Slike strani
PDF
ePub

pas dire ces professeurs d'histoire ancienne, que les critiques ont créés à leur propre image et auxquels ils ont donné des figures adaptées à leurs systèmes, ces Elohistes et ces Yahvistes dont il y a plusieurs, et le rédacteur, ce personnage si nécessaire, car il est la clef de voûte de l'édifice. Je prétends que ces auteurs imaginaires sont une catégorie d'écrivains inconnue dans l'Ancien Orient et qui est née en Grèce. En dehors des annales ou des livres historiques qui, comme nous l'avons dit, ont tous un caractère personnel et biographique et doivent avoir été écrits à une époque très rapprochée des évènements qu'ils rapportent, quel est le prophète qui ne nous dira pas de la manière la plus formelle que s'il parle ou s'il écrit, c'est qu'il en a reçu l'ordre de Yahveh? Ils nous indiquent toujours le motif · qui les fait écrire. En revanche, le Yahviste qui écrivait au 1x siècle l'histoire de la création d'Adam et une grande partie de celle d'Abraham en donnant à Dieu le nom de Yahveh, et l'Elohiste, l'auteur postérieur d'un siècle d'après lequel le nom de Yahveh ne datait que de la vocation de Moïse, pourquoi écrivaient-ils ? Qui leur en avait donné l'ordre ? Quel but se proposaient-ils quand ils rédigeaient des récits à peu près parallèles et qui différaient surtout pas le nom qu'ils donnaient à Dieu ? Prétendaient-ils agir sur leurs compatriotes en leur racontant l'histoire d'Abraham et de Joseph, et où voulaient-ils les conduire ? Autant l'on voit clairement Moïse rédigeant la charte de l'alliance de Yahveh avec Abraham et ses descendants, au moment où Israël va se constituer en nation indépendante et où il va leur promulguer les lois que Yahve lui a dictées, autant il est difficile de se représenter ces amateurs de l'antiquité reconstruisant le passé de leur peuple sur des bases qui ne sont pas les mêmes, et d'après leurs idées personnelles.

Et d'abord, où auraient-ils pris les documents nécessaires pour composer leurs livres qu'on soutient avoir été écrits en hébreu et en caractères cananéens, c'est-à-dire avec ur alphabet qui n'existait pas avant le IX siècle, ce qui en fixe la date la plus ancienne. On ne veut, à aucun prix, admettre l'existence de tablettes cunéiformes qui auraient enseigné aux Israelites leurs origines et la mission qu'ils étaient appelés à remplir. Soutenir une pareille thèse, me dit-on, c'est pour celui qui en fait l'essai proclamer lui-même son incompétence. Je demanderai alors comment l'histoire d'Abraham et celle de Joseph se sont conservées. Vous rejetez, non sans mépris, l'idée qu'il a eu des documents contemporains tout à fait semblables par le

[ocr errors]

fond et par la forme à ce qu'on écrivait au temps qu'ils décrivent mais alors que mettez-vous à la place? Je prends, pour commencer,

le Yahviste qui appartient au royaume de Juda et qui écrit au IXe siècle, par conséquent longtemps après le schisme des dix tribus. Et, d'abord, pourquoi écrivait-il, quel était son but en composant l'ouvrage qu'on lui attribue ? Ce n'était, certes, pas sur l'ordre de Yahveh, car, comme les prophètes, il n'aurait pas manqué de se nommer et de nous le dire. A qui s'adressait ce traité des origines d'Israël, qui remontait jusqu'à la création de l'homme? On peut supposer que, comme il était originaire de Jérusalem où était le temple de Yahveh, il a voulu montrer que le culte de ce dieu remontait jusqu'à la naissance de l'espèce humaine. Et, cependant, il savait que Dieu avait un autre nom, puisque, lorsque le serpent parle de lui, il l'appelle Elohim. A lire ces chapitres simplement, tels qu'ils nous ont été conservés, nous dirions même que l'auteur appellé Dieu Yahveh Elohim, du double nom, si les critiques ne nous ordonnaient pas de considérer ici Elohim comme une interpolation du rédacteur.

Yahveh est le Dieu d'Abraham, il a fait alliance avec le patriarche, c'est là l'idée dominante. L'auteur le mentionne à plusieurs reprises, quoique dans la scène mémorable où cette alliance est conclue, après la victoire d'Abraham sur les rois de Mésopotamie, on ne puisse attribuer au Yahviste que quelques lignes qui ne sont pas les plus importantes. On ne sait à qui était destiné le livre qui n'a pas l'autorité d'un livre sacré, qui n'est pas présenté par un prophète comme écrit sur l'ordre de Dieu. Il émane d'un genre d'auteur inconnu à cette époque, une sorte de philosophe qui étudie l'histoire de la religion, et qui écrit l'histoire du peuple pour établir que, dès l'origine, Yahveh a été le dieu de l'humanité. C'est un livre à tendance dû à un écrivain tout semblable à ceux de notre temps, et cela est si vrai que comme dans les discussions scientifiques de nos jours, un siècle plus tard, un écrivain du même genre, mais originaire du royaume du nord, renverse la thèse du Yahviste en déclarant que le nom de Yahveh a été révélé aux Israëlites à l'époque de Moïse et n'était pas connu auparavant. Sur quels documents s'appuyaient-ils l'un et l'autre ? Comment leur est parvenue l'histoire de cette famille? Chacun avait-il ses sources particulières, ou y avait-il un document que chacun a utilisé à sa manière, à la défense de son point de vue ? Je ne sais ce que les critiques ont découvert pour l'histoire d'Abraham, d'Isaac et de Jacob; quant à celle de Joseph, une chose est certaine, en Egypte on ne pouvait rien trouver le concernant. Après sa mort, une révolution avait eu lieu, les rois Hyksos dont un des derniers, Apophis, avait été le protecteur de Joseph, avaient été bannis et, les inscriptions nous le disent, on avait détruit tout ce qui rappelait la domination de l'étran

ger; par conséquent, s'il y avait quelques souvenirs du ministre, on les fit disparaître, d'autant plus que sa mémoire ne devait pas être l'objet de regrets.

Lors de leur composition, les récits du Yahviste et de l'Elohiste étaient-ils anonymes, et l'étaient-ils encore lorsque le rédacteur, un compilateur du Ive siècle, en a fait la Genèse, et quoiqu'il ait laissé cette opposition formelle entre l'Elohiste et le Yahviste, a réussi à donner à son livre une autorité que n'avaient pas les deux écrits dont il a fait usage? Le rédacteur est aussi une conception étrangère à l'Ancien Orient, qui se rapprocherait des savants de l'ancienne école d'Alexarıdrie, car il n'est pas impossible qu'il vécût en Egypte. Si-la Genèse est son œuvre, il en résulte que ce que j'ai appelé la charte fondamentale qui établissait l'alliance de Yahveh avec Israël et le choix d'Israël, comme peuple élu, n'a été connue d'Israël qu'à sa fin, alors que ce n'était plus qu'une nation moribonde ayant perdu son indépendance. Peut-on admettre qu'alors seulement les Hébreux soient entrés en possession de celui de leurs livres saints qui devait précéder tous les autres ?

[ocr errors]

Les résultats que nous venons de décrire, auxquels conduisent les théories modernes, et qui sont si opposés à l'esprit de l'antiquité orientale, montrent d'une manière frappante combien ce qu'on nomme la Haute Critique a dévié des principes qui doivent être la base des recherches historiques. C'est à la critique biblique par excellence que >'applique ce qu'écrivait Fustel de Coulanges, vers 1866, en parlant de l'histoire romaine 1: « Ce qu'on a appelé l'esprit critique depuis cent cinquante ans a été trop souvent une habitude de juger les faits anciens au point de vue de la probabilité, c'est-à-dire au point de vue de leur concordance avec ce que nous jugions possible ou vraisemblable. Conçu de cette façon, l'esprit critique n'était guère autre chose que le point de vue personnel et moderne substitué à la vue réelle du passé. On a ainsi appliqué à l'histoire la méthode qui convient à la philosophie; on a jugé d'après la conscience et la logique des choses qui ne s'étaient faites ni suivant la logique absolue ni suivant les habitudes de la conscience moderne ».

Il nous semble que ce jugement, prononcé par l'un des maîtres de la science historique à propos de l'histoire moderne, s'applique intégrament à la critique biblique, en tous cas aux recherches sur l'Ancien Testament, et particulièrement à la dissection de la Genèse. n'est pas le texte tel que nous le possédons que les critiques consi

Ce

1) Questions historiques, p. 409. Comment il faut lire les auteurs anciens,

dèrent, ce ne sont pas les circonstances du temps dans lequel vivaient les hommes dont on parle, ou ceux que la traduction nomme comme auteurs, qu'il y a lieu de rechercher. Ce qu'il faut établir, c'est un système conçu suivant des idées modernes, et qui n'est que le reflet des opinions personnelles de ceux qui le développent. Pour appuyer ce système, la critique n'hésitera pas à appeler à son aide soit des documents qui n'ont pas existé, soit dans le cas de la Genèse, une pléïade d'auteurs desquels on ne sait absolument rien, dont il ne subsiste aucune trace et qu'on fait naître en nombre variable au gré de celui qui refait le livre d'après ses principes. Le fait qu'on ne s'entend pas sur le nombre de ces auteurs est bien la meilleure preuve que, loin d'être de l'histoire, ce ne sont que des opinions personnelles

De cette manière, les questions sont absolument renversées. Ce n'est plus le système qui dérive du contenu du document, c'est tout le contraire. Le système est posé en principe, c'est une idée arrêtée, à laquelle il faudra que le document s'adapte; il faudra l'émonder, le tailler à la grandeur voulue, lui donner la forme qui rentre exactement dans le cadre que la critique s'est tracé. On s'appliquera › corriger le texte qui ne peut être que fautif: de là ces conjectures ou ces interpolations, le moyen si commode de se débarrasser de ce qui déplaît.

[ocr errors]

Ce n'est pas le lieu ici de traiter ce sujet, si vaste, le retour à la saine méthode historique qui me semble si bien décrite dans ces paroles de l'historien français que j'ai cité et duquel on ne saurait contester l'autorité. A la suite de ce qu'il vient de nous dire, il ajoute «L'esprit critique appliqué à l'historien, consiste, au contraire, à laisser de côté la logique absolue et les conceptions inteilectuelles du présent i consiste à prendre les textes tels qu'ils ont été écrits, au sens propre et littéral, à les interpréter le plus simplement qu'il est possible, à les admettre naïvement sans y rien mêler du nôtre. Le fond de l'esprit critique, quand il s'agit de T'histoire du passé, est de croire les anciens ».

[ocr errors]

Edouard NAVILLE.

LA CROIX EN AFRIQUE

ET DANS L'AMÉRIQUE DU SUD

Maints observateurs : préhistoriens, archéologues ethnographes, missionnaires, ont été frappés par la présence du signe de la croix chez les populations primitives et par le respect ou la valeur que ces populations semblaient lui accorder,

Les missionnaires ou les savants catholiques se sont tout particulièrement intéressés à la présence de la croix chez les sauvages. Ils y ont vu l'attestation d'un christianisme plus ou moins obscurci et, par suite, autant de témoignages en faveur d'une très ancienne évangélisation du monde. Ce sont eux qui ont été les premiers à reconnaître l'importance religieuse de ce symbole dans les civilisations primitives. Mais ce n'est guère qu'aujourd'hui et à la lumière de faits parallèles plus clairs que l'on peut tenter une explication scientifique de l'emploi de ce signe religieux'.

[ocr errors]

Afrique orientale.

[blocks in formation]

Dans le Zanguebar anglais les femmes Wa-boni, types de parfaites sauvagesses, dit M Le Roy, ont une sorte de jupe ornée de croix grecques très bien dessinées, croix de perles rouges avec bordure de perles blanches, et, chose plus singulière, elles portent également une sorte de

[ocr errors]

340

144

1) est vivement à souhaiter que les ethnographes et les explorateurs enquêtent sur ce point et tâchent de déterminer le sens des symboles primitifs en étudiant les cérémonies où ils sont utilisés et les legendes qui s'y rap

portent,

« PrejšnjaNaprej »