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Ignace se sait aux derniers temps où la longue patience de Dieu aura son terme et se changera en jugement. La II de Pierre et l'homélie de Clément annoncent l'incendie du monde le terrible dies irae!' Même au moment où s'accomplit l'alliance de l'Évangile et de la pensée grecque, au temps des gnostiques et des apologètes, la passion eschatologique persiste toujours. Et dans son dialogue avec Tryphon, Justin le chrétien philosophe développe sa doctrine millénariste dont Platon eut souri comme d'une fantaisie de Barbare: Il y aura une résurrection de la chair; les chrétiens se rassembleront à Jérusalem, et, pendant mille ans ils se réjouiront avec le Messie et avec les patriarches et les prophètes'.

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Le dualisme et l'attente anxieuse de la parousie devaient aboutir à un idéalisme ascétiqne. Tout en vivant et en luttant dans le monde, le chrétien se sent étranger et voyageur sur la terre. Il n'a pu trouver droit de cité dans ce siècle mauvais parmi les hommes pécheurs, alors il regarde vers le Royaume qui vient du ciel. Il n'appartient plus à ce monde, il appartient à la Jérusalem d'en haut.

Nous sommes citoyens des cieux; et c'est de là que nous attendons pour Sauveur le Seigneur Jésus-Christ, qui transformera notre corps de misère et le rendra semblable à son corps de gloire 5.

L'auteur de l'épître aux Hébreux parlant des hommes de Dieu d'autrefois les décrit comme des pèlerins errants à travers les peuples:

Ils sont morts dans la foi sans avoir reçu l'effet des promesses; ils l'ont seulement vu et salué de loin, reconnaissant qu'ils étaient étrangers et voyageurs sur la terre. Ceux qui parlent ainsi montrent bien qu'il cherchent une patrie. S'ils avaient sougé à celle dont ils étaient sortis ils auraient eu l'occasion d'y retourner, mais c'est vers une patrie meilleure qu'ils aspiraient, vers la patrie du cielo,

1) Ignace aux Ephésiens, XI.

2) II Pierre, III, 10 à 13, II Clément, XVII. 7. Conf. Jude, 5 à 7.

3) Justin Dialogue avec Tryphon, LXXX à LXXXII,

4) Galates, IV, 26.

5) Philippiens, III, 20, 21.

6) Hébreux, XI, 13 à 16,

Nous n'avons pas ici-bas de cité permanente, mais nous cherchons celle qui est à venir,

Et la première épître de Pierre ést adressée « aux élus étrangers et dispersés dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l'Asie et la Bithynie ».

Mes bien-aimés, je vous exhorte comme des étrangers et des voyageurs'....

Et cependant le chrétien n'est pas un fatigué de la vie. Son ascétisme ne consiste pas à fuir le monde. Les églises ne sont pas des conventicules de contemplatifs. L'ascétisme chrétien est une conception héroïque de la vie, il consiste dans la joyeuse indépendance de l'âme, dans un désintéressement superbe vis-àvis des choses visibles qui ne sont que pour un temps. C'est l'enthousiame du lutteur qui combat«< le beau combat de la foi ». Le chrétien regarde vers l'avenir, il tend ses efforts vers l'humanité de demain. Qu'importent dès lors les agitations du monde qui passe. Paul écrit aux Corinthiens :

Frères le temps est court, Désormais que ceux qui ont une femme soient comme s'ils n'en avaient point, ceux qui pleurent comme s'ils ne pleuraient point, ceux qui sont dans la joie comme s'ils n'étaient pas dans la joie, ceux qui achètent comme s'ils ne possédaient pas, ceux qui usent de ce monde comme s'ils n'en usaient point; car la figure de ce monde passe.

Et Hermas exhorte les fidèles à ne pas s'attacher aux biens et aux joies d'une cité étrangère, à ne pas acquérir les richesses des payens. Car ce monde ne peut nous donner le bonheur et la paix, nous ne saurions l'accepter comme notre patrie et reconnaître ses lois :

1) Hébreux, XIII, 14.

2) I Pierre, VI, 11.

3) Paul expose clairement que le but du chrétien n'est pas de sortir du monde, mais de se garder pur de toute souillure. I. Cor. V. 9 à 13. Bien que ce monde soit momentanément sous la domination de Satan, « la terre est au Seigneur avec tout ce qu'elle contient ». I Cor. X. 26. «< Tout est à vous... même le monde... et vous êtes à Christ. I Cor., III, malgré la forte tendance dualiste de la théologie johannique, Jésus dit dans la prière sacerdotale : « Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les préserver du mal », Jean, XVII, 15.

4) I Corinthiens, VII, 29 à 31.

21, 22. Et

Vous savez que vous les serviteurs de Dieu vous habitez sur une terre étrangère; votre cité est loin de cette cité. Si donc vous connaissez votre cité, la cité que vous devez un jour habiter, pourquoi achetez-vous ici des champs, des meubles somptueux, des palais, des habitations superflues? Qui fait ces acquisitions pour la cité d'ici ne songe évidemment pas à retourner dans sa propre patrie. Insensé, indécis, infortuné ! Ne vois-tu pas que tous ces biens te sont étrangers et au pouvoir d'un autre?.... Réfléchis donc, tu habites sur une terre étrangère, n'acquiers' que ce qui est nécessaire à tes besoins, et tiens-toi prêt. Et lorsque le despote de cette cité voudra t'expulser parce que tu n'obéis pas à sa loi, tu sortiras de sa ville sans dommage et le cœur plein de joie, pour aller dans ta cité et y vivre selon ta propre loi.

En attendant le monde durait et il fallait y vivre. La loi de la cité terrestre s'imposait brutalement aux messianistes. Entre l'idéal évangélique et les réalités politiques et sociales de l'ancienne société le conflit était inévitable.

« Je suis venu allumer un grand feu sur la terre, avait dit Jésus, je suis venu apporter l'épée et la division »>

(A suivre.)

1) Hermas, Sim,, I, 1 à 3, 6.

A. CAUSSE.

XIII

LES MONUMENTS « GAULOIS » DU MUSÉE DE DOLE]

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La Revue de l'Histoire des religions a publié dernièrement1 une notice de M. J. Toutain sur les curieux monuments du Musée de Dôle, décrits et reproduits par M. Feuvrier lors du IX Congrès préhistorique de France. Signalés dès 190 par M. Févret au Congres des Sociétés savantes des Départements, ils ont été alors taxés d'inauthenticité par M. Héron de Villefosse'. M. Feuvrier s'efforce de les disculper de cette accusation, mais MM. Toutain et S. Reinach ne peuvent lui donner raison, divers détails, disent-ils, étant suspects; M. Jullian hésite, et M. Espérandieu les croit l'oeuvre d'un fou de la maison d'aliénés où ils ont été trouvés. Une enquête est actuellement en cours.

Attendons-en les résultats. Mais dès maintenant, et, à ne tenir compte que des monuments eux-mêmes indépendamment de toute circonstance accessoire, on peut montrer à l'aide d'exemples plus caractéristiques que ceux de M. Feuvrier, qu'aucun motif n'est insolite, et que leur association est très naturelle. Les reliefs sont-ils inauthentiques, la valeur historique de leur ornementation n'en subsiste pas moins. Abandonnons toutefois le terme de « gaulois », qui risque. d'induire en erreur et de faire croire que ces sculptures

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4) Cf. encore Rev. des Ét. anc., 1917, p. 271.

5) Rev. arch., 1915, I, p. 344; L'Anthropologie, 1915, p. 582.

6) Rev. des Et, anc., 1918,

p. 115.

datent de l'époque de la Tène; elles sont en réalité gallo-romaines, mais répètent quelques vieux emblèmes qui furent en usage en nos pays dès l'âge du fer, et plus anciennement encore.

Les reliefs I et II ont assurément fait partie du même ensemble. Le thème, avec quelques variantes, est le même : emblème céleste qui, sur l'un, est une roue à huit rais terminés par des maillets, sur l'autre une rosace à huit pétales; coq becquetant un végétal. La tranche gauche de l'un, la tranche droite de l'autre sont ornées, ce qui indique que le relief I était placé à la gauche du spectateur, le relief II à sa droite, terminant le monument de chaque côté; les motifs sont inversés avec une rigoureuse symétrie,

Le monument III, en une autre matière, a été découvert à quelques cent mètres des précédents, et les motifs qui le couvrent ont le même sens.

Examinons chacun des éléments de cette curieuse ornementalion.

M. Feuvrier

1. La roue à huit rais terminés par des maillets. reconnait en elle l'équivalent de la roue aux multiples maillets portée par le Sucellus de Vienne (Isère), dont l'authenticité, jadis contestée, est actuellement admise sans restriction'. On peut signaler encore un barillet analogue de Vienne, qui a appartenu à une statuette de la même divinité. Cette répétition de l'emblème sacré, pour en accentuer la puissance, apparait aussi sur un relief gallo-romain de Saint-Gilles, où une grande bipenne est surmontée de trois bipennes plus petites*.

Il y a cependant entre les monuments de Vienne et celui de Dôle

1) Jullian, Emblèmes conjugués, roues et maillets, Rev. des Ét. anciennes, 1918, 113-5,

2) S. Reinach, Bronzes figurés de la Gaule romaine, p. 175; Répert. de la stat., II, p. 21, 6. La statuette, dont on ignorait le sort depuis longtemps, a été récemment retrouvée; elle a fait partie de la collection Tylor à Londres, vendue en 1912. Rev. arch., 1912, II, p. 173.

3) Bronzes figurés, p. 156, no 176.

4) Sur cette répétition intensive, La monstruosité de puissance, Rev, des études grecques, 1915, p. 312 sq.

5) Espérandieu, Recueil des bas-reliefs de la Gaule romaine, I, p. 327, n° 497.

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