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une fois créés, il n'appartient plus au pouvoir central de modifier les conditions de leur existence sans le consentement des populations intéressées.

Quelle que soit, en effet, l'origine de la constitution d'une colonie autonome qu'elle ait été formellement octroyée par le Parlement impérial, comme en Australie, ou qu'elle consiste simplement dans la tolérance de certaines pratiques parlementaires, comme dans les provinces du Canada, le gouvernement anglais reconnaît aujourd'hui que l'octroi de l'autonomie est une concession irrévocable et que les constitutions coloniales doivent être considérées comme intangibles de la part de l'autorité impériale (1). Bien plus, dans beaucoup de colonies autonomes, le droit de reviser la Constitution appartient à la législature locale, qui est donc libre d'étendre ses propres pouvoirs, sous la réserve de la sanction royale (2).

Mais, ce qui caractérise plus nettement encore les colonies autonomes et ce qui constitue leur véritable originalité, c'est que leur organisation politique est la reproduction exacte du système gouvernemental de l'Angleterre.

En théorie, un gouvernement colonial autonome n'est pas un délégué du gouvernement impérial: il est « le gouvernement de Sa Majesté britannique pour telle ou telle partie de ses territoires >> (3).

(1) Cela résulte très clairement d'une récente dépêche de M. Chamberlain, par laquelle celui-ci refusa de proposer au Parlement impérial de suspendre la Constitution de la colonie du Cap, à la suite de la révolte qui y avait éclaté au cours de la guerrə boer.

D'après les principes énoncés dans cette dépêche, le gouvernement impérial ne se reconnaît le droit de proposer la suspension du régime autonome que dans le cas où la suprématie de la Couronne britannique serait compromise ou bien à la demande des représentants élus de la colonie intéressée. (Livre bleu, 1902, C. D. 1162).

(2) V. JENKYNS, pp. 73 et s., et Todd, 27 et s.

(3) Par exemple, l'article 11 de la Constitution fédérale du Canada s'exprime ainsi il y aura.... un Conseil dénommé le Conseil privé de la Reine pour le Canada ». Voir aussi TARRING, p. 67.

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Sans doute, ce n'est plus là qu'une fiction,qui est contredite aujourd'hui par l'omnipotence du Parlement anglais. En effet, lorsqu'un Gouverneur colonial, pour résister à ses ministres responsables, invoque l'ordre du Roi, il s'agit non pas de la volonté personnelle du souverain, mais de l'autorité royale, telle qu'elle est exercée par le cabinet britannique, qui tient ses pouvoirs des électeurs du Royaume-Uni.

En réalité, le gouvernement d'une colonie autonome est donc subordonné, dans une certaine mesure, à la volonté du peuple anglais, mais il n'en reste pas moins vrai que la conception d'un gouvernement théoriquement égal en droit au gouvernement impérial, bien qu'il lui soit subordonné en fait, est à la base même de l'organisation politique des colonies autonomes qui jouissent donc de pouvoirs moins étendus, mais d'une nature analogue à ceux appartenant à l'autorité impériale (1).

Enfin, il convient de ne pas oublier que la majorité des habitants des colonies autonomes ne sont ni des vaincus, ui même des descendants de vaincus qu'une race étrangère aurait privés de droit de se gouverner librement; ce sont des Anglais, dont les droits ne sont pas moins respectables que ceux de leurs compatriotes de la mère-patrie et loin d'être considérés comme des « sujets », ils jouissent donc de tous les droits afférents à la qualité de citoyen britannique.

De l'ensemble de ces considérations se dégage donc cette notion, que les colonies autonomes ne doivent pas être considérées comme des possessions que l'Angleterre maintient sous sa domination impériale: il apparaît clairement, au contraire, qu'elles constituent de véritables.

(1) Voir sur les origines de cette conception un article de M. Parsons dans le Journal of the Royal colonial institute de juin 1903.

extensions de la patrie britannique, puisque l'on retrouve chez elles les mêmes éléments politiques, sociaux et ethniques que dans la métropole.

IV.

Comment sont nées ces trois formes de gouvernement dont nous venons de décrire les caractères principaux ?

Au début de son expansion coloniale l'Angleterre, comme toutes les autres nations modernes, traita ses colonies comme des « possessions » dont elle devait tirer des avantages matériels directs et les exploita dans un intérêt égoïste, en leur appliquant le système dit colonial ou mercantile; mais à la différence des autres puissances colonisatrices, au point de vue politique, elle les considéra comme des « extensions » de la métropole et accorda donc aux établissements que ses citoyens avaient fondés en Amérique des institutions représentatives calquées sur celles de la mère-patrie, ainsi qu'une large indépendance politique et administrative en tout ce qui ne touchait pas à la réglementation du commerce extérieur.

Ce système de compression fiscale et de liberté politique aboutit à la Révolution américaine et, à la suite de cette catastrophe, craignant de perdre ses autres colonies, l'Angleterre adopta une politique inverse et se mit à exercer sur les affaires intérieures des colonies qu'elle avait conservées ou qu'elle venait d'acquérir, le contrôle le plus restrictif, tandis qu'elle s'efforçait de leur faire paraitre ce joug moins lourd en relâchant sensiblement la rigueur des règlements commerciaux de manière à favoriser leur prospérité matérielle.

Ce système demeure en vigueur jusque vers le milieu

du XIXe siècle, mais, à ce moment, une série ininterrompue de conflits entre le pouvoir exécutif (représentant la métropole) et le pouvoir législatif (représentant les colons) ayant abouti au Canada à une révolte ouverte, que les haines de races rendaient particulièrement dangereuses, l'Angleterre accorde à ses colonies de l'Amérique du Nord le régime du gouvernement parlementaire (1840). A la faveur du progrès des idées libérales et de l'adoption du libre échange, cette innovation ne tarda pas à se généraliser.

Dans la Nouvelle-Galles du Sud, le développement des éléments libres de la population permit de mettre fin, en 1842, au régime administratif et de créer, en 1855, un gouvernement autonome et à mesure que les autres colonies de l'Australie et de l'Afrique se développèrent, elles furent à leur tour dotées d'abord d'institutions représentatives, puis d'un gouvernement parlementaire. Telle est l'évolution accomplie avant la fin du XIXe siècle par la plupart des colonies de peuplement acquises postérieurement à la Révolution américaine et c'est ainsi qu'il se fait que presque toutes ont passé par les trois formes de gouvernement que nous avons décrites, prenant d'abord la forme d'une colonie de la Couronne », où la métropole exerce le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, puis celle d'une colonie représentative » où la métropole n'exerce que le pouvoir exécutif et enfin celle d'une « colonie autonome » où la métropole n'exerce plus ni le pouvoir législatif ni le pouvoir exécutif.

Sans doute, cette évolution ne se fit pas simultanément, ni avec la même rapidité dans toutes les colonies.

Au contraire, loin de découler d'une idée préconçue, elle s'est faite sous l'action de circonstances particulières à chaque colonie et selon les nécessités de situations tou

jours diverses. Mais partout et toujours elle s'est faite dans le même ordre et c'est là ce qui lui assure le caractère d'une véritable loi générale.

Est-ce à dire que cette Loi ait eu un caractère absolu et n'ait jamais subi d'exceptions? Nullement, et si l'on n'avait pas tant abusé des comparaisons physiologiques dans l'étude des sciences sociales, l'on pourrait dire que dans l'évolution des colonies anglaises vers des formes de gouvernement plus complexes, il y a eu, comme dans tout organisme vivant, des survivances et des régressions.

Là où des circonstances spéciales, telle que la faiblesse de la population blanche ou la présence parmi elle d'un nombreux élément hostile à l'Angleterre, n'ont pas permis de poursuivre cette évolution jusqu'à son terme final, l'une ou l'autre des formes premières de gouvernement a pu être maintenue en vigueur jusqu'aujourd'hui et c'est pourquoi il subsiste encore dans l'empire britannique de nombreuses colonies non autonomes.

De même quelques rares communautés, qui avaient été dotées d'organismes trop complexes, ont fait un retour en arrière, vers des formes de gouvernement plus simples (1).

Mais ce ne sont là que des exceptions et, dans l'ensemble, les différentes phases du développement constitutionnel se sont succédées jusqu'ici dans toutes les colonies de peuplement avec une régularité telle, que cette période d'évolutions, qui fut au début inconsciente et purement expérimentale, est devenue une méthode consacrée, dont

(1) Dans les quatre îles des Antilles ainsi qu'au Honduras, les colons européens s'étant montrés incapables d'assurer le fonctionnement régulier des institutions représentatives qui leur avaient été octroyées anciennement, celles-ci furent supprimées par le gouvernement impérial à la demande des législatures locales et remplacées par une organisation administrative, qui gouverne ces colonies directement au nom de la Couronne (1866-1869).

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