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éternuer l'anneau tomba de la bouche, la souris s'en empara et le porta à son roi. Celui-ci le donna aux deux héros, le chien et le chat. Les deux animaux songèrent au retour: il fut entendu que le chat se chargerait de l'auneau et en aurait le plus grand soin: il le porta dans sa bouche. Ils retraversèrent la mer comme pendant le voyage d'aller, le chien nageant et portant le chat sur son dos. Parut un corbeau, qui donna des coups de bec sur la tête du chat : celui-ci pensant à la position difficile où il se trouvait, patienta d'abord, mais finalement il se fâcha, voulut se défendre avec ses dents et laissa tomber l'anneau dans la mer. Quand les deux animaux furent arrivés au rivage, le chien demanda l'anneau, le chat fut obligé d'avouer, la tête basse, qu'il l'avait perdu. Le chien fit à son camarade les reproches les plus sanglants. L'autre proposa de faire la chasse aux homards, de même qu'ils avaient fait la chasse aux souris ce sera peut-être le moyen de retrouver l'anneau. On exécuta ce projet : les deux animaux s'établirent au rivage, et pourchassèrent les homards; ils en prirent un très gros : le Roi; il supplia les deux héros de l'épargner; il fera tout ce qu'on lui ordonnera. On lui dit de chercher et de retrouver l'anneau perdu, sous peine de voir ruiner son royaume. Le roi réunit ses sujets et les interrogea; à la fin, un petit homard vint dire qu'il savait ce que l'anneau était devenu il l'a vu au moment où il était avalé par un esturgeon. Les homards se mirent à la recherche de l'esturgeon, le trouvèrent et le poussèrent vers le rivage; le roi des homards le livra aux deux animaux, qui se jetèrent sur le poisson; le chien se mit à le dévorer en commençant par la queue; le chat, plus rusé, s'attaqua au ventre et eut bientôt fait d'en retirer l'anneau; dès qu'il l'eut entre ses dents, il se mit en marche, pour être le seul à présenter l'anneau à son maître il sera désormais le favori. Mais le chien s'aperçut de l'absence de son compagnon, devina ses intentions et courut après, en se promettant de lui faire un mauvais parti. Il rejoignit le chat; celui-ci, apeuré, sauta sur un arbre. Pendant trois jours, le chien le surveilla; finalement, les deux animaux, également affamés, firent la paix. Ils allèrent retrouver leur mattre, qui désespérait déjà de leur retour; remis en possession de l'anneau, il fit rétablir le palais etc. dans l'ancien état. Le roi se réconcilia avec son gendre et condamna sa fille au supplice: on l'attacha à la queue d'un étalon sauvage.

Dans certains contes russes (par exemple Afanasiev, no 112 a, voir aussi Aarne, p. 29, 30) et finnois (Aarne, p. 4, 5, 15 [2 fois)) le héros du conte trouve l'anneau au doigt d'un cadavre. M. Aarne (p. 39) explique ce trait par le fait « que le héros du conte reçoit souvent l'objet magique sous terre, là où l'on enterre les morts ». Cette explication paraît quelque peu forcée. Et puis, le détail d'un objet précieux trouvé sur un cadavre se trouve chez d'autres peuples, dans des récits qui n'ont rien de commun avec le conte de l'Anneau; par exemple, dans un récit d'une rédaction indienne des Contes du Trône qui nous a été conservée en persan (voir Lescallier, Le Trône enchanté, New-York, 1817, I, 3), et dans une version mongole (Ardji-Bordji) du même recueil, chez B. Jülg, Mongolische Märchen-Sammlung, Innsbrück, 1868, p. 220. Ce trait pourrait bien être fort ancien; dans le célèbre récit de Platon (République, livre II), Gygès trouve sur un cadavre l'anneau merveilleux qui rend invisible. Il arrive parfois qu'un détail archaïque s'attache à un récit auquel il est étranger: c'est ainsi que la fiction qui remonte si haut, du miroir magique se trouve en Russie dans un conte avec lequel elle n'a primitivement rien de commun (voir Revue d'Ethnographie et de Sociologie, 1910, p. 214).

III. Combinaisons de « l'Anneau» et de la « Lampe ».

Le conte de l'Anneau et celui de la Lampe se trouvent parfois combinés dans la tradition populaire; il est des cas où le récit littéraire d'Aladdin semble avoir exercé une certaine influence, d'autres où cette influence n'est pas constatable. Un conte du département de la Vienne, publié par L. Pineau, dans La Tradition, VII (1893) p. 150-152, présente la combinaison curieuse de la première partie d'Aladdin (très altéré) avec une forme populaire du conte de l'Anneau; on peut comparer, pour la deuxième partie, un conte danois du type de l'Anneau, publié par Grundtvig, et traduit dans Folk Lore Record, III, 2° partie, p. 203-213.

Dans la version bretonne de la Lampe, analysée plus haut, le récit a une suite, empruntée de même à une forme populaire de l'Anneau.

Dans un conte russe du gouvernement de Riazan, noté par Khoudiakov, analysé par Aarne, p. 29, on a une forme populaire (?) de la Lampe, combinée avec une forme certainement populaire de l'Anneau. Dans un autre conte russe, recueillie par Romanov, analysé par Aarne, p. 31, on trouve le briquet (souvenir populaire de la Lampe) combiné avec l'Anneau (forme populaire) et le thème des trois objets magiques.

Très curieux est un conte russe d'Afanasiev (éd. 1897, I, 314, n° 111), la Cassette merveilleuse : Un jeune homme entre comme apprenti chez un individu qui est sorcier (le jeune homme ne le sait pas); son maître lui ordonne de descendre dans un souterrain où se trouve une cassette merveilleuse; le jeune homme garde pour lui la cassette, qui a à son service 24 jeunes gens, qui lui bâtissent une capitale (tsarstvo). Un ennemi lui enlève sa cassette et le fait jeter dans une fosse, où l'on projette des charognes. Un grand oiseau vient enlever les charognes; le héros s'attache à l'une d'elles et l'oiseau l'emporte avec (comp. les légendes médiévales du Duc Ernst, une suite d'Huon de Bordeaux, etc.). Ainsi délivré, il trouve dans sa poche la clef de la cassette il la jette par terre; deux jeunes gens paraissent, qui lui rapportent la cassette elle-même ; il redevient Tsar.

Dans un conte suédois très singulier (Aarne, p. 60) l'ensemble du récit est le conte de la Lampe, auquel on a mêlé des détails du conte de l'Anneau.

Très curieux, malgré son état fragmentaire, est également un récit des Gallas d'Abyssinie', qui reproduit une partie du conte de l'Anneau: don d'un objet magique, en récompense d'un service rendu; mais, dans le conte galla, il est question de deux objets merveilleux, dont l'un est une lampe, à laquelle sont attachés des serviteurs.

1) R. Basset. Contes populaires d'Afrique, Paris, 1903, p. 81.

IV: Le talisman merveilleux.

Que « l'anneau merveilleux » du conte soit une forme modernisée de la « pierre merveilleuse » cintamani des Indiens', ou que ce soit seulement une imagination du même ordre, elle fait partie en tout cas d'un groupe de conceptions qui mériterait une étude plus générale, où l'on comparerait les idées mythologiques et les contes des différents peuples en ce qui concerne l'accomplissement des désirs, des souhaits, des vœux. La notion la plus primitive est probablement celle où l'accomplissement d'un ou de plusieurs vœux à formuler est accordé à l'homme par un dieu ou, plus généralement, par un être surnaturel'. Une exagération plaisante de ce thème se trouve dans le charmant conte, si répandu, de Pervonto' là, l'être surnaturel est un poisson merveilleux, qui accorde au héros la réalisation. immédiate de tout ce qu'il souhaitera. - Naturellement, ce don peut fonctionner au profit de l'être surnaturel lui-même; c'est ainsi que, dans Charles le Chauve, chanson de geste du xiv° siècle, la fée Gloriande voit se réaliser immédiatement tous ses souhaits; dans un poème du xe siècle, Huon de Bordeaux acquiert le même don, une fois qu'il est devenu roi de Féerie'.

La pierre merveilleuse, cintamani, des Indiens, est en quelque sorte le matérialisation de cette idée. Cette conception n'est

1) De cinta, penser, et mani, pierre précieuse; comp. Benfey, Pantschatantra, I, 212.

2) Exemples: l'histoire de Bacchus et de Midas, chez Ovide, Métamorphoses, XI, 90 et suiv.; le fableau les Quatre Souhaits saint Martin et récits analogues, sur lesquels on peut consulter l'étude de M. J. Bédier, Les Fabliaux, 2 édit. p. 212 et suiv.

3) Basile, I, 3. Le conte de Straparola III, 3, est une autre forme littéraire du même récit, plus ancienne, mais moins bonne; cependant, on y trouve le poisson, certainement primitif, qui est remplace chez Basile par une autre fiction. 4) Romania, XLIV, 447.

5) Esclarmonde (suite d'Huon de Bordeaux) édit. Schweigel (Ausgaben und Abhandlungen aus dem Gebiete der romanischen Philologie, fascic. LXXXIII), v. 1855 et suiv., comp. v. 1892 et suiv., 1900 et suiv.

pas exclusivement bouddhique', mais elle est fréquemment mentionnée dans les livres bouddhiques; c'est ainsi que le Dsangloun, recueil tibétain de récits bouddhiques traduits du sanscrit, contient deux récits de voyages à la recherche de la pierre merveilleuse '.

La Lampe (ou plus en général, l'objet lumineux) dans l'autre conte que nous avons considéré, a le même pouvoir que la pierre merveilleuse de l'anneau merveilleux; mais elle ne l'a pas directement, elle l'a par l'entremise d'un être surnaturel, d'un esprit qui y est attaché, qui se présente à la suite d'une certaine manipulation de celui qui détient la lampe, et se déclare prêt à exécuter les ordres donnés. Nous avons vu que ce trait d'un ou de plusieurs serviteurs attachés à l'objet magique a fini par s'attacher également à l'Anneau voir plus haut le conte grec, le conte russe. Comme nous l'avons dit, ceci semble prouver que le conte de la Lampe a été jadis plus répandu qu'il ne l'est aujourd'hui.

G. HUET.

P. S.

Cet article était déjà entre les mains de la rédaction, quand j'eus connaissance- grâce à l'obligeance de M. P. Sébillotde la première livraison de l'année 1917 (vol. XXX) du Journal of American Folk-Lore, qui contient des contes populaires canadiensfrançais notés et publiés par M. C.-M. Barbeau. On y lit sous les nos 63 et 64 (p. 102 et suiv.) deux contes du thème de l'Anneau; le second appartient, non pas au type habituel, mais à celui du récit arabe (le Fils du Pêcheur) ou plutôt à celui de Basile; on y retrouve la tête du coq, mais le sorcier est remplacé par trois fées; la femme n'y trahit pas comme dans le récit arabe et chez Basile, elle est

1) Somadeva t. II, p. 8 de la traduction anglaise de Tawney, mentionné a wishing-stone.

2) Dsanglun, oder der Weise und der Thor, St. Petersburg, 1843, chap. 30, p. 227 et chap. 33, p. 261 de la traduction de I. J. Schmidt.

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