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un peu lourd et enfantin» de l'Égypte (p. 55) a été certainement corrigé par les influences venues de la Très-Verte, et grâce aux premières relations avec le monde sémitique. A partir de Snéfrou, s'établissent les contrats avec les Bédouins du Sinai, et, par mer, avec la Phénicie; spécialement avec le Liban, fournisseur de cuivre (1) et des bois de cèdre indigènes, pays des charpentiers constructeurs de la flotte des Pharaons (2). On a noté précisément une imprégnation étrangère dans le culte de Rà, qui, en fait, devint prépondérant au xxvIIe siècle. Ce sera là l'intérêt magnifique des fouilles de Byblos, dont MM. P. Montet et R. Dussaud (3) par exemple, ont bien montré tout ce qu'elles avaient apporté récemment à notre connaissance des relations commerciales et sociales qui s'établirent dès l'« Ancien Empire >> autour de la Méditerranée orientale, voire entre Égypte et Caucase.

Pour l'Asie, M. Contenau (p. 73-111) a insisté utilement sur l'antériorité de la culture élamite, en notant sa diffusion vers l'Ouest. Les premiers dieux de Mésopotamie, au contraire de ceux d'Égypte, ont dû avoir pour la plupart la forme humaine, au moins dès l'époque d'Ournina (p. 80) (4). Les récentes fouilles de Kish ont fait trouver une des plus anciennes images religieuses de la région, celle de la déesse Bau, en Potnia aux oiseaux. Il en est donc de plus en plus évident que le couple des dieux « dompteurs >> de fauves (et protecteurs de la fécondité) était issu d'Asie. Sur la question de l'entrée des Sémites dans l'histoire, M. Contenau s'est montré favorable à l'hypothèse d'origine formulée par A. T. Clay (p. 86) (5) Akkad aurait ainsi servi de trait d'union entre la Mésopotamie et l'Égypte, et l'on expliquerait par là certaines concordances mythiques remarquées. En tous cas, la civilisation des Sumériens, d'origine arménoïde, -et antérieure d'après S. Lang

(1) Par relai: Cf. H. Hubert, Syria, VI, 1925, p. 16 sqq.

(2) R. Eisler, Zeitschr. d. Morgenl. Gesellsch., 1926, p. 154.

(3) P. ex., Séance publique, Acad. Inser., 20 nov. 1926; cf. aussi H. Gressmann, Zeitsch. f. die altest. Wiss., 1925, p. 225-242.

(4) On nous dit, mais sans le prouver, qu'ils ont pu être adorés antérieurement sous une forme animale (ibid.)

(5) Cf. Delaporte, La Mésopotamie, p. 396-397

don à 4000 (1), a longtemps gardé en Mésopotamie sa prépondérance religieuse, le sumérien restant jusqu'au temps des rois d'Our la langue sacerdotale (2). Vers 2875, la puissance de Sargon l'Ancien a rayonné chez les Hittites (p. 90), jusqu'au Taurus et au Liban; on sait aujourd'hui que dans la région des mines de Burshahanda, vivait une colonie de négociants et d'agriculteurs sémites encore prospères au xxve siècle (3), vers l'époque où le site de Troie a dû commencer à être occupé; on attribue (sans preuves) à Sargon la conquête de Chypre (p. 90). Du moins est-il sûr que ce puissant Seigneur d'Asie (4) a eu un rôle personnel important dans l'établissement des contacts qu'on observera beaucoup plus tard entre la civilisation mésopotamienne et les cités de l'Anatolie; je les avais partiellement étudiés pour ma part, à propos d'Ephèse (5). L'épopée du Roi du Combat est à l'origine des Iliades.

Si Byblos et l'Égypte ont fait de bonne heure des échanges, le trafic n'était pas moins bien établi par ailleurs, dès la VIe dynastie, entre Mésopotamie et Liban; ce fut le temps de Goudea (p. 96), premier constructeur de temples précieux période de grande religiosité, et de progrès artistique, dont les fouilles de Lagash, un peu éclipsées aujourd'hui par celles de Kish et Our (6), avaient fait paraître l'importance; on eût aimé trouver çà et là, dans le livre, des renseignements plus circonstanciés sur les récentes trouvailles anglo-américaines.

Avant 2000, un grand va-et-vient d'influences se remarque de l'Euphrate au Nil; les expéditions commerciales se sont partout multipliées; on trouvera à Platanos (Crète) un cylindre du temps

(1) Times, 16 juin 1926; l'empire « sumérien > a été ruiné avant le milieu du XXIVe siècle.

(2) Sur la déesse sumérienne d'Our, Nin-Egal, et son transfert chez les Hittites à Qatna, cf. R. Dussaud, C. R. Ac. Inser., 20 mai 1927.

(3) Les tablettes de Césarée ont révélé son organisation; cf. P. Landsberger, Alte Orient, XXIV, 1926, 4, p. 1-34.

(4) Sur son empire, vers 2850, cf. Thureau-Dangin, Rev. assyr., XXII, 1925, p. 23-26; et, par ailleurs, AJA, 1926, p. 103 (carte).

(5) Ephèse et Claros, 1922, p. 572 sqq.

(6) Sur le nouvel empire sumérien d'Our, et ses cultes, prototypes des grandes organisations théocratiques d'Asie, cf. p. 97 sqq.

du 1er royaume babylonien (MM. I a, 2100-2000). Du côté de l'Égypte, la conquête de l'ivoire et de l'or en Nubie, surtout au deuxième millénaire, à partir d'Amenemhet Ier (2000-1981) (1) avait eu des conséquences intéressantes pour la civilisation, et même pour la religion du monde méditerranéen (2). Les échanges avec les Cananéens et Byblos continuaient; récemment on a découvert, en Crète aussi, une preuve des relations établies alors par le commerce, la diplomatie, ou... le tourisme; dans la maison d'un des grands dignitaires de Cnossos, la nouvelle fresque, encore inédite, du « Paysage africain », avec ses singes à capuche bleue, nubiens, nous apporte, vers 1600, un décisif témoignage; mais sans doute ne fut-elle pas la première marque tangible de l'attrait exercé sur les Peuples de la Mer par la riche civilisation lointaine des Pharaons africains; or, bientôt à Mycènes, à Argos même, les pierres gravées décorées de figures d'éléphants rappelleront à leur tour, pour le temps voisin de la royauté de Tell-el-Amarna (3), le mouvement incessant établi dès lors entre l'Égée et l'Afrique. Les pérégrinations de Ménélas et d'Hélène, étoile de la mer, en sont un dernier symbole. Les artistes et les objets d'art ne voyageaient pas seuls. Les armes et les dieux suivaient les grandes routes d'échange. Vers le temps où la harpé mésopotamienne (4), que brandit Eannatoum de Lagash sur la Stèle des Vautours, devenait par excellence l'emblème de Byblos, Isthar-Astarté, passée chez les Cananéens dès l'époque d'Hammourabi, avait multiplié en SyriePalestine les types de la déesse nue pressant ses seins. Il faut bien connaître de tels transferts pour juger historiquement de la position du monde crétois en Méditerranée orientale, et des origines mêmes de la civilisation grecque. L'Hellade a vu plusieurs fées orientales penchées à son berceau: sans elles, auraitelle reçu les beaux dons qui nous étonnent encore? Quand on constate sous l'influence, d'ailleurs, d'une « renaissance sumé rienne », un premier « âge d'or» de la littérature orientale

(1) P. 63.

(2) P. 67.

(3) On a trouvé, on le sait, des objets crétois aussi dans l'Est du Delta, au Fayoum, et ailleurs jusqu'à Abydos.

(4) E. Pottier, Syria, 1922, p. 301.

sous Hammourabi avec toute une curieuse floraison poétique (1), on devine que la Grèce n'a pas innové pour tous ses instincts litté raires, et qu'en particulier aussi ses préoccupations de la mort, de l'au-delà, ont dù lui être suggérées du dehors. Du côté de l'Égypte, je l'ai dit, le monde minoen ne recevait pas moins, certes, entre 2000 et 1600. Le dernier et le plus prudent historien de la religion minoenne, M. M. P. Nilsson, qui d'ailleurs, à mon sens, a fait à l'influence asiatique en Crète une part trop congrue reconnu tout ce qui a pu passer à travers la Messara crétoise, d'importations venues du Nil; et il conclut que, par exemple, certaines doctrines sur l'Élysée, transmises plus tard sans doute à Éleusis, venaient de la terre des Pharaons (2).

a bien

Dans les Premières civilisations, l'histoire du monde proprement égéen n'a été développée qu'à partir des environs de 2000; mais tout ce qui est antérieur est résumé brièvement (p. 112122). C'est que l'attention est vivement attirée encore au deuxième millénaire, par l'Égypte et l'Asie. J'avoue que les hypothèses énoncées sur les Indo-Européens et leurs premières migrations laissent de l'incertitude dans l'esprit de ceux qui sont plus habitués à compter sur les informations directes de l'archéologie ; au sortir des discussions linguistiques, on retrouve avec satisfaction, dans le livre, la part consacrée à l'étude des grandes invasions des Hittites (p. 136-140), des Cassites et des Hyksos (p. 140-156), pour la première moitié du second millénaire. Là devait se placer du point de vue crétois l'étude générale des contacts de la civilisation thébaine avec la monarchie des Mino's, pour les xvre et xve s.; elle a été tracée de main de maître (p. 157-189), jusqu'à la chute de' Cnossos. Non qu'un recenseur vétilleux ne dût trouver matière, sans doute, à discuter çà et là (3). Je revien

(1) Autour de Mardouk, dieu nouveau (cf. le Chant de la Passion de Mardouk) et les cérémonies de l'akitu (S. A. Pallis, The babyl. Akitu festival, 1926); cf. encore l'épopée de Gilgamesh d'Ourouk, et le poème du Juste souffrant, etc. (p. 107 sqq.) Il faut renoncer à croire que sur la Stèle d'Hammourabi au Louvre, Shamash « dicte les lois (Contenau, p. 100). (2) The Minoan-Mycenean religion, etc., 1927, notamment p. 544 sqq. (3) La civilisation néolithique finit en Crète vers 3400 (et non 3000, p. 118). Un fait important, et qu'il fallait souligner (cf. p. 119), c'est qu'à

drai bientôt, dans cette Revue même, à propos du nouveau livre de M. M. P. Nilsson, sur les questions concernant spécialement les religions minoenne et mycénienne. Pour l'expansion achéoéolienne dans la mer Égée et en Asie-Mineure (1400-1100), G. Fougères avait adopté, sans assez de réserves, les renseignements tirés par E. Forrer des tablettes hittites de Boghaz-Keui; on sait combien il restera prudent de ne pas considérer comme déjà acquises certaines assimilations onomastiques qui ont été proposées d'abord en Allemagne (1).

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Le livre III qui forme presque la moitié du tome I étudie << les nouvelles forces du monde antique, du xre au vre siècle av. J.-C. ». J'ai signalé que toute cette grande « fresque historique, si allègrement peinte, de justes proportions, et pleine d'aperçus précieux (2), laissait de côté presque complètement et volontairement! l'histoire des dieux, des cultes. On pourra revenir sur le sujet à propos du tome II.

Ch. PICARD.

l'époque néolithique, tous les Balkans et la Grèce avaient dû participer à une même civilisation (céramique dite de Dhimini, etc.); de 2500 à 2000, il n'y a pas eu, comme, à tort, on le croit ailleurs, de « barrière de l'Othrys ». Les nouvelles fouilles roumaines, d'après les deux premiers fascicules parus de Dacia, montrent combien haut ont pu remonter ensuite les influences égéennes, dans la péninsule balkanique. Le regretté G. Fougères n'a pas connu à temps l'importante trouvaille des armes de Mallia, qui ajoutent désormais si utilement à notre perception des influences asiatiques en Crète; encore l'exploration de la partie orientale de l'île reste elle trop peu avancée ! P. 167 et 195, le « modeste village de huttes ovales à Tirynthe» (cf. Schuchhardt, Prehistorische Zeitschr., XVI, p. 109-123) n'est pas une conquête sùre de la science. Je ne croirais pas trop non plus à la Rotonde couverte (diam. 3om!) D'une façon générale, il me semble qu'on a tendance en France à exagérer, pour la Crète, le caractère de luxe et de fantaisie d'une civilisation qui ne nous est que fort partiellement connue, et par des documents d'art, donc conventionnels. P. 182, c'est une erreur que de faire remonter jusqu'à 2000 la « garde noire » des Minos, la fresque cnossienne dite des « Mercenaires » n'étant pas antérieure à 1600. P. 196, le « palais mycénien » (?) de l'île de Gha (Béotie) pourrait n'avoir été qu'un poste fortifié.

Ou

(1) Cf. p. ex. A. Sayce, JHS, XLV, 1925, p. 161-163.

(2) Je ne relèverai pas ici les points à discuter pour l'histoire générale, l'histoire des arts; cf. U. Kahrstedt, Hist. Zft, 136, 1927, p. 535 sqq. P. 355, un fâcheux lapsus a fait écrire que l'Olympieion de l'Ilissos, entrepris par Pisistrate, était dorique; il eût été ionique, comme les grands temples d'Asie-Mineure.

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