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Il est impossible, ou, du moins, je ne vois pas qu'il y ait moyen de comprendre autrement ce langage: Eve est considérée comme une émanation physique d'Adam, et non pas comme formée par le créateur d'une partie de son corps, ou comme la moitié d'un corps double divisé.

Y a-t-il là trace d'une doctrine enseignée par quelque Valentinien? Je n'en sais rien. Il me suffit de dire que dans cet extrait, qui concerne une opinion mystique des Valentiniens, on trouve exprimée incidemment, avec une clarté relative, une sorte de mythe qui rappelle celui d'Agdistis et ne paraît pas pouvoir s'expliquer différemment.

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L'extrait 2, extrêmement obscur, se meut, si l'on peut dire, dans le même ordre d'idées :

Ceux de l'école de Valentin disent que, le corps animal ayant été formé, le Logos y introduisit pendant le sommeil semen virile, quod est angelici seminis defluxio (σπέρμα ἀρρενικὸν, ὅπερ ἐστὶν ἀπορροία τοῦ ἀγγελικού).

C'est cet élément masculin et angélique qui demeura, comme nous l'avons vu, dans Adam; Ève fut formée de l'élément féminin émané de lui.

Photius a pu lire quelque chose de semblable dans les Hypotyposes et se trouver aussi embarrassé que les critiques modernes, à la lecture des fragments de Théodote, pour discerner ce qui était de Clément et ce qui était de l'écrit gnostique qu'il résumait. Mais il se peut aussi que les singulières expressions de l'extrait 21 ne soient qu'une allusion à une

avons toujours la conception d'un être primitif renfermant en lui les deux sexes (sans être double ni androgyne), et répandant en dehors les éléments féminins, qui forment (avec l'aide de la Terre Mère ?) la première femme. M. Cumont me fait observer qu'il y avait, dans le mazdéisme, une doctrine offrant quelque ressemblance avec le mythe d'Agdistis (Alberuni, Chronol., p. 107, 30, trad. Sachau). Ahriman dévore Gayomart de haut en bas; lorsqu'il en arrive au milieu du corps, duo seminis guttae in terram cadunt unde nascuntur dumi inter quos nati sunt Mêsha et Méshana. Il y a encore quelque chose d'analogue dans le Bundehesch, XV, 1 (trad. West, p, 54).

thèse exposée avec détail dans un écrit perdu, dont Clément aurait parlé plus longuement sans prendre la peine de la réfuter. De toutes façons, les expressions très énergiques de Photius ne peuvent convenir qu'à une thèse de ce genre, et non pas à l'application du mythe platonicien de l'être double au récit de la Genèse, application qui a été tentée même avant Philon et qu'il n'y avait pas lieu, semble-t-il, de qualifier d'obscène et d'impie, parce que ce roman ontologique n'est ni l'un ni l'autre, mais seulement aussi arbitraire qu'ingénieux.

S. REINACH.

MITHRA ET DUSARÈS

Au cours de son exploration archéologique de la Syrie, M. Butler a trouvé un bas-relief de Mithra tauroctone à Si (Séeia) dans le Haurån à une demie-lieue au sud-est de Kenawât, l'ancienne Kanatha 1. Ce monument est le premier de son espèce qui ait été signalé dans cette région reculée. La découverte est donc importante, puisqu'elle prouve la propagation des myslères persiques dans une contrée où nous ne savions pas jusqu'ici qu'ils eussent pénétré, mais elle autorise d'autres conclusions encore, qui sont d'une portée plus considérable.

Séeia se trouvait presque exactement à la limite de la Syrie ou, pour être plus précis, de l'Auranitide et de l'Arabie. Même du temps du royaume de Judée, annexé définitivement en l'an 100, cette frontière était gardée par les troupes impériales, et ce sont certainement les soldats qui, comme le long du Danube et du Rhin, ont introduit ici le culte du dieu invincible, protecteur des armées romaines. A quelle époque s'est-il implanté dans le Haurân? On ne pourrait faire à cet égard que des conjectures, Le bas-relief publié par M. Butler est d'une exécution grossière et il est bien difficile de dater ce gauche travail d'un artiste indigène. Le temple de Doushara près duquel il a été retrouvé, est antérieur à l'année 29 de notre ère, mais il est peu vraisemblable que le mithriacisme ait pénétré dans ce coin écarté beaucoup plus tôt qu'en Italie, où il ne se répandit d'une manière appréciable qu'à l'époque des Flaviens. Quoi qu'il en soit, la découverte de Séeia établit ce fait, qu'on pouvait soupçonner mais dont on avait jusqu'ici aucune preuve, que les légions d'Orient adoraient, comme celles d'Occident, le dieu iranien de la lumière et de la victoire. Si nous n'avons pas jusqu'ici trouvé plus de traces de son culte aux confins asiatiques de l'Empire, c'est que les camps et postes qui jalonnaient le limes arabe ou syrien, n'ont pas été fouillés

1) Butler, Princeton exped. to Syria. Section A (Southern Syria), Part 6, Leiden, 1916, p. 385 ss.

comme ceux des Champs Décumates ou du vallum de Bretagne. Le bas-relief, sauf un détail étrange, est du type habituel, connu par une foule de reproductions et qui était fixé par une tradition hiératique Une plaque rectangulaire de basalte (H. 0,72; L. 0,58; Ép. 0,10) porte l'image de Mithra tauroctone avec le chien, le serpent et le scorpion. Sur le manteau du dieu, est perché le corbeau; les coins supérieurs sont occupés par les bustes du Soleil radié et de la Lune, la tête surmontée d'un croissant. A gauche, Cautès, en costume oriental, avec le bonnet phrygien', tient sa torche élevée; Cautopatès, qui devait se trouver à droite, a disparu.

La seule particularité qui distingue cette représentation sacrée, c'est que le serpent vient boire, au lieu du sang jaillissant de la bles sure du taureau immolé, la semence qui s'échappe du membre de l'animal, dont le scorpion saisit les testicules. La signification de l'acte choquant, accompli ainsi sous nos yeux, ne parait pas douteuse : Sur un bas-relief du Vatican, le sperme de la victime, frappée par Mithra, se répand en abondance sur le sol. Le serpent, on le sait, représente dans le symbolisme des mystères, la terre 3; celle-ci est donc censée absorber le liquide générateur que la bête moribonde Jaisse couler. Il y a là une allusion à quelque mythe naturaliste que nous ne connaissons pas et qui a été voilé en Occident. Selon les livres sacrés du mazdéisme, quand le Taureau primitif périt, son sperme fut porté dans la sphère de la Lune, où il fut purifié, et il produisit ensuite toutes les espèces d'animaux. Mais on trouve ailleurs une autre légende, qui rappelle quelque peu celle de la nais sance d'Agdistis en Phrygie: lorsque Gayômart, l'homme primitif, fut dévoré par Ahriman, deux gouttes de sa semence tombèrent à terre et produisirent deux arbustes, d'où naquit le premier couple humain. Suivant la cosmogonie manichéenne, c'est par un accident semblable que les archontes lubriques, enchaînés dans le ciel, font pousser du sol la végétation. Il est probable que quelque récit analogue faisait partie des traditions mithriaques et que l'humeur Non pas «< clad in armour, wearing a pointed helmet

1)

2) Mon. myst. de Mithra, t. II, mon. no 28, fig. 37.

3) Mon, myst, de Mithra, I, p. 102.

4) Ibid., I, p. 190, n. 5.

5) Ibid.

6) Cf. mes Recherches sur le Manichéisme, I, p. 60.

fécondante du taureau, en imprégnant la terre, participait à la création de notre monde.

Ce qui donne à l'heureuse trouvaille de M. Butler un intérêt tout particulier, c'est qu'elle a été faite, nous le disions, devant un petit temple de Doushara ou Dusarès, le Dionysos des Arabes 1. Ce temple contenait encore une partie de l'image du dieu, foulant aux pieds des grappes de raisin, et un visage, qui sort du milieu du fruit écrasé, personnifiait probablement le vin'. Nous savions déjà par les dédicaces et les sculptures de certains mithréums d'Occident que Bacchus, substitut du Haoma mazdéen, y avait été vénéré', et le vin, la liqueur divine qui donne l'immortalité, avait une importance si grande dans la liturgie des mystères, qu'on ne sera pas surpris de trouver, aux frontières de l'Arabie, Mithra vénéré à côté de la divinité indigène qui, croyait-on, donnait aux hommes ce breuvage sacré.

Ce rapprochement, maintenant bien établi, nous apporte l'explication des ressemblances, jusqu'ici surprenantes, qu'on peut constater entre les cultes de l'un et l'autre diéu: Dusarès, de même que Mithra, passait pour être né d'une pierre, bétyle où s'incorporait une Vierge conçue comme féconde'; de même que Mithra aussi, Dusarès élait devenu un dieu solaire, et dans la nuit du 25 décembre, à la date où l'on célébrait à Rome le Natalis Invicti', ses fidèles descendaient

1) Cf. Wellhausen. Reste Arab. Heidentums *, 1897, p. 48 ss. et mon article Dusares dans Pauly-Wissowa, Realenc.

2) Avant la publication de la Princeton expedition, M. Butler avait parlé de ce bas-relief et du temple de Doushara dans le Florilegium Melchior de Vogué (Paris, 1909, pp. 79-81). - Comparer la figure, coiffée du bonnet phrygien, qui apparaît entre les rameaux de la vigne au sommet d'un des triangles qui décorent la façade de Mshatta (Schulz et Strzygowski, Mshatta, dans Jahrb. königl. Kunstsammlungen, XXV, Berlin, 1904, pl. IX et p. 309).

3) Mon, myst de Mithra, t. I, p. 146 s.; cf. Les Mystères de Mithra, 3° édit., 1913, p. 146, n. 2; 163, 165.

292 ss.

4) Cf. Natalis Invicti dans Comptes-rendus Acad. Inser., 1911, p. 5) Cf. Pauly-Wissowa, l. c. Dans les inscriptions nabatéennes publiées par Jaussen et Savignac (Mission en Arabie, I, Paris, 1909, p. 145, no 2, p. 175), Dusarès porte les titres de a celui qui sépare le jour de la nuit » et de « seigneur du monde » (ou du temps).

6) Épiphane, qui ne s'astreint pas toujours à une exactitude rigoureuse, dit que la fête de Dusarès se célébrait à Pétra le 6 janvier, comme celle de Korè et d'Éon à Alexandrie (Adv. Haeres., LI, 22), mais il paraît avoir commis une erreur, ou du moins avoir manqué de précision, dans son désir d'opposer les

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