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apories, tout le drame tragique de sa sincérité, à la gageure qu'implique son essence même la réfraction d'un sectarisme hébreu dans une dogmatique d'Hellènes, la combinaison de notions sémitiques et de catégories indo-européennes.

Soit, à titre d'exemple, un cas très net de ces apories, sources de souffrances pour les plus nobles esprits. Si nous fûmes seuls à prêter un rôle à la liberté dans la croyance, seuls de par le monde à risquer cet argument de désespoir, que la force de l'adhésion compense le manque de clarté intellectuelle, c'est parce que seuls nous avons séparé croyance et rationalité. L'Inde a sans cesse oscillé de la religion à la philosophie, de la philosophie à la religion, mais elle n'a jamais tenu la croyance pour irrationnelle, parce qu'elle n'a jamais tenté de faire fusionner un Jahvé avec un Logos. Allah ne lui est venu qu'en un temps où la Bhakti et les religions populaires avaient rendu théistes presque toutes les castes, presque toutes les sectes; et cet Allah n'a point rencontré en terre indienne un vous comparable à celui d'Aristote ou de Plotin.

Il nous semble consolant, de remarquer que les embarras de notre pensée embarras d'ailleurs féconds et occasions d'enrichissement pour notre conscience ne sont pas ceux de toute pensée. Cela nous autorise à espérer qu'une connaissance plus avertie des mentalités, tout en faisant progresser le vrai et le juste, apportera quelque apaisement aux anxiétés humaines.

Paul MASSON-OURSEL.

LA DOMESTICATION DE LA RACE BOVINE

Essai de reconstitution d'un mythe chaldéen.

Les légendes babyloniennes, qui nous apprennent comment le cheval fut subjugué par la déesse Ishtar, ne font aucune allusion à la domestication du bœuf. Dans sa forme connue, la lutte au cours de laquelle Enkidou, le compagnon de Gilgamès, triomphe du taureau céleste, ne paraît pas inaugurer la main mise de l'humanité sur ces précieux auxiliaires de la vie des champs que sont le bœuf et la vache. On ne se préoccupait probablement plus de cette question à l'époque relativement basse où ces textes ont été coordonnés, vraisemblablement au temps de la première dynastie babylonienne, autrement dit vers le début du deuxième millénaire avant notre ère. Il ne nous sera possible de retrouver quelques traces de ces notions primitives qu'en étudiant les plus anciennes représentations figurées que le sol de la Chaldée nous a conservées. Même si nous n'y réussissons pas, ce sera l'occasion de reprendre et de discuter certaines interprétations qui ont été données de monuments célèbres.

Nous commençons par le plus rare d'entre eux, le vase d'argent d'Entéména (1), quatrième successeur du roi de Lagash (Tello), Our-Nina. En dépit des savantes notices qui lui ont été consa

(1) Heuzey, Catalogue des Antiquités chaldéennes (Musée national du Louvre), no 218 avec la bibliographie.

crées, il ne semble pas que le sens des motifs, qui décorent ce vase, ait été complètement élucidé; on a même négligé d'établir le lien qui unit les deux zones historiées (fig. 1) et l'intention qui a dicté à l'artiste leur rapprochement.

M. Heuzey, qui a si heureusement découvert sous l'incrustation millénaire ce remarquable décor et l'a magistralement analysé, pensait que l'aigle léontocéphale, liant les lions, constituait, en quelque sorte, les armoiries de la ville de Lagash (Sirpourla) (1).

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Fig. 1.

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Décor du vase d'argent d'Entéména (Musée du Louvre).

Une telle conception est étrangère à la haute antiquité et, même si on n'accepte cette définition que comme une simplification du langage, elle ne peut conduire qu'à de fausses interprétations.

En réalité, l'aigle léontocéphale est une représentation divine, généralement celle du dieu Ningirsou (2). On peut augurer que la représentation première était constituée par un aigle ordinaire

(1) Heuzey, Les armoiries de Sirpourla, dans Monuments Piot, I, p. 7-20. (2) Reconnu par Heuzey, Catal., p. 92: « Ce doit être l'oiseau Im-ghig, qui appartenait en propre au cycle local du dieu Nin-Ghirsou », mais cette constatation n'empêche pas le savant archéologue de maintenir la valeur héraldique de l'image et de la rapporter à la ville de Lagash. Cf. ThureauDangin, Inscript. de Sumer et d'Akkad, p. 254 note 6.

tel que celui qui est porté au bout d'une hampe sur le fragment B 2 de la Stèle des Vautours. D'après les représentations figur rées auxquelles il est mêlé, l'aigle a dû la faveur d'incarner le dieu à ce qu'il attaquait les animaux sauvages qui, même inoffensifs comme le bouquetin, étaient réputés malfaisants. Car, suivant la remarque de Maspero, « il ne semble pas que les Chaldéens aient aimé comme les Egyptiens à s'entourer d'animaux apprivoisés, grues ou hérons, gazelles ou cerfs: ils se contentaient des espèces utiles, les boeufs, les ânes, les moutons, les chèvres (1). >> Ou plutôt, leurs conceptions religieuses les écartaient

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de ces êtres considérés comme donnant asile aux mauvais démons. Attaquant les bêtes sauvages, l'aigle apparaissait comme la manifestation du dieu venant prêter main forte à l'homme. Son plus beau titre de gloire était d'oser attaquer le lion qui infestait les terres de la basse Chaldée et c'est pourquoi on prit coutume de représenter l'animal-attribut de Ningirsou avec une face de lion. De même Héraclès revêtira la dépouille du lion.

Et de même qu'Héraclès, coiffé du muffle du lion, sera représenté saisissant cet animal, l'aigle léontocéphale sera fréquemment représenté enfonçant ses serres puissantes dans la croupe de deux lions adossés.

Le plus ancien monument, approximativement daté, sur lequel

(1) Maspero, Hist. anc. des peuples de l'Orient classique, I, p. 766.

apparait l'aigle léontocéphale est la masse d'armes que le roi de Kish, Mésilim, consacra à Ningirsou, dans le temple de ce dieu à Lagash. Précisément, ce monument, qui remonte au milieu du quatrième millénaire avant notre ère, témoigne que si l'aigle léontocéphale aux ailes éployées constituait déjà un emblème consacré à Ningirsou, son association avec le lion n'était pas arrêtée selon une formule ne varietur. Car, ici, l'aigle léontocéphale, gravé sur la calotte de la masse d'armes, n'est pas associé à deux, mais à six lions « qui se mordent en se poursuivant et formant ainsi une chaîne continue (1). x

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Fig. 3.- - L'oiseau Imgig dominant la gent des animaux sauvages. Développement d'un cylindre-cachet. (Musée du Louvre).

L'aigle léontocéphale liant deux lions apparaît sur les plaques en calcaire (2) ou en albâtre (3) (fig. 2) dédiées à Ningirsou par Our-Nina, qui régnait à Lagash plus de 3.000 ans avant notre ère. On voit le même groupe sur la Stèle des Vautours, tenu en main par le dieu lui-même qui assomme à coups de massue les ennemis pris au filet (4).

Le colonel Allotte de la Fuye a publié une série de remarquables empreintes de cylindres, un peu postérieures à Entéména,

(1) Heuzey, Catal., no 4.

(2) Ibid, no 6.

(3) Ibid., no 7.

(4) Ibid., P. 113.

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