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bution personnelle du savant professeur pour élucider quelquesuns des problèmes les plus délicats posés par l'histoire des origines du christianisme. Dans ce domaine, avancer une opinion nouvelle c'est avoir au préalable examiné les hypothèses antérieures et parcouru en tous sens le vaste champ où s'exerce la critique. L'indépendance ne se montre pas uniquement dans la hardiesse des aperçus nouveaux, mais aussi dans l'aveu de l'incertitude et dans la régression, imposée par des motifs purement critiques, vers des positions qui, aux partisans de l'hypercritique, peuvent apparaître trop modérées. Telle est l'indépendance de M. Maurice Goguel; elle fait de lui un guide expérimenté et sûr. Il ne cède jamais à l'attraction de l'hypothèse aventureuse; mais lorsque ses études lui ont permis de frayer un chemin nouveau il ne redoute pas de s'engager à fond. Cette loyauté intellectuelle lui a conféré une autorité scientifique solidement établie. Et la complète maîtrise qu'il possède des multiples questions néo-testamentaires lui permet, dans un travail de vulgarisation comme celui qu'il offre aujourd'hui au public, de ramasser en un vigoureux raccourci les éléments d'ensemble d'une question sur laquelle l'unanimité est loin d'être établie.

Cette Introduction vient à son heure. On sait le renouvellement d'intérêt que suscitent, dans le public intellectuel, les questions relatives aux origines du christianisme. La fréquentation des cours de M. Guignebert, à la Sorbonne, en est une preuve visible. Mais pour s'orienter dans ce champ si labouré et poursuivre personnellement l'étude d'un point spécial, une solide base de départ est nécessaire. On doit savoir gré à notre auteur d'avoir songé au public érudit. Ce n'est pas sans sacrifice qu'un spécialiste se fait vulgarisateur. Mais il n'y a de véritable vulgarisation que là où le savant peut intervenir en faisant le départ entre l'essentiel et l'accessoire et présenter les questions sobrement et sans mutilation. Au surplus, la part personnelle prise par M. Maurice Goguel dans l'élucidation des problèmes posés, l'analyse littéraire et la discrimination des sources est considérable. L'auteur ne laisse jamais dans l'ombre le juge très averti qu'il est, et les hypothèses qu'il propose sont toujours appuyées par les plus sérieuses raisons. L'œuvre de Maurice Goguel, venant après les Introductions de langue française de Godet et de l'abbé Jacquier, ne pourra être suspectée, comme celles-ci, de confession

nalisme. Cette innovation, il nous faut donc la saluer avec une vive gratitude.

Il n'y a pas, dans le Nouveau Testament, de livre plus intéressant à étudier que le livre des Actes. Sa valeur documentaire très mélangée n'empêche pas qu'il ne soit l'une des bases les plus essentielles sur lesquelles repose l'histoire du christianisme ancien. Il comprend, à côté d'éléments nettement inférieurs, des matériaux qui remontent au delà de l'époque de la composition du livre, entre autres les fragments d'un document où les missions de Paul étaient racontées par un collaborateur de l'apôtre, et, dans quelquesuns des discours rapportés, les éléments de couches rédactionnelles primitives. La complexité du problème ne permet pas de porter sur la valeur historique du livre un jugement simple. Et de plus, le livre, dans son ensemble, constitue un type littéraire nouveau « qui, sur quelques points sans doute, se rapproche des formes antérieures, mais qui n'en reste pas moins quelque chose d'original. »>

Après avoir relevé les témoignages de la tradition (pp. 15-36), M. Maurice Goguel résume l'histoire de la critique du livre des Actes. Il observe judicieusement que « l'idée que l'on se fait du livre, des circonstances de sa composition et de sa valeur historique, reflète directement la manière dont on se représente tout le développement du christianisme primitif. » En divisant l'histoire de la critique en quatre périodes l'auteur réussit à sérier en de larges groupes les divers aspects du problème.

Après une période de tâtonnements qui va jusqu'en 1841, la question est posée sur le terrain critique par le théologien bernois Schneckenburger dont les suggestions sont reprises et développées par l'école de Tubingue. Ed. Zeller voyait dans les Actes un écrit tendancieux d'un disciple de Paul s'efforçant de réaliser une synthèse entre le paulinisme et le judéo-christianisme, hypothèse reprise, avec des divergences de détail, par l'école en général, et mise au point par Overbeck (1870) et, plus tard par Jülicher (1894). Les Actes seraient non une histoire, puisque le développement d'épisodes historiques tels que la mission chrétienne ou les biographies de Pierre et de Paul ne répond qu'en partie à la réalité, mais l'apologie d'un pagano-christianisme dénaturé, plus proche du judéo-christianisme légaliste que du paulinisme, projection naïve dans le passé de la situation qui

existait au moment où vivait l'auteur. Le point de vue de l'école de Tubingue fut vigoureusement attaqué; parmi les adversaires de marque il faut citer en première place Reuss et Sabatier.

Il était déjà apparu à l'école de Tubingue que le problème des Actes était avant tout un problème d'ordre littéraire. C'est sur ce terrain que se placent B. Weiss et surtout Spitta, suivi par J. Weiss et Jüngst. En gros, les Actes auraient été constitués par la combinaison de deux sources en partie parallèles : l'une, suite du 3e évangile aurait fourni les discours et les fragments nous; l'autre, de moindre valeur historique, aurait amalgamé des éléments populaires légendaires. Malheureusement, la part de l'élément subjectif est trop considérable dans ces essais de reconstitution, même quand ils sont proposés par des savants de la valeur de Harnack, pour ramener à une conception d'ensemble les résultats de tous ces travaux. Et la question, telle qu'on la posait sur le seul terrain littéraire, se trouvait être mútilée, l'enquête devant porter, ainsi que l'a tenté J. Weiss, à la fois sur le caractère littéraire et sur la valeur historique du récit.

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Parmi les travaux récents sur les Actes, il faut mentionner les études de Harnack qui marquent un retour vers les idées traditionnelles, de Schwartz et de Wellhausen, de Norden, etc. Ce dernier, par une minutieuse analyse du prologue, établit que nous possédons pas le livre des Actes sous sa forme originale et que le livre, ainsi envisagé, n'est pas sans rapports avec la tradition héllénique. Loisy, qui se rapproche de Norden, distingue entre Luc, auteur d'un récit de grande valeur historique mais dont il ne reste que des débris, et le rédacteur qui a remanié et gravement mutilé cette œuvre pour des motifs apologétiques.

Le chap. III est consacré à la question du double texte des Actes. On sait que les Actes nous sont parvenus sous deux formes assez différentes pour que des critiques, comme Blass, aient pu penser à deux recensions d'un même texte : un texte dit occidental représenté principalement par le codex Bezae, qui serait la rédaction faite à Rome par Luc; un texte dit oriental dont témoignent le Sinaïticus et le Vaticanus entre autres, et qui serait la rédaction primitive, corrigée, émondée et envoyée par Luc à Théophile. L'hypothèse de Blass adoptée par Nestle, Zahn, Conybeare, a été

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rejetée par Bousset, B. Weiss, Harnack, von Soden, etc., auxquels se joint Maurice Goguel, après un examen de nombreux textes (p. 73104).

Dans un quatrième chapitre, Maurice Goguel étudie la question. des contacts littéraires de notre livre avec le 3o évangile, les épîtres de Paul et les écrits de Flavius Josèphe. Le livre, dans son ensemble, apparaît incontestablement comme la continuation de l'évangile de Luc, en dépit de différences assez notables, par exemple les deux récits de l'ascension. L'harmonie qu'on relève entre les Actes et les épîtres, ne provient pas nécessairement de l'utilisation des épîtres, car l'auteur des Actes dispose de sources excellentes pour la biographie de Paul; et si le témoignage des Actes, confirmé en général par les épîtres, est indépendant comme le prouve Maurice Goguel par l'examen de divers épisodes de I Thess. I et II Cor., Gal. Rom., on ne saurait trop en exalter la valeur. Les rapports que l'on a cru remarquer entre l'auteur des Actes et Flavius Josèphe et qui ont fait penser à l'exploitation par Luc des œuvres de l'historien juif (Krenkel) s'expliquent pour Maurice Goguel par une relation indirecte. Josèphe et Luc auraient utilisé une source commune : une histoire d'Hérode.

L'étude serrée qu'ont fait du vocabulaire de Luc Hawkins, Harnack et Hobart et qui amène ces critiques à établir l'identité d'auteur pour le troisième évangile et le livre des Actes et la pro fession médicale de cet auteur, ne permet pas, selon M. G., de déterminer à elle seule si l'unité que présente l'œuvre de Luc tient à l'unité de sa composition ou bien à l'habileté du rédacteur qui aurait remanié ses sources. De même, les seules considérations lexicographiques ne sauraient établir que Luc ait été médecin (pp. 130-146).

Pour apprécier l'œuvre de l'auteur des Actes, il faut tenir compte du caractère général du livre et de sa disposition d'ensemble. On peut artificiellement diviser le livre en deux parties: la première qui se termine à 15, 35, loin de constituer un récit homogène, présente un état de combinaison désordonné. La seconde partie, qui se présente sous la forme d'un récit des missions de Paul, tout en offrant plus d'unité, ne laisse pas non plus de trahir des surcharges, des mutilations, et, pour des points importants, une absence grave

de cohésion. Les parties du récit rédigées à la première personne du pluriel (16, 10-17; 20, 5-15; 21, 1-18; 27, 1-28, 16) constituent évidemment le témoignage d'un témoin oculaire. Fragments d'une narration plus étendue, ils sont cependant étroitement unis au contexte. Cette narration, qu'on doit se représenter comme une histoire de l'apôtre Paul et de ses missions, associait la première et la troisième personne. Il y a de cette association des exemples fréquents dans une série d'œuvres qui rappellent, par leur caractère littéraire le livre des Actes. L'élucidation du problème de la composition et de l'auteur est étroitement liée à l'examen de la nature et du caractère des traditions et des sources utilisées. A cet examen, M. Maurice Gognel consacre toute la seconde moitié de son livre, pp. 172-341. Dans cette analyse minutieuse, on retrouvera toutes les qualités déjà mises en lumière par les travaux précédents de l'auteur la clarté, l'aisance, la sûreté exégétique, le contrôle permanent exercé sur les tentations de l'hypothèse. Un système continu de notes au bas des pages permet au lecteur de se rendre compte de la manière dont les questions ont été posées et résolues par les critiques les plus autorisés.

Dans la première partie, l'état de combinaison fort complexe rend très délicate la discrimination des sources. Lorsqu'on peut discerner, comme dans l'histoire de l'église de Jérusalem (1, 3-5, 42), deux cycles de traditions, il reste encore à expurger ces sources de surcharges et de détails secondaires. Il est probable, dans ce cas, que l'auteur a utilisé non des documents écrits, mais des cycles de traditions orales plus susceptibles d'altération. Dans la section 6, 1-12, 25, qui va de l'institution du diaconat au premier voyage de Paul, on peut distinguer deux séries de récits. La première comprend les épisodes en relation directe avec l'idée dominante de l'extension de l'église (6, 1-7, 60; 8, 1-4; 11, 19-26; 11, 27-30; 12, 25); leur groupement serait l'œuvre du rédacteur des Actes. Le récit de la conversion de Paul, par exemple, organiquement indépendant, a été introduit parce que le développement du récit exigeait la mention de cet épisode. En surcharge de cette première série viennent divers récits (8, 5-40; 9, 1-30; 9, 32-11, 18; 12, 1-24) qui sont des développements rédactionnels où l'on peut discerner parfois plusieurs mains, comme dans le récit de l'évangélisation de la

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