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fière du reste la valeur des récits réside peut-être moins dans leur stricte réalité historique que dans leur plasticité. C'est l'âme du fondateur du Christianisme qu'il nous importe de connaître bien plutôt que tous les realia de son histoire, son portrait bien vivant plutôt que des photographies.

S'il n'est pas possible de reconstituer une image du ministère de Jésus sans partir de l'Évangile de Marc, celui-ci ne nous fournit pas le portrait de Jésus. C'est bien plutôt dans les autres éléments de la tradition primitive que nous le trouvons, notamment dans ce recueil de Logia, je dirais plutôt dans les recueils de paroles de Jésus, dont se sont servis Matthieu et Luc et dont Matthieu, si large que l'on fasse la part de sa mise en œuvre personnelle, nous a conservé la saveur mieux qu'aucun autre. Que l'on compare les quelques échos extra-évangéliques de l'enseignement de Jésus que nous possédons, par exemple les six premiers chapitres de la Didaché et l'Épître de Jacques : incontestablement ils confirment la tonalité des paroles de Jésus dans l'Évangile de Matthieu bien plutôt que celle de Luc ou même de Marc.

On trouve donc ailleurs que dans nos évangiles synoptiques les traces de Logia Jesu. C'est cette conviction qui a inspiré les savants travaux de M. Alfred Resch sur les Agrapha. Chez tous les écrivains de l'antique littérature chrétienne il a cherché à la loupe les traces de paroles et d'épisodes de Jésus qui ne se trouvent pas dans nos évangiles ou qui ne s'y trouvent que sous des formes moins bonnes. A l'aide de ces Agrapha et d'une dissection critique des évangiles canoniques il a reconstitué, d'abord en hébreu, puis en grec un Évangile primitif, restitution hypothétique des Logia ou d'un Urevangelium de l'apôtre Matthieu. Notre évangile de Marc ne serait qu'une réduction de cet Évangile primitif, d'où l'auteur aurait éliminé la plus grande partie des paroles pour s'attacher de préférence aux récits. Notre évangile de Matthieu, prenant pour base l'œuvre de Marc, y aurait ajouté la plus grande partie de l'élément didactique de l'Évangile primitif, que Marc avait laissé de côté, ainsi que des traditions complémentaires sur l'enfance, la mort et la résurrection. Luc aurait fait un travail analogue, toutefois en prenant pour base, non pas l'ordre des récits dans Marc, mais l'ordre même de l'Evangile primitif. Il aurait utilisé aussi la fin de celui-ci dans le commencement du Livre des Actes. Enfin les Agrapha ont fourni encore à M. Resch des « membra disjecta » de l'Évangile primitif, négligés par les évangélistes.

C'est donc l'Évangile de Luc qui a servi de base à M. Resch pour la

reconstitution de l'Évangile primitif. M. Mehl, dans l'opuscule annoncé en tête de cet article, nous en donne une traduction allemande. La patience et l'érudition de M. Resch sont admirables; ses travaux sont une riche mine de renseignements de toute sorte. Le résultat, malheureusement, n'est pas en proportion de l'effort. La très grande majorité des paroles de Jésus ou d'épisodes relatifs à Jésus, que M. Resch a glanés dans l'antique littérature chrétienne, n'offrent aucune garantie d'authenticité. Il y en a à peine une douzaine à retenir et encore n'ajoutent-ils rien d'important à ce que nous fournissent les évangiles synoptiques. La solution qu'il donne au problème des synoptiques est inadmissible : Marc n'est pas un abrégé; Luc est, dans certaines parties, certainement dépendant de Marc et, de son propre aveu, il n'a pas fait une œuvre primaire, etc. Si nous entrions dans le détail, nous constaterions à chaque paragraphe combien l'hypothèse de Resch est contraire à toute vraisemblance historique.

Entre les deux extrêmes, le scepticisme exagéré des néocritiques à l'égard de la valeur historique de Marc et la foi robuste de M. Resch qui restitue un Évangile complet rédigé par l'apôtre Matthieu en l'an 37 ou 38, doit se trouver la véritable solution. Mais il faut bien avouer que, si on en possède quelques éléments essentiels, on n'a pas encore trouvé la formule complète.

A ceux de nos lecteurs qui ne peuvent pas suivre en détail ces discussions compliquées sur les écrits du Nouveau Testament, je signale avec plaisir la publication de M. W. Wrede', mentionnée en tête de cet article. C'est la reproduction d'une série de conférences prononcées au gymnase de Liegnitz et publiées par H. Weinel, dans la collection des << Lebensfragen ». Elles sont destinées au public cultivé, se distinguent par la clarté de l'exposition, l'indépendance et la modération du jugement. Je ne saurais souscrire toutes les thèses de l'auteur, notamment pas en ce qui concerne l'Épitre de Jacques, qu'il place bien à tort entre 110 à 140, tandis qu'elle doit être bien antérieure à la période d'efflorescence du gnosticisme dans la première chrétienté. Mais dans l'ensemble il y a là un exposé de la genèse des écrits du Nouveau Testament qui peut rendre de réels services aux « prosélytes de la porte » dans le domaine de la critique biblique.

JEAN RÉVILLE.

1) Depuis la publication de cet ouvrage M. Wrede est décédé.

J. C. V. Durell.

The historic Church. An Essay on the Conception of the Christian Church and its Ministry in the Sub-Apostolic Age. - Cambridge, 1906, un vol. in-12° de xxiv-328 p.

L'auteur se propose de donner une suite au travail du D' Hort, The Christian Ecclesia, paru en 1897. Par « âge sub-apostolique », il entend, en somme, le second siècle et, laissant de côté les textes enfermés dans le Nouveau Testament, il passe en revue tous les documents chrétiens qui nous restent de ce temps, depuis la Première épitre aux Corinthiens, dite de Clément Romain, jusqu'aux Canons d'Hippolyte. Il y cherche quelle conception de l'Église se sont faite leurs auteurs et quelle organisation ecclésiastique se reflète en eux. Son dessein est d'abord de donner une analyse exacte et suffisamment complète de toute cette littérature, considérée sous ce point de vue particulier; en second lieu, de dégager du détail des témoignages les principes permanents que peuvent enfermer les formes transitoires de la vie de l'Église. Dessein louable et, je me hâte de le dire, exécuté avec une conscience, un ordre, et une clarté qui ne laissent rien à désirer. Cependant le choix même des documents soulève quelques objections. N'est-il pas, par exemple, artificiel de ne pas considérer dans une étude sur l'Église du second siècle l'Apocalypse, les Epitres johanniques et le IV Évangile? La question n'est pas de savoir si on y trouverait beaucoup de renseignements, mais seulement si on pouvait les négliger entièrement. D'autre part, puisque M. D. analyse la I Cor.de Clément Romain, pourquoi ne fait-il pas état de la Prima, voire de la Secunda Petri, qui sont, comme elle, selon toute vraisemblance, des dernières années du Ier siècle? Parce qu'on les fait entrer d'ordinaire dans le cadre de l'âge apostolique? Il ne faut pas s'attacher avec trop de rigueur à ces classifications fondées sur des présomptions d'authenticité aujourd'hui généralement abandonnées. En second lieu, divers textes auxquels M. D. semble accorder pleine confiance soulèvent, eux aussi, la question d'authenticité. Passe encore d'écrire, en ce qui regarde les lettres d'Ignace, qu'on les accepte dans la recension grecque la plus courte (p. 24); mais la certitude de l'inscription d'Abercius est-elle si absolue qu'on en puisse utiliser le texte sans quelques explications préalables? Celles qui paraissent p. 164 sont vraiment insuffisantes. Et en ce qui concerne l'origine et la date des Canons d'Hippolyte, l'accord est-il donc fait

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entre M. Achelis et M. Funk? Ce dernier me paraît cependant rester sur ses positions; dans l'Appendice de sa récente édition de la Didascalia (Vol. II, p. xxvII), non seulement il refuse la paternité des Canons à Hippolyte, mais encore, point essentiel, il les rapporte à une basse époque et leur attribue une origine orientale. Si M. D. ne partage pas cette manière de voir, il convenait de s'en expliquer et de ne pas se contenter des quelques affirmations qu'on rencontre p. 264 should probably be dated about the close of the second century... Ces réserves préjudicielles formulées, il ne me reste plus guère qu'à louer la méthode de M. D. Dans chaque document, il s'efforce de marquer les renseignements qu'il renferme 1° sur les idées générales de son auteur à l'égard de l'Église et des caractères qu'il lui prête, 2° sur l'organisation ecclésiastique et le culte; 3° sur le clergé. L'abondance et la netteté des divisions se rapportant à des sommaires précis, une bonne table analytique des matières et un index, peut-être un peu court, mais substantiel, enfin des références exactes aux textes, rendent très commmode l'usage de ce petit livre. Il rendra de notables services à quiconque voudra s'orienter rapidement dans la littérature du second siècle touchant à ces questions si compliquées de vie ecclésiastique, de liturgie, de sacrements. Au premier abord, on regrette que M. D. n'ait pas adopté le plan qui consisterait à étudier dans son ensemble chacun des problèmes dont les éléments se présentent dispersés dans son analyse; mais si l'on réfléchit que son procédé offre l'avantage de nous donner pour chaque auteur un tableau général, de marquer par conséquent un état de l'Église considérée sous ses divers aspects, on peut le juger préférable, d'autant plus que l'index rend très facile l'étude d'une question prise à part.

On pourrait souhaiter plus d'insistance sur quelques idées, qui sont pour la plupart indiquées dans la conclusion, synthèse de tout l'ouvrage. Par exemple (p. 312), il est entendu que l'Église, en tant qu'institution, se présente comme un corps bien défini; elle se distingue nettement du monde et ne s'ouvre que par le baptême, qui suppose une sérieuse préparation; mais l'Église en tant que société chrétienne estelle aussi distincte du monde païen? Quels sont au juste ces chrétiens dont il est fait mention dans la lettre d'Hadrien à Servianus, si elle est authentique, comme je le crois, et exacte? Si le problème est insoluble dans l'état actuel de notre documentation, ne convenait-il pas au moins de le poser? De même il est très bon de signaler l'importance que la gnose a exercée par réflexe sur la constitution du gouvernement

ecclésiastique; mais les gnostiques étaient-ils évidemment hors de l'Église? L'orthodoxie était-elle dès lors si ferme, la regula fidei si nette et si générale, qu'il n'y eût pas d'hésitation en face d'un Marcion, d'un Basilide ou d'un Valentin, qu'ils fussent tout de suite rejetés de la communion de la véritable Église ? Nous savons que c'est le contraire qui est la vérité et il y avait là une face de la question ecclésiastique qui aurait pu être mise en lumière. Est-il donc sûr enfin qu'au 11o siècle l'enseignement des diverses églises soit le même et fondé sur la tradition apostolique partout invoquée (p. 303)? Il y aurait à dire et bien que M. D. ait marqué les différences que l'originalité de chaque auteur et les caractères propres de son milieu introduisent dans les diverses conceptions de l'Église qu'il a examinées, je doute qu'il soit allé jusqu'au bout des conséquences que ces différences supposent. Quoi qu'il en soit, je tiens à redire que ce travail, modestement intitulé essai, est d'une lecture très profitable et mérite d'être recommandé.

CH. GUIGNEBERT.

RENE PICHON.

Études sur l'histoire de la littérature
Les derniers écrivains pro-

latine dans les Gaules.

fanes. Paris, Ernest Leroux, 1906, in-8° de 1x-322 p.

Ce livre, le premier d'une série que nous promet M. Pichon, sera le bienvenu en France, particulièrement s'il doit encourager son auteur à construire une véritable histoire de la littérature chrétienne des Gaules, analogue à celle que M. Monceaux a entreprise au regard de la littérature chrétienne d'Afrique. A vrai dire, ce n'est point un ouvrage de ce genre qu'annonce le volume que nous avons sous les yeux; M. P. n'a entendu y enfermer que des Études, s'en remettant à Teuffel et à Ébert du soin d'exposer « l'histoire complète ». C'est grand dommage. Les chapitres de ce livre sont donc des essais détachés qui n'offrent entre eux d'autre lien que le rapport qui unit les écrivains dont ils traitent dans le même temps et le même pays; s'ils nous présentent évidemment des aspects assez variés de la vie gallo-romaine du ive siècle, tout de même l'unité de l'ouvrage se ressent de leur caractère de morceaux choisis. On dirait que M. P. a systématiquement accentué cet aspect d'études qu'il leur a donné en dehors de références, nombreuses, il est vrai, au texte de ses auteurs, il ne nous fournit à peu près

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