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AVERTISSEMENT.

En quittant Sérâ, capitale du Kiptchak, où nous l'avons laissé à la fin du précédent volume, Ibn Batoutah se rendit à Sérâïtchik, ou, comme il l'appelle, Serâtchoùk, puis à Khârezm, capitale de la province du même nom, et plus célèbre chez les géographes orientaux sous les noms de Djordjânieh et d'Ourguendj. La description qu'il en trace nous donne une haute idée de la richesse et de la prospérité de cette ville, alors gouvernée par un vice-roi dépendant du souverain du Kiptchak. Ibn Batoutah y remarqua une coutume qu'il n'avait vu observer nulle part ailleurs, et qui lui parut digne d'éloges. Cette coutume consistait à obliger les habitants, sous peine de la bastonnade et d'une amende, à assister aux offices célébrés en commun dans les mosquées. On sait, par des historiens persans modernes et des voyageurs européens, que le même usage existait encore à Bokhara y a moins de quarante ans 1. D'un autre côté, après l'occupation de Djidda, en Arabie, par les Wahhâbites, en 1807, ces sectaires établirent des espèces d'appariteurs ou exempts, chargés de forcer les fidèles à se rendre au temple 2.

il

Sir John Malcolm, Hist. de la Perse, trad. fr. t. III, p. 358; Meyendorff, Voyage d'Orenbourg à Boukhara, p. 281, 282. Voyages d'Ali Bey, t. III, p. 6, 7.

2

De Khârezm, notre voyageur se transporta à Bokhâra, en passant par la ville d'Alcât ou Câth, ancienne capitale du Khârezm. On sait qu'en l'espace de cinquantesix ans, de 1220 à 1276, Bokhâra avait été trois fois mise au pillage par des armées mongoles. Aussi, quand Ibn Batoutah la visita, ses mosquées, ses colléges et ses marchés étaient ruinés, à l'exception d'un petit nombre. Les habitants, dont Ibn Haoukal, au x° siècle, faisait un si magnifique éloge, nous sont représentés, par Ibn Batoutah, comme en butte au mépris général, à cause de leur réputation de partialité, de fausseté et d'impudence.

Le voyageur partit de Bokhâra afin de se rendre au camp du sultan de la Transoxiane, 'Alâ eddîn Thermachîrîn. Il nous donne sur ce prince, sur ses deux prédécesseurs immédiats, ainsi que sur deux de ses successeurs, des détails d'autant plus précieux, que l'histoire de la dynastie issue de Djaghataï, second fils de Pjinghiz khân, est encore assez imparfaitement connue. Toutefois, nous devons avouer que le récit d'Ibn Batoutah ne s'accorde pas toujours, pour la filiation des princes qu'il cite, ni pour l'époque qu'il semble leur assigner, avec le récit des auteurs plus récents, compulsés par Deguignes et C. d'Ohsson, ni avec celui plus détaillé de Khondémîr1. Mais ces différences ont pour objet des points de détail sur lesquels les historiens persans euxmêmes ne sont pas d'accord entre eux, et dont la discussion nous entraînerait d'ailleurs trop loin.

Après avoir pris congé du sultan Thermachîrîn, Ibn Batoutah se dirigea vers la célèbre ville de Samarkand,

'Histoire des khans mongols du Turkistan et de la Transoxiane, trad. du persan par C. Defrémery. Paris, Impr. imp. 1853, in-8°, p. 93 et suiv.

qui conservait encore quelques restes de son ancienne magnificence. Il visita ensuite la ville de Termedh, traversa le Djeïhoûn ou Oxus, et entra dans le Khorâçân. Il décrit successivement les villes de Balkh et de Hérât, et consacre plusieurs pages à l'histoire du roi de cette dernière, Mo'izz eddîn Hoçaïn Curt1. Il intercale dans ce chapitre un récit assez détaillé de l'origine de la puissance des Serbédâriens, nom que se donna une troupe d'aventuriers qui, à la faveur des troubles excités dans le Khorâçân par la mort du sultan Abou Sa'ïd Béhâdur khân (7361335-1336), parvinrent à se créer une principauté indépendante, dont l'existence n'atteignit pas un demi-siècle. D'après Khondémîr, le nom des Serbédariens venait de ce que le fondateur de cette dynastie, Abd Arrezzák, voulant exciter ses compatriotes à le soutenir dans sa révolte contre le vizir du Khorâçân, leur dit ces paroles : « Un grand tumulte a pris naissance dans ce pays; si nous agissons mollement, nous serons tués: il vaut donc mille fois mieux voir avec courage nos têtes exposées sur un gibet (ser ber dár), que de périr lâchement 2. » Ibn Batoutah raconte avec quelque détail la

'Nous devons faire observer qu'Ibn Batoutah a omis de mentionner (p. 64) le règne de Chems eddîn Mohammed, frère aîné d'Albâfizh et d'Hoçain. Il est vrai que ce règne ne dura que deux mois, selon d'Herbelot et Deguignes (Histoire générale des Huns, etc. t. I, p. 416), ou dix mois, d'après Khondémîr (Habîb Assiyer, ms. de Gentil, t. III, f° 128 v°).

Voyez le chapitre du Habib Assiyer intitulé: Histoire de la domination des rois Serbédâr sur le pays de Sebzévár, chapitre dont le savant académicien de Saint-Pétersbourg M. Bernhard Dorn a récemment publié le texte, avec une traduction allemande et des notes (Die Geschichte Tabaristan's und der Serbedar nach Chondemir, 1850, grand in-4°, p. 143 et suiv.); cf. encore Sehir eddîn's

A.

bataille que Wédjîh eddîn Maç'oûd, le second des princes serbédâriens, perdit contre le roi de Hérât. Il dit que cette action eut lieu après sa sortie de l'Inde, en l'année 748 (1347), et dans la plaine de Bouchendj. Mais, d'après les historiens persans, la bataille fut livrée le 13 de séfer 743 (18 juillet 1342), à deux parasanges de Zâveh. Selon Mir Zéhîr eddîn Méra'chy, le combat dura trois jours et trois nuits; et cependant, d'après des témoins oculaires, il n'y périt que sept mille hommes'.

Ibn Batoutah partit de Hérât pour la ville de Djâm, plus connue actuellement sous le nom de Turbeti Djâmy; de là il se rendit à Thoûs et à Mechhed, la ville sainte des Chiïtes, et la capitale actuelle du Khorâçân; puis à Sarakhs, à Zâveh ou Turbeti Haïdéry et à Neïcâboûr ou Nichâpoûr, alors encore très-florissante, et dont les colléges étaient fréquentés par beaucoup d'étudiants. De Neïçâboûr, notre voyageur partit pour Besthâm, d'où il se mit en route, à ce qu'il dit, par le chemin de Hendokhîr (Andekhoûd?), pour Kondoûs et Baghlân. Mais cette partie de son itinéraire paraît fort embrouillée. Il est tout à fait improbable qu'en quittant Nichâpoûr, le voyageur, dont le dessein était de passer aux Indes, soit allé à Besthâm, située à plus de quatre-vingts

Geschichte von Tabaristan, Rujan und Masanderan, persischer Text, herausgegeben von B. Dorn; Saint-Pétersbourg, 1850, in-8°, p. 103 et suiv. jusqu'à 111.-D'Herbelot (Biblioth. orient. verbo Sarbédar) et, d'après lui, Deguignes (Hist. des Huns, t. I, p. 412), donnent une origine un peu différente à la dénomination de Serbédár.

1

Hist. de Timur Bec, par Cheref eddîn Ali, trad. de Pétis de la Croix, t. I, p. 6 et 7; Sehir eddîn's Geschichte, etc. loc. laud. Khondémîr, apud Dorn, loc. laud. p. 146 et 149; et ms. de Gentil, t. III, fol. 129 ro, lignes 1 et 2.

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