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milation n'a pas été si complète, Mercure a du moins la fonction d'éloigner du foyer toute influence hostile. Une seule fois on rencontre la triade latine Cérès, Libera, Liber parfois assimilée à la triade d'Eleusis Déméter, Coré, Dionysos-Iacchos où Liber prend la place prépondérante, comme personnifiant la force génératrice qui appartient en propre au pater familias. Il en est de même du buste radié de Sol, que les contemporains d'Auguste considéraient comme une vieille divinité indigène et qu'on trouve assimilé au Genius dans des dédicaces d'époque impériale. Enfin Vesta, la déesse du foyer par excellence, personnification de la flamme qu'on y entretient, si elle n'apparaît jamais sous un aspect anthropomorphisé, est représentée par l'omphalos qui est son attribut, ou mieux sa résidence. Autour de l'omphalos s'enroule parfois le serpent, incarnation du Genius.

D'autres protecteurs du foyer, qui, à Délos, n'occupent qu'une place subalterne, ont été identifiés par M. Bulard. Silvanus domesticus, dieu primitivement forestier et champêtre, qui surveille les abords de la demeure (tutor finium dit Horace) et, comme les Lares, étend sa protection à tous les habitants de la maison, tandis que le Genius la limite aux ingenui. Il est représenté à Délos sous la forme du Pan hellénique. Enfin il est possible que la figure du Centaure Sagittaire, qui se rencontre une seule fois, soit une allusion au signe céleste auquel était attachée la destinée du chef de famille.

Une hiérarchie rigoureuse paraît avoir réglé la situation respective de ces divinités. Au Genius appartient la place d'honneur, la face médiane de l'autel : aux Lares les faces latérales. Vesta, représentée par l'omphalos, est figurée sur l'abri qui recouvre l'autel ou sur le mur auquel il s'adosse. La niche est réservée aux divinités apparentées au Génius et aux Lares et associées à leur culte. Enfin sur le mur sont peintes des scènes liturgiques « où se manifeste l'union des divers cultes domestiques ».

On ne peut manquer d'être frappé par le très petit nombre des divinités admis dans le culte domestique des Italiens établis à Délos, surtout si l'on se souvient qu'à Pompéi les laraires particuliers sont envahis par tout un panthéon grec et oriental. Ici Apollon luimême est exclu, qui pourtant nous le savons par un grand nombre de dédicaces était de la part des Italiens de Délos l'objet d'un culte assidu. Il semble que les Romains, résidant en terre

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étrangère, se soient préoccupés de conserver intact le culte des ancêtres. C'est pourquoi, lors même que les dieux du foyer revêtent une forme grecque, ils n'en sont pas moins identiques aux vieilles divinités domestiques de l'Italie. Tous se ramènent d'ailleurs, en dernière analyse, au Genius et aux Lares: concepts abstraits à l'origine et auxquels, dans la suite, l'anthropomorphisme n'a jamais donné de forme propre et définitive. C'est ainsi que Liber, personnification de l'universelle fécondité, qu'Hercule, uni à Junon en un couple de divinités conjugales, ont été étroitement associés, sinon identifiés au Genius; que, sous la forme de Pan, Silvanus est une incarnation particulière du Lare. Enfin c'est grâce à cette indécision que par une évolution des plus curieuses, à Pompéi, l'acteur essentiel des scènes de sacrifice ou de libation a fini par représenter la divinité elle-même célébrant son propre culte.

Outre le caractère purement latin de cette religion domestique, M. Bulard a mis en lumière son caractère essentiellement rural. C'est bien le culte antique de la villa du Latium qui, se perpétue au sein d'une cité grecque, avec toutes ses traditions paysannes, l'importance donnée aux divinités gardiennes de la porte et à celles qui veillent sur les confins du domaine, spécialement Silvanus, dieu de la forêt que font reculer les défrichements, qui, se rapprochant de plus en plus de la ferme, veille d'abord sur ses dépendances immédiates et finit par en franchir le seuil et par aller s'installer au foyer.

Pour ne pas prolonger démesurément l'examen de ce beau livre, je me contenterai de signaler, entre vingt autres, l'explication de la place des autels, de leur migration de l'extérieur à l'intérieur de la maison, des rapports entre les Lares du foyer et ceux du carrefour... Jamais, à ma connaissance la religion domestique de Rome n'avait été analysée et expliquée avec autant de pénétration et d'intelligence. Il a fallu pour cela l'intervention d'un helléniste doublé d'un artiste. On adhérera sans peine et avec une entière sécurité aux conclusions de M. Bulard, car ses démonstrations sont de tous points rassurantes, tant par l'ampleur de l'information que par la probité de la méthode. Il y a dans la manière de l'auteur une sorte de douceur impérieuse à laquelle on ne résiste guère. Il faut ajouter que, grâce à son talent de dessinateur et d'aquarelliste, M. Bulard, qui a reproduit luimême tous les monuments étudiés ici, en a acquis une connaissance profonde qui ne saurait donner l'observation la plus attentive et la

plus prolongée. Il y paraît à l'importance que prennent dans ses démonstrations des détails presque imperceptibles, qui bien souvent lui fournissent des arguments décisifs.

André BOULAnger.

ISIDORE LEVY. Recherches sur les sources de la légende de Pythagore (Bibliothèque de l'Ecole des Hautes Etudes, Sciences religieuses, vol. 42). Paris, 1926; 1 vol. in-80 de 152 pages.

Cet ouvrage est l'indispensable complément de la grande étude de M. Isidore Lévy sur la légende de Pythagore, ou plutôt en déblaie les approches. On sait en effet combien sont obscurs et complexes les problèmes qui se posent à propos des sources de cette légende. L'auteur a pu ainsi alléger sa démonstration principale d'une foule de discussions, longues et minutieuses, qui en auraient ralenti le mouvement et compromis la clarté. Il s'est donné ici pour tâche de retrouver l'origine et la filiation de chacun des éléments de la légende qui de Xénophane à Jamblique se sont accumulés pendant six siècles.

Pour le Pythagore historique car il y a pas de raisons valable Ide douter de son historicité nous en sommes réduits à de brèves indications d'Hérodote à des allusions dédaigneuses de Xénophane et d'Héraclite, enthousiastes d'Empédocle. Il est donc remarquable que la plupart des histoires de la philosophie grecque présentent une figure de Pythagore dont les traits sont empruntés en majeure partie au roman qui se développe à partir du ve siècle. Tout ce qu'on peut affirmer de certain c'est que la plus grande partie de sa carrière appartient au vre siècle, qu'il vint de Samos en Grande Grèce et y y enseigna à des disciples groupés en une sorte de société secrète un système de pratiques ascétiques solidaire d'une doctrine de salut très proche de celle de l'orphisme et fondée sur la transmigration des âmes. Tout le reste est légende. Nul témoignage authentique sur les prétendues découvertes scientifiques de Pythagore, sur un enseignement des mathématiques et de la physique. Tout cela, de même que la fameuse théorie mystique des nombres appartient à l'« Ecole d'Italie », aux <«< soi-disants Pythagoriens que Platon connut par Archytas. Ces philosophes entretinrent avec une dévotion passionnée le culte du maître, dont la figure prit, dès cette époque, un aspect

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mythique. Il était nautrel en effet qu'on élevât au-dessus de la condition humaine ce prophète du salut et qu'on s'efforçât de justifier par des récits de miracles l'authenticité de sa mission. Cette tradition, bien vite accrue et embellie, qui fait de Pythagore, une incarnation d'Apollon hyperboréen, lui attribue une apparence et une nature supérieure à l'humanité, a été recueillie par les disciples de Platon. Aristote, dans son ПepПyov (représenté pour nous par Apollonios le Paradoxographe, Elien et Jamblique) et surtout Héraclide le Pontique ont efficacement contribué à propager et à enrichir le roman de Pythagore. Par une démonstration très savante et très ingénieuse, à l'aide de « recoupements » fournis par Hiéronyme de Rhodes et Hermippe, M. I. Lévy s'est efforcé l'Abaris d'Héraclide, dont il ne reste plus que trois d'établir que fragments très mutilés, contenait le récit d'une Descente aux Enfers de Pythagore au cours de laquelle l'homme divin révélait à un compagnon le secret de ses existences antérieures. Cette Katabase où un guide divin promène un second personnage à travers les mystères de l'au-delà, serait le prototype de la série de Descentes aux Enfers qui commence pour nous avec le voyage infernal d'Enée, les récits analogues des Histoires véritables et de se continue par la Nécyomantie de Lucien et aboutit au poème de Dante. A l'époque même où se constitue cet évangile pythagoricien», se manifeste une réaction systématique contre cette histoire merveilleuse, un effort pour la rationaliser, pour en éliminer le surnaturel, pour réduire la figure du prophète à des proportions humaines, pour découvrir les Arissources de sa philosophie qu'on ne veut plus tenir pour une révélation divine. Cette tendance est représentée notamment toxène de Tarente, qui écrivit une vie de Pythagore, de Dicéarque, de Timée, dans les livres IX et X de son Histoire, et par divers biographes tels que Néanthe, Satyros, Hermippe. C'est sans doute à partir du Ie siècle que sont mis en circulation des écrits attribués à Pythagore qui ont subi, autant qu'on en peut juger, l'influence des biographies hellénistiques.

par

Le regain de faveur dont jouit le pythagorisme depuis la fin du Ie siècle avant notre ère a suscité non seulement une abondante floraison d'apocryphes attribués au maître, mais toute une littérature nouvelle à son sujet. C'est alors que s'est constitué un roman composite, dont chaque épisode est fait d'éléments extrêmement complexes, et juxtapose des traits de l'histoire fabuleuse à des détails

de la biographie pseudo-historique. Analysant les trois recueils sur lesquels se fonde essentiellement notre connaissance de la légende et qui ont déjà été d'un grand secours pour retrouver la tradition antérieure: ceux de Diogène Laërce, de Porphyre et de Jamblique, M. I. Lévy reconstitue la forme qu'avait prise au début de l'Empire. romain la vie de Pythagore. L'identification des sources de ces recueils avait déjà était tentée notamment par Rohde pour Porphyre et Jamblique, par A. Delatte pour Diogène Laëce. A l'exception de Favorinus elles sont toutes antérieures à l'époque romaine. Ce sont des compilations savantes qui s'inspirent surtout des biographies non fabuleuses de la période hellénistique. Porphyre aurait suivi surtout le roman fantastique d'Antonios Diogénès (Ier siècle de notre ère) les Merveilles d'au-delà Thulé et Nicomaque (époque des Antonins) qui lui-même a des sources de date relativement récente. Jamblique emprunte surtout à Nicomaque, à la vie de Pythagore par Apollonius de Tyane et à un autre auteur dont nous ignorons le nom et dont Diogène Laërce est lui aussi tributaire par l'intermédiaire de Favorinus. Enfin M. Lévy a montré que certaines parties du roman composite apparaissent seulement dans ces pastiches de la vie de Pythagore que sont le Pérégrinos et l'Alexandre de Lucien, la Vie d'Apollonius de Tyane par Philostrate et même la Vie de Saint Antoine par saint Athanase.

Ces Recherches constituent une digne préface au beau livre où M. I. Lévy a voulu démontrer que c'est le pythagorisme qui a fourni au christianisme à la fois la substance de sa doctrine et les grandes lignes de la biographie de l'Homme Dieu. On pourra, il est vrai, reprocher à l'auteur une ingéniosité parfois excessive et une tendance à faire le même cas d'une probabilité que d'une certitude. Mais on reconnaîtra dans cette étude, à un degré éminent, les qualités qui qui sont propres à l'auteur information aussi sûre qu'étendue, pénétration singulière, dialectique puissante. Il est certain en tous cas que sur bien des points M. I. Lévy a apporté la solution définitive et que l'étude de la question pythagoricienne a, grâce à lui, marqué un progrès décisif.

André BOULANGER.

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