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<< fût transportée au hiéron sur un chariot attelé (euros); et, pour <«< cela, les bœufs n'étaient pas revenus à temps du pâturage; << contraints par l'heure, les jeunes gens, s'étant attelés eux-mêmes <«< sous le joug (ú), tirèrent le chariot (uz), et sur celui<< ci fut transporté par eux la mère; ayant parcouru 45 stades, <«< ils arrivèrent de la sorte au hiéron. Après qu'ils eurent fait <«< cela, et que toute la Panégyrie l'eût vu, la fin de la vie la meil«<leure leur échut; avec leur exemple, le dieu (1) révéla qu'il « est préférable pour un homme de mourir plutôt que de vivre.

Le récit eût pu s'arrêter là, mais Hérodote reprend : < Car, << d'une part, les Argiens, les entourant, disaient bienfaisante << la force des jeunes gens; et les Argiennes vantaient le bonheur « de leur mère (2) qui avait obtenu de tels fils. Or celle-ci, qui << était comblée de joie, et par l'exploit et par la renommée acquise, s'étant tenue debout en face de la statue, fit une prière << pour Cléobis et Biton, comme étant ses enfants qui l'avaient grandement honorée; et elle demandait à la déesse de leur donner ce qui est, pour l'homme, le meilleur à obtenir. Après << cette invocation, quand ils eurent sacrifié, puis participé

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quet rituel (3) de la cérémonie, s'étant endormis tous deux << dans le sanctuaire même, les jeunes gens ne se réveillèrent << jamais plus; c'est ainsi qu'ils furent pris par la mort. Et les

possible
(PA)OEQN,

ou même que le texte a pu porter, par exemple : MHTEPA mal transcrit, ce qui expliquerait bien des choses. Dans le cas le plus défavorable à la faculté critique d'Hérodote, c'est-à-dire en gardant le passage tel quel, comme on m'a conseillé de le faire il reste à admettre, hélas ! que l'historien aurait été un des premiers de ceux qui ont dénaturé, mal à propos, l'aventure.

(1) Il peut s'agir d'Apollon delphique, ce qui justifierait le placement des statues dans le hiéron phocidien.

(2) Quelques auditeurs de ma communication, le 26 nov. 1927, se sont déclarés très frappés de la répétition, à cette place, de l'expression : τὴν μytéoz autóv. Ils en concluaient à l'impossibilité de corriger le texte plus haut, 1. 5 (cf. ci-dessus, p. 369, n. 2). Je relate cet avis, mais sans le partager tout à fait, je l'avoue.

(3) Sur le mot so70% et sa valeur religieuse, cf. en dernier lieu, P. Roussel, BCH, LI, 1927, p. 123 sqq. (notamment, p. 131 sqq.) Le banquet de l'Héraeon d'Argos est un acte mystique * ; on sait qu'il existait un

>

télestérion dans le célèbre sanctuaire.

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Argiens, ayant fait leurs statues, les consacrèrent à Delphes, << comme celle d'hommes devenus des bienheureux. »

Le texte ainsi littéralement traduit, et non corrigé, ne permet pas, j'en conviens, d'affirmer qu'Hérodote eût compris, bien au juste, l'exploit des Jumeaux je ferai voir, bientôt, que cet exploit avait consisté, un jour de fête, à porter pendant huit kilomètres sur un chariot rituel, à la place des bœufs de l'attelage sacré, une lourde statue de la Mère, amenée d'Argos à l'Héraeon, pour une « théoxènie », comme nous savons qu'il en existait en maints sanctuaires. L'eucéбeta des deux athlètes (les sportifs ont toujours été des « craignant-dieu »>!) leur aurait ainsi valu de quitter prématurément la terre, en vertu du seul et vieux tabou que suggérait précisément Usener, dès 1901, mais mal à propos : pour la tradition, combien déformée, où Cléobis et Biton firent figure. plus tard, de fils d'une prêtresse! (1). Notons déjà, en tout cas, qu'Hérodote n'a mentionné nulle part cette prétendue qualité de la mère des Jumeaux; cela suffirait à faire apparaître tout l'embarras essentiel de son récit, nettement divisé en deux parts, la seconde adventice. Quelle apparence y a-t-il qu'une simple Argienne, sans prêtrise, eût été si indispensable à la cérémonie de l'Héraeon? (2).

Les modernes commentateurs d'Hérodote qui, en certains cas, n'hésitent pas à « compléter » Hérodote, dans leurs notes, à l'aide de Cicéron, voire de Plutarque! (3) n'ont guère songé, même récemment, à rapprocher du prétendu récit fait à Crœsus par Solon, l'inscription antérieure des bases delphiques. N'est-ce pas grand dommage, puisque nous avons ce premier texte, le plus sûr, le plus rapproché par sa date des faits à interpréter ? Or, voici ce que le regretté Th. Homolle, en dernier lieu, et en connaissance de cause, après de multiples tâtonnements, a proposé pour le mémorial inscrit sur chaque pas des Couroi jumeaux (4):

(1) Usener, Rhein. Mus., LVI, 1901, p. 495 sqq. (cf. ci-après).

(2) Le texte y insiste, 1. 5: Òɛɛ πάνTWG.

(3) Cela arrive même à Stein, dont l'édition est justement célèbre. (4) CRAI, 1924, p. 149 sqq.

[Κλεοβις και Βι]τον ταν ματαρα (1)
σταδιος [τετροφοντα] ?

[πεντε αγαγον του δυγοι [hυποδύντες] ?

μεδες εποιες μαργειος (2).

Rien de plus et c'est fort bref. En ce document primordial, on le voit, aucune mention nettement indicatrice de piété filiale. Il est vraisemblable, je le crois de plus en plus,

qu'Hérodote avait pu ne faire que « paraphraser » à distance, et à sa façon, un si bref constat, déchiffré sur la base des statues mêmes du sanctuaire. Les « exégètes» officiels, ou quelques « mystagogues > bénévoles lui avaient-ils raconté, de leur côté, autre chose, notamment de quoi l'induire en erreur, pour son interprétation des faits? Ce n'est pas certes impossible, mais ce n'est pas certain.

La tradition, dépouillée de toute exégèse déformatrice, substitua encore, en tout cas, librement : au moins dans certains cercles, longtemps après. L'Axiochos, par exemple, ne raconte-t-il pas presque semblablement la mort des Jumeaux, immédiatement d'ailleurs, après celle, divine aussi, de Trophonios et d'Agamédès ? Des deux côtés, l'emprunt avait été fait sans doute à des sources sacerdotales officielles, où les cas de « mort sacrée » avaient été rapprochés dûment:

367 C : « Οἵ τε τῆς ̓Αργείας Ἥρας ἱερεῖς, ὁμοίως εὐξαμένης αὐτοῖς τῆς μητρὸς γενέσθαι τι τῆς εὐσεβείας παρὰ τῆς Ἥρας γέρας, ἐπειδὴ τοῦ ζεύγους ὑστερήσαντος ὑποδύντες αὐτοὶ διήνεγκαν αὐτὴν εἰς τὸν νεών, μετὰ τὴν εὐχὴν νυκτί μετήλλαξαν.

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Ce texte est, à mon avis, capital et par la mention qu'il fait d'abord de la prêtrise de Cléobis et de Biton eux-mêmes; et peutêtre par l'absence de toute allusion à une mère humaine; car il est assez possible que s M-pos eutaμévns, 1. 1-2, doive être entendu au sens de la déesse. LAxiochos, faux dialogue platonicien,

(1) Pour cette forme dialectale, Th. Homolle avait précisément rapproché le nom de la Matar Kubile phrygienne; l. l., p. 152; cet appel au monde divin n'est-il pas instructif?

(2) L'article cité des CRAI justifie les restitutions.

sans doute issu d'une officine d'Alexandrie, a été quelquefois replacé jusqu'au e s.; mais de solides arguments permettent de le dater plus sûrement de la seconde moitié du 1er siècle avant notre ère (1). Il nous apporte même ainsi, bien avant l'inscription de la hiérophantide éleusinienne que j'aurai à citer plus loin, un précieux témoignage sur la persistance de ce qu'on pourrait appeler, dans l'affaire argienne, la simple doctrine, officielle et sacerdotale.

C'est à une version plus romanesque, pourtant, de l'aventure que toute la suite des générations post-classiques devait aller plutôt adhérer. Nous le voyons bien, dès le second siècle avant notre ère, et par un récit de Polybe, et quasi parallèlement par l'interprétation donnée à certains reliefs qui décorèrent, semble-t-il, dans Cyzique, le temple d'Apollonis de Pergame, reine héroisée après sa mort; plus précisément, le tambour inférieur d'une des columnae caelatae de l'édifice :

Citons d'abord le texte de Polybe (2):

Il s'agit de la visite solennelle faite à Cyzique par les fils d'Attale Ier, entourant leur mère :

((

Πλὴν οἵ γε περὶ τὸν Ατταλον ἐν τῇ παρεπιδημία καλήν περι ἐποιήσαντο φήμην, ἀποδιδόντες τῇ μητρὶ τὴν καθήκουσαν χάριτα καὶ τιμήν. Ἄγοντες γὰρ ἐξ αμφοίν ταῖν χεροίν μέσην αὐτῶν τῆν μητέρα, περιήεσαν τά θ' ἱερὰ καὶ τὴν πόλιν μετὰ τῆς θεραπείας. Εφ ̓ οἷς οἱ θεώμενοι μεγάλως τοὺς νεανίσκους ἀπεδέχοντο καὶ κατηξίουν · καὶ μνημονεύοντες τῶν περὶ τὸν Κλέοβιν καὶ Βίτωνα συνέκρινον τῆς αἱρέσεις αὐτῶν, καὶ τὸ τῆς προθυμίας τῆς ἐκείνων λαμπρὸν τῷ τῆς ὑπεροχῆς τῶν βασιλέων ἀξιώματι συναναπληροῦντες.

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Presque parallèlement à ce passage caractéristique la reine Apollonis, grecque cyzicène, épouse d'Attale Ier, n'est morte, comme il semble, que vers 166 av. J.-C., on mettrait, s'il

(1) Cf. par exemple, avec une bibliographie des discussions engagées à ce sujet J. Carcopino, La Basilique pythagoricienne de la Porte Majeure, 1927, p. 289, n. 2.

(2) Ed. Buttner-Wobst, IV, p. 120-121 (XXII, 19-21 201. 23); Coll. Didot 23, 18, 7 (excerptum Valesianum).

exista jamais! - le décor de l'un des reliefs ciselés au bas d'une colonne de Cyzique, décrit littérairement par l'Anthologie Palatine (1).

Le temple en question avait été édifié, nous dit-on, par les quatre fils reconnaissants de la reine héroïsée; du moins à leur instigation et à leurs frais. Non sans intention, la décoration des STUAоRIVȧXIX (2), perdue, mais signalée en détail, selon les procédés de l'exppass, par les épigrammes de l'Anthologie, si l'on accepte que le temple ait réellement été bâti! aurait assemblé divers exemples, mystiques ou historiques, de piété filiale. Il ne serait pas surprenant que cette fondation pieuse eût pu faire progresser la méprise romanesque, en ce qui concerne l'histoire de Cléobis et Biton; telle déformation du récit devait flatter les Attalides, gens d'origine assez douteuse, qui, du moins, avaient l'esprit de famille, sauf dans les cas graves, bien entendu (3). Le texte de Polybe ci-dessus rappelé montra qu'ils ne dédaignaient certes pas les manifestations théâtrales de bonne entente. Le nom de Cydippé, qui aurait été la mère des athlètes argiens, nous est donné en cette occasion à ma connaissance, première fois :

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Οὐ ψευδὴς ὅδε μῦθος, ἀληθείηι δὲ κέκασται
Κυδίππης παίδων εὐσεβίη σ' θυσίην.
ἠδυχαρὴς γὰρ ἔην σκοπὸς ἀνδράσιν ὥριος οὗτος,
μητρὸς ἐπ ̓ εὐσεβίηι κλεινὸν ἔθεντο πόνον.
χαίροιτ' οὖν ἱεροῖσιν ἐπ ̓ εὐσεβίηι, κλυτοὶ ἄνδρες,
καὶ τὸν ἀπ' αἰώνων μῦθον ἔχοιτε μόνοι (4).

pour la

Il paraît évident, d'après cela, qu'au moins déjà les décorateurs (?) du temple de Cyzique durent comprendre l'histoire de

(1) III, 18. O. Benndorf, De Anthologiae graecae epigrammatis quae ad artes spectant, Leipzig, 1862; P. Vitry, Rev. arch., 1894, I, p. 315 sqq. (la question de l'authenticité est non pas traitée là, mais signalée, p. 317). (2) REA, XXIX, 1927, p. 255 sqq.; cf. p. 269-270. J'ai expliqué là le sens

du mot.

(3) On le vit assez, par exemple, sous Eumène II, quand les Romains essayèrent de pousser contre lui un de ses << frères pieux; cf. M. Holleaux, REG, XXXVII, 1924, p. 305 sqq. (décret des Ioniens).

(4) Cf. L. Weber, l. l., p. 424, n. 1.

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