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milieux dévots, où il ne se trouve point, où il est prohibé, et où on lira M. Brémond, on ignorera toujours l'estime et l'affection que François et Jeanne portèrent jusqu'à leur mort à la mère Angélique. Ce sont là des procédés trop conformes à la manière orthodoxe.

De tels personnages méritent qu'on mette en belle lumière leurs relations. On peut faire la même observation sur les rapports de sainte Jeanne de Chantal avec l'abbé de Saint-Cyran, qui ne sont indiqués que par un seul mot, un beau mot, il est vrai (IV, p. 40): << Pour les femmes, les plus sérieuses, les plus héroïques seules, une Mère Angélique, une Chantal, se rendent à lui d'abord. >>

La suite de l'histoire janseniste est encore moins satisfaisante. M. Brémond écrit, à propos du bienheureux Jean Eudes:

« Vivant, le parti (janséniste) l'a diminué par tous les moyens; mort, ils auraient difficilement permis que justice lui fût rendue. Ne l'oublions pas, leur impitoyable censure, d'ailleurs si bien organisée, a veillé, pendant plus de deux siècles, sur les avenues de notre histoire religieuse. Ils avaient leur Inquisition, leur Index, et leurs Veuillots. A peine commençons-nous aujourd'hui à réviser librement les décisions innombrables de nos pères (III, p. 584.) »

A propos des historiens jansénistes, M. Brémond écrit aussi :

«Ils n'ont dit què ce qu'il leur a plu de nous dire ; nous savons pertinemment que les restrictions mentales leur sont familières et qu'ils excellent dans l'art d'arranger l'histoire (IV, p. 407). »

Les jansénistes ont assurément eu un esprit de parti, mais, quand on les compare à leurs adversaires, sont-ils le plus à blâmer? Si justice n'a pas été rendue plus tôt à certaines personnalités et sociétés religieuses du XVIIe siècle, la faute en est moins aux jansénistes qu'aux rivaux de ces sociétés, les jésuites, et qu'aux plus acharnés ennemis des jansénistes, les ultramontains du XIXe siècle, spécialement les bénédictins de Solesmes et, comme le dit lui-même M. Brémond, les « Veuillots ». Dom Gueranger entrait en frénésie quand il traitait, dans ses conférences, de Bérulle, d'Olier et de toute cette école française dont le troisième volume de M. Brémond chante la gloire.

M. Brémond croit se justifier de toute partialité en écrivant : «< Tel de leurs adversaires me paraît aussi pea sympathique que le pire janséniste. N'ai-je pas dit, en termes exprès, qu'il y avait des Arnauld dans les deux camps? » (IV, p. 317).- Oui, mais comme il ne nonime que les Arnauld du seul camp janséniste, et c'est sans

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aucun doute très prudent, il semble précisément user d'une cour toisie extraordinaire pour ceux de l'autre camp, dont il tait les noms. Enfin, il faudrait savoir si Antoine Arnauld dont M. Brémond fait un bouc émissaire, mérite vraiment ce rôle. Son réquisitoire contre ce «< mitrailleur théologique » ne m'a pas convaincu, — même en distinguant théologie et religion.

Un autre grand personnage de Port-Royal, l'abbé de Saint-Cyran, est traité aussi durement, mais, ce me semble, avec plus de justesse: « mégalomanie morbide, ataxie intellectuelle et morale, ces deux infirmités s'impliquant et s'intensifiant l'une l'autre » (IV, p. 66). L'auteur s'exprime avec beaucoup moins de netteté sur le compte de M. Olier, qui fut incontestablement plus névrosé, et sur le compte du P. Surin, qui fut fou pendant une vingtaine d'années. Il se montre plus impartial en ajoutant : « Comme génie, il (Saint-Cyran) n'était peut-être pas inférieur à ses insignes contemporains, à Pierre de Bérulle, au P. de Condren, à M. Olier » (IV, p. 175). Certes, SaintCyran avait autant de « génie » qu'eux, et il avait, plus qu'eux, le sentiment de la réalité. Il comprenait fort bien que Rome ne favoriserait pas une réforme religieuse et il ne le disait pas à tout le monde. Mais, en le laissant cependant trop entendre à quelquesuns, il s'est compromis, et il a perdu droit aux expressions courtoises que prodiguent à ses « insignes contemporains » les écrivains orthodoxes.

M. Brémond exprime sur les origines du jansénisme une opinion qui me semble bien particulière : « Très volontiers, dit-il, j'attribuerai la naissance du jansénisme à une sorte de génération spontanée » (IV, p. 317). Y a-t-il, en histoire, des générations spontanées ? Pour moi, très volontiers j'attribuerais le jansénisme à l'esprit conservateur. Comme d'autres « hérétiques », très respectables et aussi bornés, les Novatiens, par exemple, dans l'antiquité, et de nos jours, les membres de la Petite Église, ils furent victimes de leur fidélité au passé. Élevés dans l'augustinisme et le vieil idéal d'une religion austère, ils n'acceptèrent point certaines innovations molinistes et autres. Si on les eût laissés tranquilles, ils se seraient probablement éteints sans bruit, submergés par les générations nouvelles. On ne pouvait craindre sérieusement que les idées et les façons de Port-Royal fussent contagieuses. M. Brémond

semble bien d'ailleurs reconnaître lui-même que la croisade antijanséniste a été menée avec une maladresse insigne. C'est un aveu gros de conséquences pour la revision de certains procès historiques. De fait, l'auteur montre, quoiqu'indirectement, l'injustice de la manière dont les écrivains molinistes et ultramontains ont traité un certain nombre de prétendus jansénistes: Angélique, Agnès, Marie-Claire, l'évêque Henri-Arnauld, le P. Abel de Sainte-Marthe, etc. Il proteste contre les ineptes accusations relatives aux mœurs de Port-Royal. Mais, si (pour ses coreligionnaires) il réhabilite plusieurs personnalités prétendues jansénistes et même, au point de vue des mœurs, tout Port-Royal, il n'entend nullement excuser le jansénisme. Il l'exècre. Qu'a-t-il donc tant à lui reprocher? Voici :

« Le jansénisme nous a fait, indirectement et dès ses débuts, un mal dont nous souffrons encore aujourd'hui... Il a tari pour longtemps la sève mystique de notre pays, en développant, en éternisant chez nous cet intellectualisme sectaire, auquel notre tempérament national répugne si peu (IV, p. 305). »

Ennemi des jansénistes, l'auteur est naturellement plein de tendresse envers les jésuites. Il tait ou pallie leurs excès de zèle et d'esprit de corps. Obligé de raconter leurs intrigues contre le cardinal de Bérulle et l'Oratoire, il est bien obligé de dire que les jésuites ont commencé, mais il reproche au cardinal de s'être défendu et il n'éclaire pas le sujet en rappelant que l'histoire de la Compagnie de Jésus présente un nombre impressionnant d'intrigues analogues.

La valeur et l'intérêt de l'ouvrage consiste moins, à mon avis, dans la solidité de son récit que dans la manière dont il l'éclaire et le vivifie. Fin psychologue, il fait revivre ses héros. Il ressuscite leurs passions et leurs tempéraments (du moins autant que le permet le régime de l'imprimatur). Naturellement, il traite avec des égards particuliers les personnages que l'Église a mis ou pourrait mettre sur les autels; mais, dans ce cas même, il pousse ses analyses probablement aussi loin que possible, comme semble le prouver ce qui lui est arrivé au sujet de l'insigne névropathe que fut M. Olier. C'est probablement parce qu'il est gêné dans ses entournures qu'on peut, au point de vue psychologique, regretter sa trop grande réserve sur trois points :

On en

1o Les amours mystiques (honni soit qui mal y pense!) rencontre un très beau cas dans la tendre correspondance de saint

François de Sales et de sainte Jeanne de Chantal. M. Brémond n'y fait pas la moindre allusion, même pas pour renvoyer dans une discrète note bibliographique aux apologistes qui en ont traité, pas même pour conclure, comme il l'a fait ailleurs : « Pour trouver matière à scandale dans cette intimité divinement pure, il faudrait avoir la bassesse du pire imbécile, le cœur d'un démon. »

2o Les maternités spirituelles. — C'est, nous assure le très orthodoxe Mgr Farges 1, l'aboutissement d'un certain phénomène qu'on appelle le mariage spirituel. M. Olier eut une « mère spirituelle » en Marie Rousseau. M. Brémond n'imprime pas même une seule fois le nom de cette sainte et curieuse femme. Peut-être est-ce l'un des points qui ont motivé l'intervention de la Compagnie de Saint-Sulpice. 3o La scatophagie. Dans son beau livre, Psychologie des mystiques catholiques orthodoxes (page 77), un écrivain catholique, M. le vicomte Maxime de Montmorand, assure que « les ascètes chrétiens sont presque tous des scatophages ». Or M. Brémond ne fait que quatre allusions à ce phénomène (tomes V et VI). Il passe même complètement sous silence le cas le plus célèbre exposé dans l'autobiographie de sainte Marguerite-Marie Alacoque.

Encore une fois, toutes ces critiques ne m'empêchent aucunement de considérer cet ouvrage comme un répertoire extrêmement précieux et M. Brémond comme le meilleur guide qui soit actuellement pour initier aux idées et aux milieux dans lesquels ont vécu les saints et les justes du XVIIe siècle. Quoiqu'elle même conçue dans un esprit hagiographique et apologétique, son histoire corrige ou complète l'hagiographie de cette époque, laquelle, d'ailleurs, jusqu'à présent, a été particulièrement misérable.

1. Cf. R. H. R., tome LXXXIV, 1921, p. 162.

Albert HOUTIN.

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Editrice Cultura Moderna, 1922, in-8, 307 pages; prix: 15 lires.

-Teoria generale della Religione come esperienza. Saggio.- Rome. La Speranza, 1922, in-8, 188 pages; prix : 6 lires 50.

-L'Evangelio.

6 lires 50.

Florence, Valecchi, 1922, in-8, 126 p.; prix :

I. Convaincu que la théologie chrétienne, fondée par saint Paul, a ses origines dans la mythologie orphique, M. Macchioro se livre à des recherches historiques et archéologiques sur l'orphisme. On en voit l'importance: c'est la solution du problème fondamental du christianisme positif. Jugeant l'orphisme et l'héraclitisme deux aspects divers de la même et unique impulsion qui se réalise, dans le premier cas, en religion, et, dans le second, en philosophie, il recherche ce qu'il y a d'héraclitisme dans les théories de Noët, telles qu'elles ont été réfutées par le presbytre romain saint Hippolyte. Cet intrépide réfutateur de toutes les hérésies de son temps (qui s'efforçait de montrer qu'elles étaient toutes au fond un travestissement des anciennes doctrines philosophiques) reproche à Noët de s'inspirer du «< discours théologique » d'Héraclite. Pour M. Macchioro, le << discours théologique » exprimait les doctrines fondamentales de l'orphisme : l'âme est emprisonnée dans le corps; la mort la délivre de cette impureté, tout comme le mystère délivre l'homme de l'impureté titanique ; l'âme revit dans la mort tout comme l'homme revit dans le mystère. Héraclite, comme tous les mystiques, avait une doctrine nettement antiintellectualiste; pour lui la connaissance n'était pas une activité de l'esprit, mais une intuition ou une extase. Le mystère était extase et connaissance. « La connaissance, d'après Héraclite, était un fait divinatoire, extatique, mystique, irrationnel, qui se produisait tel que le pensaient les mystiques de la Renaissance. En affirmant que seul connaît l'origine des choses celui qui s'unit à Dieu, Paracelse dit ce que soutient Héraclite quand il fonde la connaissance sur la communion avec la raison divine. « A Noët, comme à nous, le tragique philosophe d'Ephèse était apparu sous son véritable aspect : un prophète incompris de la pensée chrétienne. »

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