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naturc de la présence de Dieu au jugement final, et il faut un effort d'attention pour retrouver chez lui une mention du grand rôle du Christ en ce jour. Efrem rappelle, devant l'angoisse de tous, l'insouciance et la légèreté capable des incroyants (1) qui ont méprisé les menaces des saintes écritures et s'en sont gaussés. Des anges, dont le nom est peut-être l'origine du mot employé par le Coran, emmènent les méchants en enfer. Grimme avait déjà indiqué combien étrangement le paradis d'Efrem ressemble à celui de Mohammed, et son intelligente suggestion n'a point été perdue par T. A. Dans les montagnes paradisiaques aux divers étages, parmi les eaux courantes et les parfums, les bienheureux, toujours jeunes, sont en une continuelle fête les fruits, le lait, le vin, le miel s'offrent à eux, dans l'éclat des perles et des pierres précieuses; abstinent de vin durant sa vie terrestre, l'homme pieux aura toujours sous sa main les grappes pendantes d'une vigne; « quiconque aura vécu en virginité, elles (sic) le recevront dans leur sein, puisque moine il ne fut point dans le lit et le sein d'un amour terrestre. « Peinturé d'un paradis fort matériel, à laquelle le Coran n'ajoutera guère; de part et d'autre, une indication timide de la joie des fidèles à contempler la face de Dieu permet de croire que Mohammed comme Efrem a pensé à des jouissances supérieures à celles-là.

:

Les courtes indications qui précèdent suffisent à montrer des ressemblances dont T. A. précise le détail et qui ne sauraient être dues au hasard. Il en appuie l'importance sur d'autres faits épars; sur le jugement après la mort qui, dans Efrem comme dans le Coran intervient avant le jugement suprême et, dans

(1) Efrem (Tor Andræ p. 136), énumère les vices qui constituent l'insouciance des incroyants, l'ameleya des moines chrétiens, la ghafla du Coran; le rire, surtout le rire éclatant, la gaîté, la plaisanterie, l'habileté de la parole, le bavardage, le chant profane, la musique. On retrouve cela tout semblable, chez Ghazali, résumant toute l'éthique musulmane, influencée par le soufisme. On voit donc quelle place prendrait aussi l'homélie nestorienne dans une étude un peu poussée du développement de la pensée musulmane postcoranique.

l'Islam, introduit une théorie du châtiment de la tombe que la tradition ornera abondamment; sur ce sommeil de l'âme entre la mort et la résurrection; sur les preuves de la résurrection, énoncées de même dans les deux doctrines; sur d'autres questions, où elles se recouvrent étrangement: l'aumône, la bonté envers les voyageurs, l'accueil aux étrangers, la libération des esclaves, le prêt à intérêt, le mariage et le célibat, les vigiles, les trois prières quotidiennes (1), etc.

Mais il reste à comprendre comment peut avoir agi l'influence du premier ensemble de doctrines sur le second. Sans doute, T. A. a préparé le lecteur à l'accepter en rappelant, dans les premières pages de son livre, quel était le milieu religieux en Arabie du septième siècle. Ici encore il cherche à préciser, à revenir à l'importance de l'influence yéménite et à accorder quelque crédit aux légendes qui mettent Mohammed en relations avec un moine syrien; surtout il s'attache à ce Quss ben Sa'ida qui prêchait, dit-on, à la foire d'Okkaz et que Mohammed a dû entendre.

Sans doute, si l'on poussait la critique de ce mémoire si séduisant et si suggestif, on sentirait parfois quelque insistance et quelque artifice; mais la plus grande partie des faits est acquise, et l'on ne saura plus passer devant eux sans relire le beau travail de M. T. A.

GAUDEFROY-DEMOMBYNES.

(1) Les cinq prières quotidiennes de la doctrine musulmane classique ne pas mentionnées dans le Coran.

sont

TOTÉMISME ET VÉGÉTALISME DANS L'INDE"

Quand les Aryens colonisèrent l'Inde du Nord, ils apportaient avec eux une religion fondée sur l'efficacité du sacrifice. Ce qui était méritoire à leurs yeux, ce n'était pas tant de se bien conduire que d'offrir aux dieux de nombreuses et grasses victimes. Cette religion, nous l'appelons védique parce qu'elle nous est connue par les Védas. Elle était nettement aristocratique, car elle exigeait un cérémonial compliqué et dispendieux qui n'était pas à la portée des hommes du commun. Un cultivateur pauvre, ou simplement aisé, ne sacrifie point des boeufs; encore moins pourrait-il payer les brahmanes qui, réunis autour de l'offrande, doivent chanter les hymnes et réciter les incantations, sans modifier une syllabe. On offrait aux dieux, dans ces occasions, la chair du gros et du petit bétail; les viandes étaient cuites et on y joignait des libations, c'est-à-dire qu'on répandait une liqueur enivrante, d'origine végétale, le soma. Si les Aryens offraient à leurs dieux de tels festins c'est, sans doute, parce qu'à leurs yeux, il n'y avait rien de plus somptueux ni de meilleur. Pour eux, la viande de boeuf et le soma étaient sans doute les aliments les plus nobles (2). Ces envahisseurs trouvèrent dans l'Inde des populations for

(1) Je reproduis ici, sans en modifier la forme, le texte d'une conférence que j'ai faite à Paris au musée Guimet, le 6 Février 1927. J'ai seulement ajouté en note quelques références indispensables.

(2) Il est clair que les Védas ne nous font pas connaître toute la religion des anciens Indo-Aryens. Mais je n'ai pas à discuter ici ce que pouvait être cette religion en dehors des sacrifices de soma.

mées de deux éléments ethniques principaux des hommes à peau relativement claire que nous pouvons appeler les Kôls, car il est probable qu'ils se désignaient eux-mêmes ainsi. Le mot kôl, en leur langue signifiait « homme ». De même, en Afrique, le mot bantou signifie « homme » et désigne en même temps un peuple. L'autre élément ethnique antérieur à l'invasion aryenne était constitué par des indigènes à peau foncée, de nuance probablement brun chocolat, analogues aux Dravidiens actuels du Sud de l'Inde.

Aujourd'hui Kôls et Dravidiens appartiennent linguistiquement à deux familles distinctes et il est probable que jadis ils s'opposaient nettement les uns aux autres par leurs caractères physiques et moraux. Ces différences se sont beaucoup atténuées au cours des âges par suite de croisements et de contaminations réciproques. Actuellement un Kôl ressemble beaucoup à un Dravidien et leurs religions présentent également de nombreux traits communs. On peut donc parler provisoirement de populations pré-aryennes et de religions pré-aryennes, à condition de ne pas perdre de vue que nous désignons ainsi des ensembles complexes, susceptibles de se résoudre à l'analyse en plusieurs couches d'âges différents. Comme les envahisseurs Aryens, les anciens occupants de l'Inde offraient régulièrement des sacrifices; mais la chair du bétail n'était pas ce qui avait le plus de valeur à leurs yeux. Ils sacrifiaient de préférence des victimes humaines et, contrairement à la coutume aryenne, ils ne faisaient pas cuire la viande du sacrifice. De plus, le soma, cette liqueur enivrante des Aryens, leur était inconnu. Ils le remplaçaient par d'autres breuvages ou par sang fumant de la victime. Fréquence (1) des sacrifices humains, ingestion de viande crue et de sang chaud, tels sont les traits distinctifs par où le sacrifice de ces barbares s'oppose au sacrifice védique.

le

On est dès lors tenté de supposer que les populations Kôls étaient friandes de viande crue et que la chair humaine et le sang

(1) Chez les Indo-aryens, les sacrifices humains étaient exceptionnels et pouvaient avoir été empruntés aux aborigènes.

humain étaient leur régal. Ce peut être exact; toutefois il faut se garder de faire une trop large part à la gourmandise dans l'histoire des institutions religieuses. L'homme a d'abord mangé de préférence ce qu'il croyait salutaire et il a fini par aimer ce qu'il mangeait ainsi. La gourmandise n'est probablement qu'un résultat; c'est dans les croyances des individus qu'il faut en chercher les causes.

Pourquoi les populations pré-aryennes croyaient-elles que la viande crue et le sang fumant fussent salutaires? Comment se sont-elles trouvées sur ce point d'accord avec des biologistes modernes ? Dans certaines langues austroasiatiques, c'est-à-dire dans la famille linguistique dont faisait partie la langue des anciens Kôls, l'adjectif que nous traduisons par «< cru » signifie en réalité « vivant ». Pour ces hommes, la viande crue et le sang fumant étaient fortifiants et efficaces parce qu'ils étaient encore vivants. Une viande cuite était un aliment inerte, qui n'avait plus rien de vivifiant. Au contraire, en mangeant de la chair crue, onaugmentait sa provision de vie surtout si, la victime étant consacrée, sa vie était une force divine.

L'autorité britannique s'est naturellement efforcée de faire disparaître les sacrifices humains; nous les connaissons néanmoins par des renseignements de deux sortes pour la période moderne, par des rapports de fonctionnaires ou de voyageurs, et, pour la période antérieure à l'arrivée des Européens, par les textes littéraires ou la tradition orale.

Les Khonds de Sambalpur sacrifiaient jadis des victimes humaines appelées meriah. La cérémonie a été décrite par deux témoins oculaires, le Major général Campbell et le Major Macpherson. Des individus de base caste se chargeaient d'enlever de jeunes enfants aux paysans paisibles de la plaine. Ces enfants étaient ensuite vendus aux Khonds des hautes vallées pour une somme variant de 60 à 130 roupies. Ils étaient bien traités par leurs maîtres; mais, quand ils avaient grandi, on les attachait pour les empêcher de s'évader. Pendant la saison qui précédait la cérémonie, le meriah était nourri de friandises. La veille du sacrifice, son corps

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