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Geog 4413,25.
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HARVARD
UNIVERSITY
LIBRARY

8071267

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PRÉFACE.

I.

L'étude sérieuse des documents géographiques qui nous ont été laissés par les Arabes date à peine d'un demi-siècle, et déjà l'on peut entrevoir quelle riche moisson de faits et de renseignements curieux ils promettent à l'historien, au géographe et au philosophe. C'est dans les voyageurs arabes, bien plutôt que dans les historiens, d'ordinaire si secs, si décharnés, si exclusivement bornés à des récits de batailles, de révolutions de palais et à des notices nécrologiques sur de grands fonctionnaires et des littérateurs; c'est dans les premiers, disonsnous, qu'il faut chercher la connaissance intime de la société musulmane, de ses usages et de ses superstitions. Sous ce rapport peu d'écrivains peuvent être comparés au voyageur infatigable dont nous entreprenons de publier, pour la première fois, la longue et curieuse relation.

L'ouvrage d'Abou Abd Allah Mohammed, plus connu sous le nom d'Ibn Batoutah, a pris, depuis plus de quarante ans, un rang honorable dans l'histoire de la géographie au moyen âge. On sait que les célèbres voyageurs Seetzen et Burckhardt ont, les premiers, signalé l'importance de l'ouvrage d'Ibn Batoutah, qu'ils ne connais

saient cependant que par de maigres abrégés. Ce qu'il: en avaient dit avait suffi pour faire désirer aux savants d'Europe d'obtenir des manuscrits de la relation originale; mais ce désir tarda longtemps à se réaliser. Enfin, la conquête de l'Algérie et la prise des bibliothèques de Constantine nous ont valu, presque en même temps, plusieurs exemplaires de ce précieux ouvrage. Cette heu- / reuse circonstance a permis de consulter le récit original d'Ibn Batoutah, et les fragments assez considérables qui ont été traduits par plusieurs orientalistes, n'ont pu que confirmer l'opinion qu'on s'en était faite d'après les abrégés découverts par Seetzen et Burckhardt.

Peu de nations ont poussé aussi loin que la race arabe le goût des courses, des voyages lointains. C'était chez elle un penchant que bien des causes faisaient naître, ou dont elles favorisaient la satisfaction. L'Arabe, ou, pour parler d'une manière plus générale, le sectateur de l'islamisme, n'avait plus, comme ses ancêtres du temps du paganisme, un ou deux motifs seulement pour sortir de son pays et voyager chez les peuples lointains. Avant Mahomet, le manque d'eau et de pâturages dans des années de sécheresse, le besoin de se procurer les productions de la Syrie et de l'Irâk, ou encore la curiosité de visiter les cours des Césars et des Cosroës, avaient pu faire franchir à quelques tribus, à des caravanes ou à des individus isolés, les limites de la péninsule arabique; mais, après tout, c'était là une bien faible portion de la race arabe. Il était réservé à l'islamisme de développer chez ses sectateurs la passion des voyages, en même temps qu'il leur facilitait les moyens de la satisfaire. Le pèlerinage de la Mecque, devenu une obligation pour tout bon musulman, quelque éloigné qu'il fût du ber

ceau de l'islamisme, donna naissance à des caravanes qui, chaque année, partaient de la Syrie, de la Perse, des extrémités de l'Afrique musulmane, pour visiter la patrie de Mahomet et le lieu de sa sépulture. Aux prescriptions de la loi venait se joindre l'aiguillon de l'intérêt, puisque, à l'époque du pèlerinage, la Mecque était transformée en un immense marché, où les pèlerins trouvaient à échanger avantageusement les productions de leurs pays respectifs. La sobriété si remarquable de la race arabe diminue considérablement les frais et les embarras de voyages aussi longs, exécutés souvent à travers des pays dépourvus de toute ressource. Le caractère hospitalier des Orientaux contribue aussi au même résultat. La charité des riches pèlerins, ou le produit de fondations. pieuses faites par de grands personnages et des hommes opulents, vient en aide aux plus pauvres. Enfin, le dogme du fatalisme, si profondément enraciné dans l'esprit des musulmans, les empêche de se laisser effrayer d'avance par les risques et les privations qu'ils peuvent avoir à supporter. Ils partent donc pleins de confiance dans la Providence et dans la charité de leurs coreligionnaires.

Voilà pour la masse des musulmans, pour ceux qui n'agissent que dans un esprit de dévotion ou dans des vues d'intérêt. Quant à la classe éclairée, deux autres motifs pouvaient se joindre aux premiers, pour l'entraîner dans des voyages lointains. Les hommes voués à l'étude de la jurisprudence et de la théologie se flattaient de rencontrer loin de leur patrie des professeurs profondément versés dans ces sciences; les Arabes d'Espagne et du Maghreb surtout étaient attirés vers les écoles de Tunis, de Kaïroan, du Caire, de Damas et

A.

de Baghdad. Les individus adonnés à la vie religieuse al laient chercher, souvent à de grandes distances, le. exemples et les préceptes de quelque pieux directeu spirituel. Enfin, une louable curiosité, le désir de s'instruire des mœurs et des usages des peuples étrangers, attira plus d'une fois jusque dans l'Inde, la Chine et l'île de Madagascar, des Arabes de l'Irak et du Kharezm, tels que Mac'oudy, Ibn Wahab et Byroùny. La grande diffusion de la langue arabe et du culte mahométan venait encore en aide aux explorateurs de cette dernière catégorie. Souvent aussi, chez le même individu, comme chez le célèbre voyageur Ibn Haoukal et l'infatigable compilateur Yakoût, les voyages et les observations du commercant fécondaient et enrichissaient la science du géographe. Une circonstance rapportée par Ibn Batoutah peut donner une idée de l'esprit d'entreprise et du goût pour les voyages qui entraînaient les Arabes aux extrémités opposées de l'ancien continent. A Sidjilmâçah, dans le Maroc, Ibn Batoutah reçut l'hospitalité chez un fakih (jurisconsulte), dont il avait précédemment rencontré le frère à Kandjenfou, en Chine. Quelle distance immense, observe notre auteur, séparait ces deux frères1! Ailleurs, Ibn Batoutah dit qu'un chérif ou descendant de Mahomet, appelé Aly, fils de Mansoûr, et originaire de Kerbélâ, dans le voisinage de la rive occidentale de l'Euphrate, l'avait accompagné, pour affaire de commerce, de Seraï à Kharezm, et qu'il se joignit ensuite à plusieurs de ses concitoyens qui étaient arrivés dans cette dernière ville, afin de faire un voyage en Chine. Ibn Batoutah ajoute que cet homme étant parvenu à Almalik (non loin du fleuve Ili, dans la Dzoungaric), s'y arrêta et y 1 Journal asiatique, mars 1843, p. 187.

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