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terre cuite qui contient les restes de sacrifices offerts par les fidèles, occupent, sur une hauteur de 2m60, quatre couches superposées et nettement différenciées. Les divers étages de monuments sont séparés les uns des autres par une area d'une épaisseur moyenne de 0m30, constituée par un conglomérat de terre et de pierrailles, parfois mêlé à des fragments pulvérisés de poteries puniques et campaniennes et recouvert à la partie supérieure par une couche d'argile. Ce sol artificiel repose sur un grossier blocage fortement tassé dans les espaces libres entre les autels et les stèles qui se trouvaient ainsi et pour toujours mis hors d'usage.

Dans la plupart des cultes1, il arrive fréquemment que les sanctuaires étant entièrement remplis par les témoignages de la piété des dévots, le besoin se fait sentir de faire de la place pour de nouveaux monuments. Mais les offrandes une fois consacrées à la divinité étaient à jamais exclues du monde profane et ne pouvaient être réutilisées. Généralement on les enfouissait dans une fosse creusée aux abords du temple2. Le sanctuaire de Salammbô présente un dispositif particulier dont, croyons-nous, il n'existe guère d'autres exemples3 : située au voisinage des ports et du quartier commerçant de la ville, et entourée d'autres sanctuaires, l'enceinte sacrée ne pouvait s'étendre au-delà de certaines limites forcément assez étroites; seul le remblayage du champ d'offrandes présentait le double avantage de le protéger contre la cupidité des marchands d'exvoto et de créer, sans qu'il fut nécessaire de chercher un terrain en dehors du temenos, une nouvelle aire sacrée.

1. Chez tous les peuples helléniques cet usage existe. Cf. Thédenat dans Dict. des Ant. gr. et rom. de Daremberg et Saglio, II, p. 1025.

2. Sur ces dépôts, cf. P. Paris, Elatée, p. 139 et suiv. Nous sommes volontiers disposés à reconnaître des dépôts de même nature dans les stèles, entassées les unes au-dessus des autres, dont la présence a été signalée à Carthage même dans la région de Dermèche (cf. Vassel, Etudes puniques, IV, p. 17). Ces « tas >> correspondraient aux « favissae » d'un sanctuaire de Tanit, celui vraisemblablement auquel se rapportait le tarif de sacrifice récemment découvert (Vassel, ibid., XIV).

3. Cependant aux portes de Sélinonte, à la Gaggera, dans le sanctuaire de Demeter Malaphoros, on a retrouvé trois couches d'ex-voto successivement remblayés. (Renseignement fourni par M. Pace; cf. pour deux de ces couches, Gabrici, Notizie degli Scavi, 1920, p. 69 et suiv.).

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A l'exception des monuments de la couche la plus profonde, les autels ou les stèles des trois autres étages sont régulièrement alignés dans une direction Nord-Sud, ordinairement pressés les uns contre les autres, la face principale regardant tantôt vers l'Est, tantôt vers l'Ouest (pl. I-II) 1. Cette double orientation s'explique par la présence dans les deux couches supérieures d'une allée2, empierrée de petits galets marins, également orientée Nord-Sud et vers laquelle sont tournés les ex-voto.

Dès l'antiquité et vraisemblablement au début de la domination romaine, la partie orientale du sanctuaire a été bouleversée par la construction d'un gros mur3. Dans les fondations dont les matériaux sont reliés par un ciment bleuté extrêmement dur, sont encastrés des autels et un débris d'image divine très mutilé : il s'agit de la partie postérieure d'un trône accosté de deux sphinx. Du sphinx ailé flanquant le siège à droite, il manque la tête et les pattes antérieures ; la queue s'enroule audessus de la cuisse. De l'autre sphinx, il ne subsiste que la patte postérieure droite et une partie de la gauche. Le revers du siège est brut.

A l'ouest de ce mur et à l'étage supérieur, on a découvert, à deux mètres cinquante au-dessous du niveau du sol actuel, des tombes de basse époque. L'une contenait un squelette d'homme, les pieds et la tête protégés par une grosse jarre formant voûte; les stèles avaient été décapitées sur une longueur de 1m60 et le corps reposait dans une sorte de caveau délimité par les monuments restés en place. L'autre renfermait le corps d'un enfant dans une sorte de caisse constituée par des pierres plates posées de champ (pl. I)3.

1. La majorité des temples sémitiques de l'Afrique du Nord sont orientés EstOuest (cf. Berger, Mém. de l'Acad. des Inscr., XXXVI, 2, p. 140).

2. Larg. 1 90 et 1m 50. L'une de ces allées est visible sur le plan; elle correspond à l'espace libre entre le premier champ d'autels et le groupe de stèles au milieu duquel se voit un tombeau de basse époque (pl. 1). Le plan du sanctuaire que nous publions correspond à l'état des travaux de déblaiement à la fin du deuxième mois des fouilles.

3. Haut. 2 m.; épaiss. 0m 70.

4. Haut. 0m 45; larg. 0m 40; épais. Om 20. En tuf coquillier.

5. Dans les déblais qui recouvraient l'étage D, à une faible profondeur et dans

L'étage A est situé à une profondeur de cinq mètres, dans une couche de terre noire et grasse toute imbibée d'eau douce1. Les urnes, dont le nombre varie de un à trois, sont placées dans un petit caveau quadrangulaire délimité par des pierres non travaillées, entassées les unes au-dessus des autres sans mortier sur quarante centimètres de hauteur et recouvertes extérieurement d'une couche de tuf jaunâtre fortement tassé. A l'intérieur du caveau, le vide entre les vases est comblé par un remplissage de petites pierres de tuf. Seul un bloc de pierre grossièrement taillé en pointe, marque l'emplacement des caissons, disposés sans plan déterminé et séparées par des intervalles variant de un à deux mètres. Dans la même couche, on a trouvé un petit autel brûle-parfums à gorge3.

L'étage B est caractérisé par la présence de cippes anépigraphes en forme d'autels décorés de représentations figurées. L'usage de dresser des pierres mal équarries comme signe de l'offrande contenue dans les poteries n'a pas encore totalement disparu. Les urnes contenant les cendres reposent directement sur l'area isolant A et B.

le voisinage immédiat du gros mur romain, on a trouvé un fragment d'ex-voto à Saturne: Satu RNO || Augusto SAC .... VRBA .... OII ..... V S... (calcaire compact gris; larg. 0m17; haut. 0m19; épaiss. 0055; haut. des lettres, lignes 1 et 2. 0m03; ligne 3 et suiv. 0m02). Cette découverte est à rapprocher de celle d'une stèle également de calcaire gris, recueillie à Salammbô, et sur laquelle figurent en relief un personnage de forme rudimentaire, les bras levés vers un croissant montant, sur le côté, un bras droit la main ouverte; au-dessus, l'inscription: T. GARGILIVS VALES | exvISO VOTVM || SOLVIT (cf. Bull. Arch. du Comité, 1917, p. CXVLII). Si d'autres trouvailles de monuments analogues venaient à se produire l'on pourrait songer à reconnaître un temple à Saturne dans l'édifice romain dont la construction a bouleversé la partie orientale de notre sanctuaire. Il serait fort curieux qu'à l'époque romaine le lieu où aux côtés de Tanit était vénéré Baal-Hammon ait été consacré à Saturne. Nous aurions là un exemple de survivance assez peu compatible avec les idées généralement admises au sujet de la destruction de Carthage.

1. Le long du littoral carthaginois on trouve l'eau douce dans les profondeurs du sol (cf. Gsell, op. cit., II p. 83). La roche en place apparaît dans le partie occidentale de la fouille.

2. Sur la coutume de dresser des pierres à l'intérieur des sanctuaires puniques, cf. Gsell, op. cit., IV, p. 372.

3. Haut. 0-16; larg. au sommet 0m11; brisé à la base.

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