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REVUE DES LIVRES

ANALYSES ET COMPTES RENDUS

Sir J.-C. FRAZER. The Belief in Immortality and the worship of the dead. Vol. II. The Belief among the Polynesians. Macmillan, 1922, London.

Le titre que Sir James Frazer donne à ses ouvrages ne nous renseigne généralement que très imparfaitement sur la richesse de leur contenu.

Il en est ainsi pour ce nouveau volume, où M. Frazer ne se borne point à décrire avec son érudition et sa précision coutumières les croyances eschatologiques des Polynésiens, mais où il donne, en fait, une revue complète des principales croyances des Néo-Zélandais, des indigènes de Tonga, de Samoa, de Tahiti, des îles Hervey, des îles Marquises et d'Hawai.

Il serait impossible de résumer ici ces abondantes recherches; l'œuvre de M. Frazer est entièrement analytique, il y résume toute la littérature relative au sujet sans d'ailleurs aboutir nécessairement à une doctrine systématiqne.

En passant il retrouve cependant dans le monde du Pacifique de nouvelles et de frappantes confirmations de quelques-unes des théories qu'il a précédemment défendues.

Il développe notamment des exemples curieux de l'importance de la notion du tabou; il empêche le Maori, qui a le malheur de toucher un corps impur, d'accomplir encore les actes les plus simples de la vie normale (p. 38 sq.) et impose des obligations particulièrement rigoureuses aux prêtres d'Hawai (p. 404); il explique pour habitants de Tonga les maladies mystérieuses dont inopinément l'un des leurs peut être atteint (p. 76 sq.) et qui ne sont que la sanction

les

succédant automatiquement à toute infraction des règles imposées par le tabou (par exemple p. 209); il enveloppe de son prestige les objets mêmes qui ont pu appartenir à des personnes sacrées et motive l'abandon dans le langage des termes consonnants avec les noms d'objets interdits (p. 253 sq.); il rend compte du caractère sacré des temples (p. 288 sq.).

Il a eu d'ailleurs cet effet essentiel et utile de consacrer la propriété privée (p. 47-48, p. 346 sq.) et l'autorité des chefs et servit, au gouvernement des îles Marquises d'instrument aisé pour prévenir les disettes, les aliments qui menaçaient de bientôt faire défaut ayant été déclarés tabou et leur consommation s'étant, par conséquent, interrompue à temps pour éviter la crise.

M. Frazer donne d'autre part des exemples nouveaux et caractéristiques de la déification des chefs, par exemple, à Samoa (p. 172 sq.) à Tahiti (p. 326) aux îles Marquises (p. 343 et 351 sq.). Il semble établi que dans ces différentes régions les dieux ne sont que des rois décédés, poursuivant après leur mort la brillante carrière qu'ils avaient inaugurée ici-bas (par exemple à Tonga, p. 88 sq., p. 98 sq. et surtout p. 145 sq.) et entourés dans l'autre monde du même respect craintif qu'on éprouvait pour eux sur terre (p. 172).

De curieux renseignements nous sont également donnés sur l'organisation politique, par exemple, sur le gouvernement de Tonga où les pouvoirs sont partagés entre un souverain civil et un souverain religieux (p. 62 sq.; cf. à Mangaia, p. 224) et sur l'origine du drame polynésien, né à l'occasion des combats fictifs célébrés aux funérailles des grands et qui rappelle étrangement les rites similaires des Egyptiens et des Grees..

L'immense érudition de Sir James Frazer aboutit ainsi de plus en plus à mettre à la disposition des historiens une véritable encyclopédie des sciences religieuses, synthèse de tous les travaux antérieurs enrichie des enquêtes nouvelles suscitées par l'initiative et dirigées par les conseils et les questionnaires de Frazer; sous ce rapport, ce nouveau volume est digne de tous ceux qui l'ont précédé et du grand savant qui en est l'auteur.

R. KREGLINGER.

W. O. E. OESTERLEY. The sacred Dance. - Cambridge University Press, 1923.

La danse, qui chez les modernes n'est généralement qu'un plaisir frivole et à laquelle, dans le meilleur des cas, on ne reconnaît d'autre caractère élevé que l'expression de sentiments esthétiques, a chez les primitifs et chez tous les peuples anciens une dignité infiniment supérieure c'est un rite essentiel de presque toutes les religions antiques. Tous les cultes primitifs ont leurs danses caractéristiques; l'art des Grecs, et notamment les peintures délicates dont ils décoraient leurs vases, attestent la faveur où la danse était tenue chez eux ; et la Bible nous conserve quelques manifestations de la danse sacrée et permet, souvent, de deviner que cette pratique eut un rôle tout à fait prédominant et s'exerçait là même où aucun texte contemporain ne la décrit avec précision.

M. Oesterley, dans l'ouvrage concis, mais plein d'intérêt, qu'il vient de publier, semble avoir poursuivi un double but: hébraïsant lui-même, connu pour ses travaux remarquables sur la littérature hébraïque post-biblique et les œuvres chrétiennes des premiers siècles, il a voulu, essentiellement, reconstituer la signification de la danse sacrée chez les Israélites; il l'a fait d'une façon méthodique et claire, partant des textes, là où il y en a, et les complétant judicieusement par l'emploi de la méthode comparative il ne recule devant aucune analogie, et rapproche les usages juifs de ceux qui sont en honneur chez les autres peuples, l'Inde, la Grèce, Rome ou même les primitifs; mais, très justement, il attache une importance supérieure aux similitudes qui se découvrent entre les rites israélites, souvent très fragmentairement connus, et ceux des peuples auxquels les Hébreux sont apparentés, les Syriens, les Arabes, et davantage encore des Juifs dans les moments ultérieurs de leur histoire, telle qu'elle nous apparaît notamment dans la littérature talmudique. Les recherches d'Oesterley présentent à cet égard, une contribution importante à la connaissance de l'antique rituel

israélite.

:

A côté de ce premier dessein, l'auteur en poursuit un autre le relevé que ce travail de comparaison l'amène à faire des principales manifestations de la danse sainte chez tous les peuples, lui

permet de dégager les traits généraux de la cérémonie et les différentes significations qu'elle à eues, non plus chez les Israélites seuls, mais dans l'ensemble des religions. Il était particulièrement intéressant d'entreprendre cette œuvre de synthèse plus le fait d'introduire la danse dans le culte est fait pour étonner nos conceptions modernes, plus les formes de la danse religieuse sont diverses et variées, et plus aussi il est utile d'entreprendre ce relevé, indispensable à l'exacte compréhension de la cérémonie, M. Oesterley distingue notamment les danses-procession en l'honneur de puissances supérieures, les danses circumambulatoires, les danses extatiques, celles qui accompagnent les fêtes de la moisson, la célébration des victoires, les cérémonies matrimoniales et les rites funéraires. Toute cette étude est claire et intéressante; elle manque un peu de profondeur, et c'est probablement le plan même qu'Oesterley a adopté qui en est responsable: prenant, à propos de chacune des danses, son point de départ dans la religion israélite, qui est souvent celle où le rite est le moins connu, son analyse reste flottante, et n'atteint pas la précision qu'elle aurait pu avoir si l'auteur avait soumis à une étude plus approfondie, et non point seulement accessoire, les cérémonies des peuples où elles nous sont retracées par les documents les plus nombreux et les plus complets, par exemple les Grecs.

Le livre débute par un premier chapitre où, succinctement, M. Oesterley étudie la danse sainte au point de vue psychologique et s'efforce de retrouver le but que l'on poursuit en la pratiquant. C'est la partie la moins satisfaisante de l'ouvrage, et l'auteur, d'ailleurs, s'en rend compte parfaitement; il nous donne l'indication rapide des principales préoccupations que peuvent avoir en vue les exécutants de ces danses religieuses, sans remonter aux principes, sans procéder à une étude psychologique proprement dite. Le phénomène est-il, d'ailleurs, de nature vraiment psychique? Je pense qu'on serrerait la vérité de plus près en distinguant, parmi les mobiles qui inspirent ces rites, d'une part ceux qui sont propres à un ou plusieurs individus et relèvent par conséquent de la psychologie, de l'autre ceux qui sont de nature sociale et agissent sur le groupe dans son ensemble. La danse extatique est presque toujours du premier type; même quand de nombreux fer

vents y participent, chacun de son côté éprouve les sentiments qui s'exacerbent par l'agitation orchestique et qui conduisent au ravissement. Mais généralement, la danse religieuse est de nature sociale et résulte simplement du fait que les rites sont exécutés par des groupes importants et que, forcément, dès lors, une certaine discipline, un certain rythme s'imposent pour maintenir entre les mouvements de tous les fidèles la cohésion indispensable: la danse n'est pas autre chose que l'ensemble de ces mouvements rythmés et mesurés, et elle se rattache directement à la religion parce que, comme Durkheim l'a excellemment montré, les grandes fêtes religieuses coïncident avec ces dates périodiques où des tribus, généralement dispersées, se retrouvent en l'un ou l'autre centre et y organisent des cérémonies collectives qui consacrent et renforcent l'unité du groupe.

Il serait donc utile de reprendre, à cet égard, les recherches d'Oesterley les matériaux qu'il a compulsés, les conclusions très nettes qu'il formule notamment à propos d'Israël faciliteront considérablement, d'ailleurs, toute étude ultérieure sur la danse

sacrée.

R. KREGLINGER.

Hespéris, Archives berbères et Bulletin de l'Institut des HautesEtudes marocaines, 3e trimestre. Paris, Larose, 1922; 1 fasc. grand in-8°, p. 125-356.

Le troisième numéro de 1922 de la revue Hespéris ne le cède pas en intérêt à ses devanciers. M. H. Bruno y étudie la justice berbère au Maroc central; on y applique un droit coutumier, par cela même fort intéressant, puisqu'il ne s'agit plus d'une codifi cation appliquée par suite de la conquête à des populations d'ori gine ethnique différente, comme est le droit malékite, mais d'un ensemble de coutumes non écrites dont l'état actuel remonte probablement à des origines déjà fort éloignées. M. Bruno établit que ce droit ne s'applique qu'entre individus, et n'a pas d'effet sur les rapports entre l'individu et la tribu, entre celle-ci et ses voisines; dans ces deux derniers cas, il n'y a pas de droit. Le rôle de la

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