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4. Le coq des monuments I et II a une apparence dont on ne connaît pas d'analogue dans l'art gallo-romain, dit M. S. Reinach, suivi par M. Toutain. Je n'en suis pas certain'. Et peut-on demander à cette grossière schématisation de l'animal d'avoir un style caractéristique? En revanche sa place dans l'ensemble n'a rien qui doive surprendre.

Il est souvent l'attribut du Mercure gallo romain, qui a été identifié à quelque divinité indigène de l'abondance, dont il a les attributs caractéristiques. Comme tel, si le coq becquète sur nos reliefs des épis, il tient un épi dans son bec sur une gemme' où il accompagne Mercure, lequel est d'une taille bien inférieure à lui; n'est-ce pas pour souligner que l'animal n'est pas un simple attribut du dieu humain, mais qu'il est supérieur en dignité à celui-ci, à qui il a été assimilé? On a dit qu'il a été attribué à Mercure par la piété d'adorateurs qui le voyaient donné à d'autres dieux'. Mercure s'est sans doute fusionné avec quelque dieu cosmique de l'abondance dont le coq était l'emblème, car il est parfois lui aussi un dieu lumineux.

1) Cf. Espérandieu, op. l., III, p. 197, n° 2133; V, p. 40, no 3684. — Sur le coq gaulois A. Maury, Les emblèmes de la France et le coq gaulois, 1904; Ducrocq, Le coq prétendu gaulois, Rev. génér. du droit, XXIV, 1900, p. 339 sq.; A. Carnoy, Celta-Gallus-Belga, Le Museon, 1913, XIV, nos 3-4; Blanchet, Rev. numismatique, 1903, Jullian, Hist. de la Gaule, II, p 319, note 4; le rôle du coq dans la religion gauloise est aujourd'hui attesté, et le rapprochement coq Gallus, gaulois, ne date pas de la Renaissance, mais des Romains. « Et c'est pour cela, dit M. Jullian, que je ne m'indigne plus outre mesure contre le coq de nos monnaies et l'usage du coq comme emblème de la France ». Rev. des ét. anciennes, 1900, p. 405; 1910, p. 295.

2) Montfaucon, Antiquité expliquée, I, pl. LXXI; Dict. des ant, s. v. Mercurius, p. 1819.

3) Dict. des ant., 1. c.

4) Ibid., p. 1802; Roscher, Lexikon, s. v. Mercurius, p. 2831; cf. la feuille du lotus solaire, portée sur la tête par les Hermès gréco-romains, et qu'on retrouve dans les Mercures gallo-romains, Dict. des ant., s. v. Mercurius, p. 1821, note 26; 1822, note 10. Le sens de cet emblème, souvent discuté, et parfois pris pour une plume, est aujourd'hui bien défini; cf, en dernier lieu, Indicateur d'antiquités suisses, 19.6. p. 33, note 5, réfer.; Foerster, Hermes mit Lotusblatt, Rön. Mitt., 1914, XXIV, p. 168 sq.; Rev. des ét. grecques, 1916, p. 98-9; Pagenstecher, Alexandrinische Studien, 1917, p. 47.

Par exemple, il a été identifié à Cissonius, qui doit avoir quelque parenté avec Mithra, Sol invictus 1.

Le coq accompagne sur les reliefs de Dôle I et II la roue aux maillets, et la fleur à huit pétales. Rien d'étonnant à cela, puisqu'il est lui-même attribut des dieux solaires', et parfois des dieux lunaires. Pour bien préciser son sens, sa crête porte sur le relief I une croix, signe dont il est inutile de rappeler la valeur céleste". Ce dernier détail est tout à fait dans les habitudes de l'art gaulois et de l'art gallo-romain, qui aiment à fusionner les symboles aniconiques et vivants du même être divin. Déjà, à l'époque de la Tène, la tête humaine e contourne ses cornes ou ses cheveux en S, et plus tard les figurines de terre cuite gallo-romaines montrent même procédé', ou assimilent la chevelure à des palmettes et à des étoiles'. Le bélier d'un chenet gallo-romain porte des croix à la place d'yeux, car lui-même est animal igné. Le cheval solaire, s'il pose la patte de devant sur le signe en S, tord ses membres en S, et termine ses pattes en disques, qui surmontent aussi les cornes des bovidés celtiques. Il y a là ce que l'on a pu appeler un « pléonasme graphique »". La Vénus céleste gallo-romaine a des seins constitués par des disques concentriques, parfois réunis par des croix, alors que le reste de son corps est constellé de croix, de disques, et de croissants". Ici la croix s'unit au coq de même essence, comme

1) Rev. hist. des rel., 1916, LXXIV, p. 97.

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2) M. Feuvrier cite un autel de Nimes où le coq accompagne le maillet, op. l., p. 547, no 3.

3) Cumont, Mithra, I, p. 210, etc.; sur le symbolisme du coq, cf. réf, dans mon article L'épisode d'Aceste au V• livre de l'Enéide, Rev. des ét, anciennes, 1917, p. 101 sq. Coq, attribut d'Apollon, Dict. des ant., s. v. Apollon, p. 317. 4) Gaz. arch., 1880, VI, p. 192; Dict. des Ant., s. v. Lunus, p. 1392 sq. 5) Rev. hist. des rel., 1915, LXXII, p. 39 sq.

6) Sur le sens de la tête humaine isolée, dans l'art de la Tène et des âges ultérieurs, Rev. hist. des rel., 1915, LXXII, p. 11 sq.

7) Rev. hist. des rel., 1915, LXXII, p. 31; Rev. des ét. anciennes, 1910, p. 25; Déchelette, Manuel, II, 3, p. 1511; Bertrand, La religion des Gaulois, p. 236, 243, 357, etc.

8) Rev. hist. des rel., 1915, LXXII, p. 17 sq., 19 sq.

9) Figurines d'Aphrodite gallo-romaine, Tudot, op. l., pl.; Blanchet, Mém, Soc. nat. ant. de France, 1890, 51, pl. I, 1.

10) Rev. hist. des rel., 1915, LXXII, p. 31, ex.

11) Tudot, op. l., pl.; Blanchet, op. l., pl. I, 1, 6.

le triscèle se termine par des protomés de coq Un faussaire auraiti uni avec tant de discernement ces deux emblèmes semblables, en un procédé qui, s'il en est antique, n'est guère pratiqué par les modernes ?

5. Sur le relief I, les épis de blé sont non-seulement becquetés par le coq, mais mordus par un serpent, peu distinct il est vrai sur la phographie donnée par M: Feuvrier.

Antique emblème de la puissance fécondante et de la fertilité. terrestre, le serpent est souvent associé aux végétaux, entre autres aux épis de blés'. Du reste, s'il accompagne le coq solaire et le signe aniconique de la roue aux maillets, c'est qu'il revêt souvent la même signification'. Son groupement avec l'oiseau est fréquent dans toute l'antiquité; il s'agit sans doute d'un mythe cosmique, connu pardivers peuples, qui met aux prises l'oiseau, aigle', 1) Goblet d'Alviella, Migration des symboles, p. 76, 222,

2) Harrison, Themis, p. 277 sq.

3) Ibid.; Dict. des ant., s. v. Agathodaemon, p. 131.

4) M. S. Reinach ne connaît aucun moment où le serpent est associé au maillet, Bronzes figurés, p. 197; sur une monnaie des Baléares, un dieu phénicien brandit un martea u, et il est accompagné du serpent. Perrot, Hist. Art, III, p. 417, fig. 287.

5) Oldham, The Sun and the Serpent, 1905; cf. Rev. hist. des rel., 1905, 52, p. 147. Ce sens explique sa fusion, en un assemblage monstrueux, avec d'autres types solaires, le serpent à tête de lion, souvent radié (Delatte, Etudes sur la magie grecque, Musée belge, 1914, p. 69; Eisier, Wellenmantel und Himmelszelt, II, p. 436, note 1, 510; Bulletin de Correspondance hellenique, 1913, p. 262); le serpent à tête de bélier, qu'aime l'art gallo-romain (Renel, Les religions de la Gaule avant le christianisme, p. 244; Déchelette, Rev. arch., 1898, 33, p. 260; 1884, 4, P. 293 sq., 301 sq.).

5) Thème commun à divers pays, Goblet d'Alviella, Migration des symboles, p. 23; on peut en suivre l'histoire de la Chaldée jusque dans l'art gréco-romain, Lenormant, Les origines de l'histoire (2), II, p. 228; id., Nouvelle galerie mythologique, p. 28 sq.; Chantepie de la Saussaye, Manuel d'hist. des rel., p. 137, 166; Lagrange, Études sur les religions sémitiques (2), p. 389; en Grèce, où, dit Bréal, ce serait le souvenir du combat de Zeus contre son ennemi en forme de dragon (Mélanges de mythologie et de linguistique, p. 68) ou plutôt la lutte de l'aigle solaire (sur ce sens, Rev. hist, des rel., 1915, LXXII, p. 114 sq.), contre le serpent chthonien; Rev. hist. des rel., 1896, XXXIV, p. 358; 1910, 61, p. 135, 159, 140; Festschrift f. O. Benndorf, p. 292, note; Fouilles de Delphes, V, p. 43; Weinreich, Antike Heilungswunder, p. 163, 166; Rev. arch., 1895, 27, p. 301; dans la mythologie védique, de Gubernatis, Mythologie zoologique, trad. Regnaud, II, 1874, p. 192; au Mexique, où le thème symbolise

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cigogne, avec le serpent', lequel lutte aussi, jusque dans les croyances modernes, avec le cerf3. Nous connaissons d'autres monuments antiques où le serpent s'associe au coq, comme sur le relief de Dôle I, en particulier des gemmes gnostiques où un être humain, à tête de coq et à jambes dé serpent, est un dieu solaire‘. On mentionnera aussi les innombrables croyances et monuments antiques et modernes, qui mettent le serpent en relation symbolique. avec l'œufs, et, au moyen âge, font naître le basilic, le cocatrix, d'un œuf de coq'.

la lutte du ciel et de l'eau, Réville, Les religions du Mexique, de l'Amérique centrale et du Pérou, p. 29; Capitan-Lorin, Le travail en Amérique avant et après Colomb, 1914, p. 99; L'Anthropologie, 1913, 24, p. 110, référ. Le thème persiste jusque dans la poésie du moyen åge, et Dante symbolise par la lutte de l'aigle et du serpent celle des anges et des démons, Purgat., VIII.

1) Weinreich, Antike Heilungswunder, p. 163; Rev. arch., 1902, 40, p. 380 sq.; 1913, I, p. 303 sq.; de Gubernatis, Mythologie zoologique, II, p. 275 sq.; en Égypte, ibis luttant contre les serpents ailés, Sourdille, Hérodote et la religion de l'Egypte, p. 222; amulette de Carthage, cf. L'Anthropologie, 1907, 18, p. 297, fig. 30; motif fréquent dans l'art gréco-romain, ex. vase de la Villa Hadriana, Gusman, La villa impériale de Tibur, p. 253, fig. ; le mythe persiste au moyen âge, Langlois, La connaissance de la nature et du monde au moyen age, p. 376; Franklin, Vie privée d'autrefois, Les animaux, p. 150 (cigognes friandes des ceufs de serpents).

2) Cf. encore sur l'antagonisme de l'oiseau et du serpent, qu'on retrouve partout; relief africain, serpent fascinant et dévorant un oiseau, Rev. arch., 1895, 27, p. 299, 300, fig. (sens symbolique).

3) Rev. hist. des rel., 1916, LXXIV, p. 105-6.

4) Delatte, Études sur la magie grecque, Musée belge, 1914, p. 27 sq., no 2, Abraxas.

5) L'œuf dans lequel Alexandre d'Abonotichos avait caché le serpent, son dieu; œuf et serpent, sur les sarcophages, Rev. des ét. grecques, 1913, p. 416; Journal des Savants, 1915, p. 87, etc. Dans un conte russe, l'œuf qui détruit un sortilège, par lequel la princesse a été changée en serpent, Mélusine, IX, 1898-9, p. 18; en Extrême-Orient, de Milloué, Catal. du Musée Guimet, I, 1883; cf. Rev. d'Anthropologie, 1886, 15, p. 530; mound de l'Amérique du Nord, serpent avalant un œuf, L'Anthropologie, 1897-8, p. 699; 1898, IX, p. 633, etc,

6) Sur l'œuf de serpent, Chauvet, Ovum Anguinum, Rev. arch., 1900, I, p. 281 sq.; Mélusine, XI, 1912, p. 391 sq.; Renel, Les religions de la Gaule avant le christianisme, p. 353; Sebillot, Les Légendes et superstitions des métiers (Bûcherons), p. 7; Rev. hist des rel., IX, 1884, l'œuf de coq: 96 sq.; p. Sébillot, Le folklore de France, III, p. 231 sq., 258, 268; Mélusine, V, 1890-1, p. 19 sq.; Rev. arch., 1853, IX, p. 466 sq.

Le monument II, peut-être un autel votif ou funéraire, est orné sur une face d'un cœur renversé, sur l'autre, d'une croix aux branches bouletées; le dessus du monolithe porte deux boules en ronde bosse, légèrement aplaties. Ici encore, l'explication historique est possible.

6. Le cœur est pour la plupart des peuples le résumé, l'abrégé de la personne et de toutes ses qualités; il est source de force et de vie, qu'elle soit humaine ou végétale. De là ces nombreux rites où intervient cet organe; ces sacrifices où l'on arrache le cœur de la victime pour l'offrir aux dieux'; où l'on mange le cœur, pour s'en assimiler les vertus. De là son union avec le végétal. Dans un conte égyptien, le mort avale un cœur en forme de graine, et ressuscite'. Sur un cylindre babylonien, le cœur donne naissance à une plante, que broutent deux chèvres, prototype des motifs analogues de l'ornementation ultérieure, gallo-romaine' puis chrétienne, où le végétal, la vigne, s'enroulent parfois en apparence de cœur. Il forme même les pétales de la rosace solaire', à qui il est fréquemment associé, car lui aussi, nous le verrons, est un élément igné. Dans le culte catholique où la fête du cœur divin de Marie et de Jésus se répand dès le XVIIe siècle, ce cœur mystique est environné de flammes, et il est source de vie. C'est pourquoi le cœur est une amulette très fréquente', dès les temps les plus anciens: on la

1) Réville, Les religions de l'Amérique centrale, du Mexique et du Pérou, p. 50.

2) En Égypte, l'officiant qui sacrifiait le bœuf ou l'antilope, en apportait le cœur au dieu disant : « Je t'ai apporté le cœur de ton ennemi ». Naville, La religion des anciens Egyptiens, p. 252; le cœur de la victime humaine était arraché dans le sacrifice mexicain, Réville, op. l., p. 50; Capitan, Comptesrendus Ac. Inser. et Belles-Lettres, 1910, p. 116 sq.

3) Maspero, Les contes populaires de l'Egypte ancienne (3), 1905, p. 15; cf. Rev. hist. des rel., 1906, 53, p. 316.

4) Cf. Rev. hist. des rel., 1912, 65, p. 214, référ.

5) Végétaux stylisés en forme de cœur, fragments gallo-romains, Espérandieu, op. I., II, p. 451, no 1691; II, p. 200, no 1214 (accompagnés de deux colombes). 6) Dieulafoy, Comptes-rendus Acat. Inser. et Belies-Lettres, 1912, p. 40. 7) Espérandieu, op. l., I, p. 456, no 769.

8) Rev. hist. des rel., LXXIII, 1916, p. 103-4. 9) Rev. hist. des rel., 1905, 51, p. 21,

note.

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