce sont ces savants, divisés en << Ecoles >> sous la direction de tel maître réputé, qui élaborèrent la législation d'une façon systématique, au second et au troisième siècle de l'hégire (8 et ge de notre ère), dans les grands centres d'études islamiques de l'Orient, à Médine, à Bagdad, à Damas, à Koufa, à Bassora...

On conçoit que chacune de ces « écoles », d'après les tendances de son chef, apportait dans ce travail législatif, des habitudes particulières. Les unes suivant l'interprétation littérale du Coran, d'autres préférant l'interprétation allégorique, les unes s'en tenant au texte traditionnel des hadits, les autres apportant un effort spéculatif, l'appoint de la raison et du raisonnement par analogie (qiyás) élevé lui-même au rang de 4e source, par les docteurs.

Il en résulta une notable différence dans les lois ainsi faites. A défaut d'une autorité qualifiée par la saine orthodoxie, pour arriver à l'unification de la législation (le Khalife n'ayant pas ce pouvoir comme l'on sait), ce fut la diversité des systèmes législatifs qui subsista.

Aujourd'hui encore le monde islamique est divisé entre quatre systèmes, quatre voies (madahib) (1), pour la loi civile, politique

(1) On emploiera ici de préférence le terme madhab (pl. maḍāhib) ‹ voie pour indiquer le système législatif s'appliquant au domaine de la règle reli

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