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Bethel parut devant lui, et dit : « Je suis Bethel, le dieu de cette place, et je serai ton allié et ton protecteur désormais... » Jacob dit : « Certes, Bethel réside en cette place, et je ne le savais pas ! »

Et cela est suffisant. Jacob a conquis le dieu; maître du nom divin et de l'oracle, propriétaire du domaine sacré, il est l'ancêtre de qui les gens de la caste sacerdotale du lieu tiennent leurs droits. Il est extrêmement probable que le drame héroïque de la fondation était organisé de même en d'autres places dont la légende, tout à fait détruite, n'est plus attestée que par le fait même de la fondation, à quoi l'on arrive à référer, par chance, quelque allusion, quelque vieux nom préservé dans l'enveloppe d'une histoire voisine.

(A suivre)

Raymond WEIll.

REVUE DES LIVRES

ANALYSES ET COMPTES RENDUS

Pau! LEIDECKER.

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Débris de Mythes cananéens dans les neuf premiers chapitres de la « Genèse ». Étude de mythologie orientale. Un vol. in-8o de 111 pages. - Neuchatel, Delachaux et Niestlée 1921.

Cette étude d'un ancien élève de l'Ecole des Hautes Études a été accueillie comme thèse par l'Université de Genève; c'est dire que l'ouvrage est solidement établi. Le sujet est d'un puissant intérêt, mais il ne va pas sans soulever de grosses difficultés. M. Leidecker ne prétend pas les résoudre toutes; mais pénétré, à la lecture des neuf premiers chapitres de la Genèse, du rôle qu'y joue la Terre-mère, il a développé son idée et l'a étayée par des comparaisons tirées des littératures voisines, en particulier de la littérature grecque. Il cite souvent Jules Girard et s'élève contre l'opinion de ce dernier qui réservait aux poètes épiques grecs le privilège d'avoir conçu le drame grandiose de la nature.

Nous croyons fondé l'essentiel de la thèse de l'auteur, à savoir que la Terre était divinisée dans la mythologie cananéenne, qu'elle était très probablement adorée dans les sanctuaires de l'époque néolithique et que les Cananéens, après s'être emparés de la Palestine adoptèrent la religion des anciens habitants du pays. Il eut fallu toutefois marquer la profonde différence des manifestations

cultuelles.

Cependant, il n'y a pas que cette notion cananéenne dans les neuf premiers chapitres de la Genèse et il faut convenir aussi que les arguments, dont use M. L. pour développer sa thèse, n'ont pas tous

la même valeur. Le commentaire de Gen., II, 7 (p. 55 et suiv.) est typique. L'auteur se contente d'affirmer que la Terre est le «< statuaire divin >> et qu'elle « fit Adam poussière », ce qui est insuffisant et, à notre avis, erroné. Les cupules des pierres levées de Gezer seraient des ouvertures permettant à la divinité, vivant dans la pierre, de contempler la cérémonie du sacrifice (p. 17).

Une erreur ancienne, qu'on espérait définitivement abandonnée, considère Adam comme androgyne d'après Gen., I, 27. Mais c'est une erreur encore plus grave de ne pas dissocier le chap. I du chap. II, d'admettre que celui-ci complète celui-là et de conclure que la création de la femme n'est que l'annulation du caractère androgyne de l'homme : « Les dieux renoncent à tirer un être de la matière brute. Est-ce aveu d'impuissance ? C'est possible. Il est plus vraisemblable qu'ils se bornent à perfectionner le premier type humain, les androgynes, race difficilement viable. »

Cette étude de mythologie orientale révèle chez l'auteur de très sérieuses qualités, mais elle pèche par manque de composition, aussi parce que l'auteur ne soumet pas ses propres idées à une critique assez sévère et que son imagination nous fait trop souvent perdre pied. Il plie tout, les textes au besoin, à deux idées principales, celle de la Terre-mère qu'il retrouve partout, et celle des pratiques sodomiques. A ce point de vue, l'étude du chap. Ix de la Genèse conduit à des résultats invraisemblables. Certes ce chap. IX est riche en « débris de mythes cananéens »>1, mais ce ne sont pas ceux que l'auteur y a trouvés. Il eut été bon d'étudier de près les textes invoqués, comme par exemple le texte punique où il est fait mention de Hawwat divinité chthonienne (on ne nous dit pas où le trouver), car on en tire des conséquences lointaines : « Cette déesse est mère du genre humain. Or, comme les hommes ont été tirés du sol, nous identifions Eve avec la terre, en hébreu Adamah. Hawwa est donc un de ses appellatifs : elle est Eve en tant que créatrice des êtres animés, en tant que mère d'Adam et des races des autres âges » (p. 74). Noé aussi est considéré comme fils de la terre parce que ish ha-adama (Gen., IX, 20.)

1. Nous avons tenté cette recherche dans Cham et Canaan, in Revue de l'Hist. des Rel., 1909, I, p. 221-230.

Ces quelques exemples suffisent à montrer que le travail de M. Leidecker, estimable en bien des parties, n'est qu'une esquisse que l'auteur aura intérêt à reprendre en la soumettant à une refonte complète, en comblant de nombreuses lacunes (il aura grand profit à lire le Folk-Lore dans l'Ancien Testament de sir James Frazer) et en s'imposant quelques sérieux sacrifices,

René DUSSaud.

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Joseph PLESSIS. Étude sur les textes concernant Ishtar-Astarté. Recherches sur sa nature et son culte dans le monde sémitique et dans la Bible. Un vol. in-8° de IV et 301 pages. Paris, Geuthner, 1921.

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Cette monographie groupe la documentation en textes cunéiformes, arabes du Sud, éthiopiens, phéniciens, araméens et bibliques qui visent la grande déesse sémitique. C'est là un travail considérable, fort bien mené et auquel on ne peut faire qu'un reproche c'est d'être lithographié et d'une lecture fort pénible pour les yeux. Nous ne doutons pas qu'une nouvelle édition vienne corriger bientôt ce défaut et nous donne un beau volume imprimé.

M. Plessis définit très justement le caractère fondamental d'IshtarAstarté comme présidant à la fécondité dans le monde et comme protectrice des humains jusque dans la tombe. Cette qualité de protectrice lui impose une allure guerrière. Elle revêt aussi un caractère astral et s'identifie généralement avec la planète Vénus1. Le caractère lascif qu'elle a pris, son rôle de « courtisane des dieux », sont fonctions d'une civilisation très raffinée et d'une vie trop facile qui remontent en Chaldée à une haute époque. L'évolution de la déesse-mère en déesse d'amour, « beauté sans voiles et sans réserve », se constate nettement à Chypre au cours de deux à trois millénaires 2. Heureusement pour les civilisations orientales, la lutte contre

1. Pour être secondaire, ce caractère est très ancien. Il est excessif de dire, p. 266 que les Cananéens et les Phéniciens ne paraissent guère s'être préoccupés des mondes célestes, sauf peut-être à une période très tardive. »

2. C'est ce que nous avons essayé de montrer dans L'Aphrodite chypriote, Revue de l'Hist. des Rel., 1916, I, p. 245-258.

certaines pratiques déprimantes du culte de la déesse fut vigoureusement menée bien avant que parurent les prophètes d'Israël. Aucun de ces derniers n'a trouvé des accents aussi prenants et n'a aussi habilement usé des croyances populaires (métamorphoses) que l'auteur de Gilgamesh VI. A côté de cette description des méfaits de l'amour-passion tracée par un grand poète, le Proverbe VII n'est plus qu'une anecdote. C'est de ce point de vue, croyons-nous, qu'il eut fallu marquer l'importance de ce morceau dans l'épopée babylonienne1. Il nous révèle une réaction morale qui n'a pas été sans portée puisque dans le code d'Hammourabi, par exemple, Ishtar ne fait nullement figure de divinité voluptueuse.

L'étymologie du nom d'Ishtar-Astarté résiste toujours aux explications les plus ingénieuses. N'est-ce pas là une preuve que ce nom est fort ancien, que ce culte plonge dans une antiquité que nos textes n'atteignent pas ? M. Plessis montre que le vocable n'est pas sumérien; il appartient au fonds commun des peuples sémitiques.

En Babylonie, ce sont les rois d'Agadé, notamment Sargon et Narainsin, qui ont le plus contribué à développer le culte d'Ishtar. Des renseignements sommaires que l'on possède, on peut conclure que la déesse possédait déjà ses caractères essentiels. La prédominance des éléments sémitiques que marque l'avènement du premier empire babylonien correspond à un développement considérable du culte d'Ishtar qui supplante complètement celui de la déesse sumérienne Innina. « Les Sémites de l'époque de Hammurabi, probablement déjà ceux de l'époque précédente, trouvant dans la déesse sumérienne Innina des caractères et des attributs qui étaient ceux mêmes de leur propre déesse, complétaient la physionomie de celle-ci par des traits empruntés à l'autre. » L'une et l'autre sont dames de la bataille et du combat, maîtresses du monde, dames du ciel et de la terre, dames des oracles, filles de Sin et prennent pour symbole le disque stellaire. Cette harmonisation, ce syncrétisme se rencontrent tout au long de l'histoire d'Ishtar; les distinctions locales ne sont possibles que lorsque nous sommes particulièrement renrenseignés sur le culte de la localité. C'est ainsi, par exemple, que

1. L'auteur, p. 80, n'y voit qu'un « récit gaillard.

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