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l'homme qu'il avait formé. Et l'Éternel Dieu avait formé toutes bestes des champs » et ainsi de suite. Nous avons dit ce qu'il fallait penser de l'argument qu'invoque ici Astruc, « que les prétérites plus que parfaits ne sont point connus dans la langue hébraïque ».

Un autre argument qu'on a fait valoir pour établir la diversité des auteurs, c'est que la conception de la divinité est toute différente. La première nous apprend que Dieu parle, et ne nous dit rien sur sa personne. La seconde nous le montre se promenant dans le jardin. Il y a donc là un anthropomorphisme bien caractérisé qui n'existe pas dans le récit de la création, et pour accentuer encore cet anthropomorphisme, certains critiques, comme, par exemple, ceux de la Bible du Centenaire, traduisent (III. 7.) « Ils entendirent le bruit (des pas) de Yahveh Dieu qui se promenait dans le jardin à la brise du soir. » Il m'est impossible de ne pas m'élever contre cette traduction. ou plutôt contre cette interprétation de l'expression hébraïque. 11 est inutile de citer tous les passages où la voix de Yahveh veut dire Yahveh lui-même, qui n'a pas une forme visible, mais qui n'est qu'une voix faisant entendre ses commandements, laquelle doit être écoutée. Dans certains textes, la voix de Yahveh, et Yahveh, sont deux termes pris indifféremment l'un pour l'autre, ainsi au psaume XXIX v. 5. La voix de Yahveh brise les cèdres, et Yahveh brise les cèdres.. On nous dira que dans le jardin d'Eden, la voix de Yahveh se promène. Cela veut dire que la voix ne se fait pas entendre dans un endroit déterminé, mais qu'on l'entend tantôt ici, tantôt là. Le psaume XXIX v. 3, et où Segond traduit : « La voix de l'Eternel retentit sur les eaux ». Il y a en hébreu: « La voix de Yahveh est sur les eaux », ce qui ne veut pas dire que Yahveh ait une forme visible qui flotte ou qui nage. On pourrait traduire le passage de ia Genèse « qui résonnait, ou retentissait ici et là dans le jardin ». Il ne s'agit pas plus d'une promenade au sens propre que dans le passage du psaume XXXIX : « L'homme se promène comme une ombre », que d'autres traduisent comme la version anglaise revisée dans une vaine apparence ». Adam et Ève entendent seulement Yahveh. Il n'est dit nulle part qu'ils l'aient vu. Pour eux, comme pour l'auteur du psaume XXIX et pour bien d'autres, Yahveh ne se manifeste que par sa voix, il n'est qu'une voix.

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On oublie trop souvent, lorsqu'on traduit des textes anciens, surtout des textes religieux, que dans le langage primitif les mots abstraits n'existent qu'en fort petit nombre; les idées doivent toujours être exprimées par quelque chose qui tombe sous les sens, par un mot qui doit être pris au figuré. Notre langage fourmille

d'expressions de cette nature qui nous sont si familières que nous ne songeons plus à leur origine. Quand nous disons « je vais te répondre », il ne nous vient pas à l'esprit que le sens primitif d'aller, c'est marcher, avancer en faisant le mouvement physique des jambes, ce qui, certes, à ce moment-là, est bien éloigné de notre pensée. Ne connaissant pas la clef de la figure ou de la métaphore dont usent les anciens, nous traduisons par quelque chose de matériel ou de physique ce qui n'est que l'image dont on a revêtu une idée abstraite. Bien souvent nous voyons de l'anthropomorphisme ou du symbolisme là où l'on ne trouve qu'une métaphore rendant une idée abstraite. Dans l'Ancien Testament, où le langage philosophique existe à peine, on remarquera qu'une idée n'est jamais séparée de l'expression qui la fait connaître, à l'aide de laquelle cette idée est communiquée au dehors, par la personne qui l'a conçue. Qu'on prenne, par exemple, un acte de volonté. Yahveh voulut, décida, résolut que la lumière fût. Ce n'est pas un de ces mots abstraits qu'emploiera Moïse. Cette volonté est un ordre exprimé par la parole: Dieu dit... Personne n'a entendu la plupart de ces ordres, mais ils ont été exécutés après avoir été donnés. C'est pour cela que la voix joue un si grand rôle dans tout ce qui nous est dit de Yahveh. Ecouter sa voix, c'est se conformer à sa volonté, exécuter ses ordres. Dans le chapitre premier de la Genèse, la création des cieux et de la terre, il n'est question que de la voix de Yahveh, c'est Yahveh qui parle, et chaque chose nalt à son moment. Il en est exactement de même dans les chapitres qui nous décrivent la naissance de l'humanité. Yahveh est une voix qui, cette fois, parvient à l'homme lequel peut lui répondre. C'est par ce dernier point seul que les deux chapitres diffèrent. Dans le premier, Yahveh parle à l'étendue, muette et incapable de l'entendre; dans le second, il s'adresse à Adam et Eve, il leur donne ses ordres et prononce son jugement sur les coupables qui ont enfreint son commandement. La conception de la divinité est absorument la même : dans l'un et l'autre, Yahveh ne se manifeste que par sa voix.

Outre tous les détails que nous apportent les chapitres II et III sur la manière dont l'homme a été créé et sur ses premiers pas dans la vie, ces chapitres établissent cette vérité fondamentale qui est à la base de tout l'Ancien Testament, et qui deviendra celle de l'histoire d'Israël, c'est que, dès l'instant qu'il parut sur la terre, l'homme eut un Dieu unique, Yahveh, le même qu'Elohim le créateur, et c'est pourquoi dans les deux chapitres il ne sera parlé de lui que sous le nom de Yahveh Elohim.

Une autre preuve que ces deux tablettes, celle qui va du chapitre I

à II. 4, et la seconde qui comprend II. 5 à V. 1, sont intimement liées ensemble et appartiennent au même auteur, ce sont les résumés qui les déterminent l'une et l'autre. Elles sont toutes deux appelées du mot hébreu tholdoth dont nous prendrons le sens dans les LXX qui ont fait leur traduction d'après un texte plus ancien que le texte massorétique. Dans les LXX, le parallélisme est complet.

Π. 4. Αὕτη ἡ βίβλος γενέσεως οὐρανοῦ καὶ γῆς ὅτε ἐγένετο.

V. 1. Αὕτη ἡ βίβλος γενέσεως ἀνθρώπων.

Tel est le livre de la naissance du ciel et de la terre lorsqu'elle naquit; Tel est le livre de la naissance de l'humanité.

Le sens de ces deux phrases est parfaitement clair; il faut seulement les remettre à leur place. La première ne doit pas être le commencement du chapitre II-III, où il ne s'agit nullement de la création du ciel et de la terre, mais seulement de l'homme, et quant à la seconde, c'est une erreur que de vouloir en faire le titre du chapitre V. Il faut, pour cela, en donner une traduction interprétative, comme celle de la Bible du Centenaire : « Voici le livre (qui donne l'histoire) de la famille d'Adam ». Le mot hébreu tholdoth qui, sans doute, dans beaucoup de cas veut dire la postérité, la descendance, signifie ici la naissance, l'origine, la création; quand ce mot s'applique au ciel et à la terre, il est clair qu'il ne s'agit ici ni de famille, ni de postérité, ni de descendance. Le mot grec éves en rend exactement le sens. Quand nous lisons dans le Nouveau Testament (Matth. I. 1.) Bi6λog Yeviews Insou Xpics cela ne veut, certes, pas dire l'histoire de la famille, ni la descendance de Jésus-Christ, c'est le livre de la naissance ou de son origine, ce que nous appelons sa généalogie. Et plus loin, quand il est dit: To δὲ Ἰησοῦ Χριστοῦ ἡ γενέσις οὕτως ήν cela ne peut vouloir dire autre chose que : Voici comment arriva la naissance de Jésus-Christ.

C'est donc par naissance, origine, création que le mot tholdoth doit être traduit dans les deux phrases qui terminent les deux premières tablettes. Ici le grec av0pónov les hommes, les êtres humains, l'humanité, nous donne encore le sens vrai. Dans le chapitre II déjà le mot Adam « est un collectif: il doit être traduit par un pluriel, le même que dans le premier verset du premier chapitre et dans les les verbes sont tous au pluriel 1 ». Ce passage du chapitre V est formel Le jour où Dieu créa l'homme (Adam), il les créa mâle et femelle..... il leur donna le nom d'Adam. C'est donc bien le genre 1) Bible du Centenaire,

humain, l'humanité dont nous avons ici la naissance, et non la famille d'Adam.

Si nous consultons la version copte, qui suit fidèlement les Septante, nous y trouvons ces deux phrases:

II. 4.

Tel est le livre de la création du ciel et de la terre, lorsqu'elle naquit.

V. 1. Tel est le livre de la création de l'homme.

Dans les deux cas, le copte emploie pour réverts le mot création, le même que dans le premier verset du premier chapitre et dans les suivants. Au second, le nom d'Adam ne parait pas, c'est la création de l'homme,

Ainsi les deux premières tablettes se suivent et s'enchaînent dans un ordre parfaitement logique. La création des cieux et de la terre, puis celle de l'humanité. Les attribuer à deux auteurs différents corrigés ici et là par le rédacteur, c'est en méconnaître complètement le sens et la structure. Nous croyons que ce sont les deux premières tablettes apportées par Abraham, et que Moïse écrivit à nouveau, non pas pour changer le nom de la divinité, car Abraham avait été adorateur de Yahveh, mais pour enseigner que Yahveh Elohim était le Dieu de la création, et que dès son apparition sur la terre l'homme n'en avait point d'autre.

La troisième tablette commence par les mêmes mots que la seconde : « Le jour où... » elle nous reporte à un fait antérieur qui est à l'origine de tout ce qui va être développé. « Le jour où Dieu crea les hommes, il les fit à la ressemblance de Dieu. Il les créa mâle et femelle et les bénit. Il leur donna le nom d'homme (Adam) le jour où ils furent créés ». J'ai fait remarquer ailleurs que, lorsque l'auteur répète les mots : il les créa mâle et femelle, ce qui paraît aller de soi, on retrouve l'écrivain qui connaît les idées des Egyptiens, et qui sait que, pour eux, un dieu peut renaître et se rajeunir de sa propre substance, ou qu'Horus peut dire aux humains qu'ils sont une larme

de son œil.

On peut déjà constater ici ce que nous reconnaitrons aussi d'autres fois dans le cours du livre, c'est ce que tout ce qui s'écarte de la ligne droite que l'auteur s'est tracée est laissé de côté, il n'en est tenu aucun compte, cela n'a pas d'intérêt pour l'écrivain. Moïse veut arriver à Abraham, le père des Israëlites, pour cela il faut passer par Noé, qui est un descendant de Seth; aussi la postérité de Seth estelle décrite en détail, tandis que celle de Caïn ne paraît plus dans cette tablette. Et pourtant pour un historien de notre époque, elle aurait présenté un grand intérêt, car c'est dans cette postérité qu'est

née la civilisation. Caïn était agriculteur, il labourait le sol duquel il tirait des fruits, c'est là la base de toute civilsafion; la culture du sol conduit à la métallurgie qui fut la découverte de Tubal Caïn. La main qui travaille le sol a besoin de l'instrument de métal pour lui venir en aide. Voilà ce que nous apprenons en peu de mots dans la brève énumération de quelques-uns des descendants de Caïn.

Mais Moïse n'est pas un historien. Ce qui lui importe, c'est d'établir l'élection d'Israël en la personne d'Abraham; il faut qu'il aille droit au but. La troisième tablette nous amène à Noé. Je n'hésite pas à affirmer que nous en trouvons la fin dans le verset 9 du chapitre VI: voilà les tholdoth de Noé, voilà son origine, sa naissance, comme nous avons vu les tholdoth du ciel et de la terre et de l'humanité. Je considère que c'est une erreur de traduire ces mots par : « Voici la postérité de Noé » et d'y voir le titre du chapitre suivant qui va vous décrire longuement le déluge. La troisième tablette nous enseigne qui est Noé, elle nous donne toute sa généalogie à partir de Seth, et à la fin elle nous décrit brièvement ce qu'était devenue l'humanité de son temps et quelle était la place qu'il occupait au milieu d'elle. Dans l'humanité et parmi les descendants de Seth, il n'y a qu'une famille dont il y ait lieu de s'occuper, c'est celle des ancêtres de Noé. Nous verrons plus loin qu'il en est de même pour Abraham.

Je dois convenir que dans l'interprétation que je donne de ce verset « Voilà l'origine ou la naissance de Noé », je ne puis, comme dans les deux cas précédents m'appuyer sur la version des LXX ou sur la version copte. Les LXX traduisent Atx: xi yevécers Nõe Le mot yevése est un pluriel et veut dire les générations. Peuton prendre ce mot dans le sens des générations qui ont précédé, de toute cette suite de patriarches dont descend Noé ? Je n'oserais l'affirmer, mais ce qui le ferait croire, c'est qu'une variante du texte donne vez, ce qui veut dire la généalogie, l'ascendance, la race.

Il semble impossible de considérer ces mots comme étant le titre du récit du déluge, car on ne peut pas appeler postérité de Noé la simple mention de ses trois fils.

La quatrième tablette est celle du déluge. Elle commence en nous rappelant qui est Noé. Une tablette, étant un tout, doit nécessairemnt indiquer quels sont les personnages dont elle parle. C'est des six premières celle qui a le caractère babylonien le plus marqué. Elle fin't au chapitre IX par la mort de Noé.

La cinquième a pour titre (X.1): « Voici la postérité des fils de Noé ». Cette fois-ci il est hors de doute que l'hébreu tholdoth et le grec Yevices veut dire ici la postérité, les générations qui suivent les

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