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donnée, il nous décrira l'installation de nos premiers parents dans le jardin d'Eden, puis viendra la chute et ses conséquences dans la famille d'Adam qui est l'origine de l'humanité.

Tout cela se tient parfaitement bien. Il n'y a pas ici deux récits différents de la création de l'homme, mais deux récits qui se complètent. L'un cite seulement historiquement la création de l'homme. l'autre la décrit en détail. Pour les critiques, c'est une affirmation qui tient du dogme qu'il y a deux récits de la création dus à deux auteurs, parce que dans le second l'ordre n'est pas le même que dans le premier. C'est d'abord une terre sur laquelle rien ne croit, puis apparaît l'homme, pour lequel Yahveh Elohim plante le jardin d'Eden, dans lequel sont réunis tous les arbres agréables à voir et bons à manger.

Il m'est impossible de me ranger à cette interprétation qui me paraît ne tenir aucun compte de la suite des idées. De ce récit, dont les différentes parties se rattachent si bien les unes aux autres, et font un tout si bien ordonné, les critiques, comme du reste de tout le livre, font un fragment sans ordre intercalé à cette place on ne sait par qui, et qui a même subi des corrections dues à un écrivain d'époque tardive.

On va nous raconter la création de l'homme. Le narrateur fait d'abord ressortir la grande différence qu'il y avait entre la terre au moment où elle surgit à la parole du Créateur, et, plus tard, quand il y eut l'homme pour la cultiver. Au commencement, il n'y avait pas même de pluie, mais dans Eden, lorsque l'homme y fut établi, il y avait ce qui était pour l'auteur de la tablette l'élément par excellence de fertilité, un fleuve qui se divisait en branches. C'est là un des traits où l'on retrouve la main de Moïse, l'homme qui connaît l'Egypte à fond. On sait que les Egyptiens considéraient la pluie comme tout à fait insuffisante pour assurer la fertilité; ils le disaient aux Grecs pour lesquels, de ce fait, ils avaient une certaine compassion. Ce qui arrose Eden, cette terre de délices par excellence, ce n'est pas la pluie, c'est un fleuve tout pareil à celui d'Egypte. Je soutiens que ce n'est pas un écrivain vivant en Judée au Ixme siècle qui aurait décrit Eden de cette manière.

Quant au récit lui-même, la plupart des versions modernes, contrairement à l'ancienne version de Genève citée par Astruc, péchent, sous prétexte de littéral, par une servilité à la grammaire telle qu'elle a été reconstituée par les savants, et qui, je n'hésite pas à le dire, dénature souvent complètement le sens. De ce qu'en hébreu il n'y a pas une forme spéciale pour exprimer une certaine idée, cela ne veut

pas dire que cette idée n'existe pas. A lire certaines traductions de l'Ecriture, ou d'autres, il semblerait que l'horizon intellectuel de ces anciens était strictement limité aux expressions que les grammairiens ont reconnues, et au sens qu'ils y ont donné. Par exemple, l'hébreu, à qui la distinction des temps est étrangère, et qui ne connaît pas celle qui paraît fondamentale entre le présent, le passé et le futur, n'a, il va sans dire, aucune forme spéciale pour le passé antérieur et le plus-que-parfait. Et, cependant, on ne peut admettre que dans un récit historique il ne soit jamais parlé d'un fait antérieur à celui dont on s'occupe, et que toutes les phrases se déroulent régulièrement au passé historique. C'est pourtant ainsi que de nombreux traducteurs rendent les textes hébreux, en particulier la version revisée anglaise. La Bible du Centenaire fait cependant grand usage du plusque-parfait, mais non aux endroits où il paraît indiqué. Il est vrai que cette simple modification dans la traduction renverse l'idée que le chapitre II n'est pas du même auteur que le premier, et n'en est pas une addition nécessaire. Il faut, à tout prix, faire ressortir l'idée critique, et les traductions seront faites en partant du principe qu'on donne comme bien établi que les deux chapitres appartiennent à deux auteurs séparés par un intervalle de plusieurs siècles.

D'après les critiques, le chapitre II est interprété ainsi : création du ciel et de la terre, avant qu'aucune végétation ne parût, puis création de l'homme façonné de la poussière, suivi de celle du jardin d'Eden embelli de tous les arbres agréables à la vue et dont les fruits étaient bons à manger, naissance de tous les animaux qui sont rassemblés dans le jardin, afin qu'Adam donne à chacun son nom. Tout cela, d'après les critiques, répond à un point de vue tout différent du premier chapitre, l'ordre n'est point le même, puisque dans l'un des récits l'homme est le dernier, le couronnement de l'œuvre des six jours; ici, il est au commencement, placé sur une terre absolument aride, et ce n'est qu'après lui que paraissent les végétaux d'abord, puis les animaux.

Le premier chapitre décrivait la création du ciel et de la terre dans leur ensemble, il en montrait les différentes phases dont la dernière était marquée par la naissance de l'être humain, duquel on nous dit d'emblée qu'il fut fait mâle et femelle. Le chapitre suivant est spécialement destiné à l'être humain, on nous dira comment il fut créé, où il fut placé, et quels furent ses premiers actes. C'est d'abord son domicile, sa résidence, qu'on nous fait connaitre, et il n'y a aucune raison pour reprendre toutes les phases de cette création. Je suppose qu'il s'agisse d'un prince ou d'un grand personnage pour lequel on

&nstruit un palais; on raconte son installation dans ce bel édifice. Pour en donner une idée, il ne sera pas nécessaire de reprendre la construction dès le début, de nous dire que le rez-de-chaussée a été construit avant le premier étage, et si l'on parle du mobilier seulement après l'arrivée de l'hôte, cela ne veut pas dire qu'il n'ait pas été fait avant et qu'il ne fût pas prêt pour son usage. C'est pourtant ainsi qu'on veut qu'ait été décrit Eden.

L'auteur revient d'abord sur la création de l'être humain, et, qu'on y fasse attention, il distingue cette création de celle des végétaux. Qu'on serre de près le texte que je cite d'après les Septante: « Au jour où Dieu créa le ciel et la terre, et toute verdure des champs avant qu'elle parut sur la terre, et toute herbe des champs avant qu'elle levat, car Dieu n'avait pas fait pleuvoir sur la terre, et il n'y avait aucun homme pour la travailler, et une source montait de la terre et arrosait toute la surface de la terre ». Ainsi la terre était prête, elle renfermait les semences, des plantes; ce qui manquait pour les faire germer, c'était Teau. Pour que la terre se couvrit de verdure, il fallait non pas simplement une source1 qui ne suffisait pas pour toute la terre; il fallait le grand fleuve dont l'eau abondante donnait au jardin sa fertilité et sa magnificence, et qui, comme le Nil, se divisait en branches.

On reconnaît bien là Moïse l'Egyptien, qui sait que de la terre la plus aride, du sable nu, la semence peut germer si elle reçoit l'eau en suffisance, et si la main de l'homme, en dirigeant cette eau dans de petits ruisseaux, fait en sorte qu'elle humecte bien toute la surface ensemencée.

Quand 1 auteur passe à l'homme, il y a une opposition évidente que nous exprimons en français par une conjonction: Mais l'homme, Yahveh le forma dans de la terre qu'il tira du sol ». L'homme ne surgit pas de la terre comme une plante, il ne suffit pas de l'eau pour faire germer une graine de laquelle il serait issu. L'homme est une euvre plastique, c'est le mot qu'emploie le grec. Il fut modelé avec de la terre, el Yahveh lui insuffla une âme vivante. Ici encore nous retrouvons l'homme qui a eu devant les yeux les sculptures des temples égyptiens, qui a vu le dieu Khnoum, celui qui est appelé le potier formant de ses doigts un être humain. Dans l'esprit de Moïse, la création de l'homme répond à une idée analogue.

Ce serait donc dans le sable, sur la terre desséchée et stérile, ou

1) La Bible du Centenaire, comme les Septante, traduit par « source », où Segond a a vapeur » et la version anglaise revisée «< mist ».

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sur le rocher nu que Yahveh aurait fait naître l'homme, l'être qui était destiné à régner sur les créatures. Combien de temps resta-t-il dans cette condition peu enviable, perdu dans un désert immense sans la moindre végétation sur laquelle il pût reposer son regard, et sans rien dont il pût faire sa nourriture? Ce n'est qu'après un délai plus ou moins prolongé qu'il entra dans le jardin d'Eden, après quoi Yahveh fit sortir de terre toute sorte d'arbres agréables à la vue et dont les fruits étaient bons à manger. Comment cette création de tous les arbres eut-elle lieu ? Il faut que l'action de Yahveh ait été soudaine, car à peine l'homme a-t-il pénétré dans le jardin qu'il y trouve des arbres portant des fruits. Il n'en est pas comme dans le premier récit, où, de même que d'autres parties de la création, les végétaux ont pour naître et se développer une période ayant soir et matin, et dont la longueur n'est pas connue quoiqu'elle soit appelée jour.

Mais cette naissance instantanée est encore plus frappante à propos des animaux. L'homme ne doit pas être seul, et aussitôt Yahveh forme avec de la terre toutes les bêtes des champs et les oiseaux des cieux que l'homme passe en revue. Cette revue ne le satisfait pas, puisqu'il faut en venir après à la création de la femme.

On voit combien cette reconstruction des critiques est incohérente et mal ordonnée. Au lieu de cette création qui se déroule avec un ordre parfait en six périodes parallèles que gouverne l'ordre de Yahveh, nous n'aurions dans le second chapitre qu'un récit où les grands trails de la naissance du monde et de l'humanité se succèdent presque à l'aventure sans qu'on puisse reconnaître aucun plan; d'abord la terre désolée qui n'a même pas d'eau en suffisance, puis l'homme, le seul être vivant, pauvre infortuné dénué de tout, établi on ne sait pourquoi au milieu de cette nature morte qui ne lui offrait pas même le nécessaire. Yahveh a pitié de lui et le place dans un jardin qui nous est peint comme une plantation d'arbres utiles et agréables, lesquels ont surgi avec une rapiditié plus grande que le ricin de Jonas. Est-ce l'Eden seul où croît de la végétation ? Qu'en est-il du reste de la terre que l'auteur ignore? car cette description purement lccale ne nous dit rien de ce qui se passe en dehors des limites du jardin.

La création des animaux est encore plus étrange. Yahveh a dit : il n'est pas bon que l'homme soit seul. Je lui ferai une aide conforme ou semblable à lui. Et aussitôt Yahveh forme toutes les bêtes des champs et tous les oiseaux des cieux, et il les fait venir vers l'homme.

Ainsi les animaux naissent, non pour peupler la terre, mais pour jecter à i tomme une compagne. Rien de ce qui n'est pas rassem blé dans le jardin n'existe, par exemple toute la faune aquatique, l'œuvre du cinquième jour. Et, chose étrange, cette création dans le jardin ne réussit pas; Yahveh, qui avait dit; faisons à l'homme une aide qui lui soit assortie, fait surgir et présente à l'homme des Lurdes de quadrupèdes et d'oiseaux parmi lesquels cette aide cherchée et voulue par Yahveh lui-même n'existe pas. Il faut que Yahveh recoure à un autre procédé, en faisant naître la compagne d'Adam d'une de ses côtes.

Peut-on attribuer à Yahveh cette erreur pour ne pas dire cette maladresse? Bien au contraire, la manière dont les faits sont présentés indique d'une manière, évidente que la création des animaux était antérieure à celle de l'homme, Yahveh avait formé avec de la terre toutes les bêtes des champs, et les avait fait venir vers l'homme..... et il ne s'était pas trouvé d'aide qui lui fût assortie. Alors Yahveh Dieu fit tomber un profond sommeil..... suit le récit de la formation d'Ève. Yahveh dit: Il n'est pas bon que l'homme soit seul, parce que dans toute cette foule d'animaux créés avant lui, et qu'il avait passés en revue, il n'avait trouvé aucun être semblable à lui. Tout ce récit n'est que le développement de ce qui est résumé dans le verset 27 du premier chapitre, où, parlant de la création de l'être humain à l'image de Dieu, l'auteur ajoute : il les créa måle et femelle. De même, nous devons traduire plus haut: Yahveh Elohim avait planté un jardin en Eden du côté de l'Orient. L'homme, le dominateur des créatures, ne devait pas être placé comme les animaux dans un endroit quelconque de cette vaste terre; au roi, Dieu avait préparé son palais, d'une beauté qui n'a jamais été égalée sur terre. Et l'on voit comment les deux premières tablettes se tiennent et se complètent, car elles ne traitent pas toutes deux le même sujet, comme nous l'indiquent les rubriques qui sont à la fin. La première est la naissance du ciel et de la terre, la seconde la naissance de l'humanité. La seconde suppose l'existence de la première et développe tout ce qui concerne l'homme, dont la création n'avait été mentionnée que d'une manière sommaire, comme celle des animaux ou des plantes. Pour faire disparaître les difficultés qu'ont soulevées les critiques, il suffit d'adopter la vieille traduction de Genève que cite Astruc tout

clarant qu'il ne s'y range pas, parce que pour lui aussi il faut qu'il y ait différence d'auteurs entre les deux récits : « Or, l'Éternel Dieu avait formé l'homme de la poudre de la terre..... aussi l'Eternel vait planté un jardin en Heden, du côté d'Orient, et il y avait mis

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