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M. Radhakrishnan s'efforce de rapprocher les doctrines qu'il étudie des conceptions philosophiques occidentales, tout en insistant, d'autre part, sur le caractère absolument indépendant de la pensée hindoue qui n'aurait, selon lui, subie aucune influence étrangère au cours de son histoire millénaire. Nous ne croyons pas pouvoir partager cette dernière opinion de l'auteur. Tout, au contraire, semble indiquer que les rapports entre l'Inde et le monde hellénique (sans parler du monde iranien) ont été beaucoup plus fréquents et l'influence réciproque beaucoup plus profonde que l'on ne se l'imaginait il y a quelque temps. Tel est aussi, pour ne point en citer d'autres, l'avis de MM. Sylvain Lévy et Reizenstein. Quant à la méthode de rapprochement, qui est parfaitement légitime en elle-même, elle conduit notre auteur à présenter les doctrines qu'il expose sous un jour un peu tendancieux. Ainsi il est assez difficile d'admettre que la pensée hindoue soit essentiellement «un idéalisme moniste» (p. 31). Ce fut, on le sait bien, l'interprétation de Denssen. Mais on sait bien aussi combien la pensée hindoue est plus riche et plus variée, et combien, même en ce qui concerne Sankara et les Upanisad's cette définition est loin d'en exprimer exactement l'essence. Il n'est pas tout à fait juste, non plus, de parler du caractère « critique de la philosophie hindoue, de son indépendance vis à vis de la science et de la religion. En fait il n'y a jamais eu, aux Indes, de ‹ science » dans notre sens du terme, et quant à la religion, la philosophie ne s'y opposait parfois que parce qu'elle prétendait la remplacer comme une forme supérieure de vie religieuse.

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La méthode de rapprochement dont nous venons de parler conduit M. Radhakrishnan à des interprétations qu'il est difficile de caractérise autrement qu'en les appelant fantaisistes. Ainsi p. 101, p. 141, P. 154 suivant, il est vrai, sans toujours l'admettre cependant, les interprétations de Leussen, de Schopenhauer et de Sankara M. Radhakrishnan, dans les hymnes les plus primitifs des Védas retrouve la déduction fichtéenne du Moi et du Non-Moi, et dans les textes des Upanisad's l'idéalisme de Kant et de Schopenhauer. Ces interprétations ne sont nullement des cas isolés: p. 342, 359, 379 Bouddha est comparé à Kant et voudrait, comme ce dernier, établir une «< religion dans les limites de la raison pure; à la page 467 la doctrine de Bouddha est rapprochée de celle de Berkeley. M. Radhakrishnan semble ne pas être chez soi dans l'histoire de la philosophie occidentale

en

et son étude s'en ressent. On pourrait reprocher à l'auteur restant cette fois ci sur le terrain des Indes de négliger certains courants spirituels d'une importance certaine, tel p. e. le Joga; de reculer outre mesure la date des Upanisads qu'il estime pré-bouddhiques dans leurs presque totalité de ne point distinguer suffisamment entre les différentes écoles et les différentes étapes du jaïnisme ; de vouloir trouver dans les poèmes épiques une << conception du monde » et aussi d'y retrouver le védantisme.

«

M. Radhakrishnan n'a pas atteint le but qu'il s'était proposé. Son livre, qui devait décrire l'évolution de la pensée hindoue et nous la rendre accessible en la rapprochant d'une pensée qui nous est familière ne remplit aucune de ces deux tâches. Il sera certainement consulté avec profit par tous les orientalistes, car il contient beaucoup de faits et beaucoup d'idées. Mais le profane fera bien de ne pas se fier à lui entièrement.

A. K.

FRANZ CUMONT.

Fouilles de Doura-Europos (1922-1923), avec un appendice sur le céramique de Doura par M. et Mme Félix Massoul (Bibliothèque archéol. et histor. du Service des Antiquités de Syrie, t. IX). Un vol. in-4o de LXVIII et 533 pages et un atlas de CXXIV planches. Paris, Paul Geuthner, 1926.

Dans le bel ouvrage que M. Cumont a consacré aux fouilles de Salahiyé sur l'Euphrate, site qu'il a pu identifier avec la ville de Doura devenue, après Alexandre, colonie macédonienne sous le nom d'Europos, on trouvera deux importants chapitres consacrés aux cultes locaux.

D'abord le chap. II décrivant le temple des dieux palmyréniens et ses peintures, qui nous montrent le culte en action, puis le chap. I concernant le temple d'Artémis et ses sculptures. Le premier de ces sanctuaires a été ainsi dénommé parce que tout y signale le culte des dieux de la métropole du désert. Notamment, un des murs est orné d'une scène peinte d'un singulier intérêt, dont M. Cumont présente une belle planche en couleur appuyée, pour les détails, par des planches en noir.

Au centre est placé un thymiatérion sur lequel un officier, debout et tête nue, dépose des grains d'encens. Une inscription donne son

nom et son titre : Iulius) Terentius trib(unus). Derrière lui, sur le côté, se presse la troupe, officiers en tête; près de lui, un prêtre indigène Themès, fils de Mokimos, tient de la main gauche une fleur et un bouquet de brindilles.

De l'autre côté de l'autel est le porte-enseigne et, derrière le drapeau, sont rangées les statues des divinités. On crut tout d'abord car M. Breasted, qui a le premier révélé cette peinture, n'avait pu reconnaître l'ensemble de la scène qu'on était en présence de la statue de l'empereur. M. Clermont-Ganneau devina qu'il s'agissait de divinités palmyréniennes en costume militaire et M. Cumont précise que Beelsamin se dresse au centre tenant le globe céleste et ayant à ses côtés Yarhibol et Aglibol. En dessous sont assises la Tyché de Palmyre et la Tyché de Doura identifiées par des inscriptions grecques. Cette dernière domine un nageur barbu, qui figure l'Euphrate, et elle pose la main gauche sur la tête d'un enfant nu, vraisemblablement Europos.

Dans une salle latérale (p. 122), M. Cumont a dégagé une autre peinture représentant un sacrifice à cinq dieux palmyréniens. D'autre part, les graffites, soigneusement relevés dans le temple, «< ne laissent aucun doute sur les divinités qui y étaient adorées. A côté de Zeus mégistos ou kallinikos, c'est-à-dire Bèl (inscr. 17, 25), on y trouve mentionnés Iarhibolos, Aglibolos (inscr. 12) et Athéna, qui représente Allath (inser. 25); un proscynème palmyrénien (inscr. 10) y ajoute Arsou et Godlat (?). C'est donc aux dieux de la capitale du désert que le sanctuaire était consacré, et, nous l'avons dit (p. 37), il fut probablement dès l'origine et resta jusqu'à la fin la chapelle des archers palmyréniens qui tenaient garnison à Doura (p. 40). » Tout cela est parfaitement dit et observé; nous ne ferons qu'une réserve sur le mot << dès l'origine ». Les Palmyréniens ne nous paraissent ici que des occupants tardifs, car le temple de Bel devait exister à Doura bien avant qu'ils aient étendu leur domination sur le pays.

Nous ressentons, en effet, une impression d'archaïsme devant la plus surprenante des scènes peintes de Doura que M. Breasted a, par bonheur, pu photographier en couleurs au printemps de 1920 et qu'il a publiée dès 1922 (1). On y voit tout une famille, celle de

(1) Syria, 1922, pl. XXXVIII et suiv. Depuis, la fresque a été mutilée par

les nomades.

Konon, prendre part au sacrifice. Deux prêtres, haute mitre en tête, vêtus de blanc et les pieds nus, officient. Devant l'un d'eux se dresse l'autel à parfums dont M. Cumont relève la ressemblance aveo les autels portatifs des monuments assyro-babyloniens. Devant l'autre prêtre est placé un vase élancé, rempli d'eau dans laquelle le célébrant plonge de la main droite un rameau d'une plante à tige droite garnie de feuilles lancéolées. Ce vase est la survivance du vase sumérien dans lequel plongent des rameaux sur lesquels se pratique la libation d'eau. Le vase de Doura est, il est vrai, d'aspect plus compliqué avec ses trois renflements superposés et ses cannelures, mais une autre fresque (tableau II) conserve un modèle plus simple. Il n'est pas jusqu'aux palmes tenues par les assistants qui ne se retrouvent sur les stèles sumériennes, notamment sur les stèles de Goudéa.

Ce sont là des détails, dira-t-on, mais ils nous servent à introduire l'argument décisif qui est fourni par le plan même du temple (pl. XXV). M. Cumont a bien reconnu son caractère oriental puisqu'il le qualifie de. « purement sémitique (p. 34), définition qui est précisée en ce qu'il compare le naos du temple de Doura au naos de l'E-Makh de Babylone. Mais comme son nom l'indique, l'E-Makh était un temple sumérien.

Le temple sumérien

ainsi que le confirment les récentes décou

vertes d'Our, se compose essentiellement d'une cour extérieure, à laquelle succède une cour intérieure d'où l'on passait dans le pronaos, plus large que profond, et dans le naos de forme semblable et d'ailleurs de dimensions assez réduites. Or, tous ces éléments, avec leurs particularités, se retrouvent dans le plan du temple des dieux palmyréniens (pl. XXV). Celui-ci conserve à ce point la tradition sumérienne qu'on peut se demander s'il n'est pas plus ancien que l'installation des Macédoniens à Doura. Lorsque ces derniers tracèrent l'enceinte, ils ne manquèrent pas d'y englober le sanctuaire de Bel, mais la disposition du terrain semble les avoir obligés à serrer de près la muraille du temple. Le sanctuaire fait à ce point corps avec le rempart que M. Cumont en a déduit que le temple avait été élevé à l'usage des archers palmyréniens. S'il s'agissait d'une simple chapelle, on pourrait l'admettre; mais l'édifice avec ses deux cours et ses annexes est trop important, son personnel de prêtres trop nombreux pour qu'on puisse accepter cette hypothèse.

En tout cas, on doit reconnaitre que les Palmyréniens, à basse

époque, n'auraient pas construit un temple sur un tel plan; il faut donc l'attribuer aux gens de Doura qui, depuis une très haute époque, avec tout le pays environnant, ont subi fortement l'influence de la Chaldée (1). Des fouilles dans le sous-sol du temple pourraient apporter des lumières sur ce point. Sans essayer de pousser trop loin la conjecture et pour s'en tenir aux faits acquis, il n'est pas douteux que le Zeus vénéré dans ce temple est, comme l'a reconnu M. Cumont, le dieu Bel. On peut ajouter, d'après les constatations faites plus haut, que c'était le Bel de Babylone, autrement dit Mardouk, auquel l'épithète de kallinikos convient parfaitement. Nous ne pouvons dire, si ce Bel a supplanté une ancienne divinité du pays de Tirqa dont Doura faisait partie, mais c'est fort probable (2).

La constatation du culte de Bel à Doura, dès une époque relativement ancienne, nous permet de comprendre par quelle voie ce dieu a pénétré à Palmyre où on lui a élevé le temple le plus important de la ville. Cela nous explique aussi la disposition, assez surprenante à première vue, de ce grand sanctuaire. Nous ne parlons pas de la vaste enceinte qui est du meilleur type sémitique (Damas, Boetocécé, Jérusalem, Hébron), mais du naos lui-même sans autre exemple, même à Palmyre, avec sa forme oblongue. Cette disposition a été déterminée par un compromis entre le naos de type grec et la cella sumérienne. En même temps, le Bel de Babylone semble avoir emprunté le costume militaire et les attributs de Baalsamim ou maître

des cieux sémitique, devenu Beelsamin dans la langue araméenne qu'on parlait de l'Oronte à l'Euphrate. On comprend avec quelle facilité, lorsque, à la suite des défaillances des rois séleucides, Palmyre étendit sa domination sur Doura, celle-ci accueillit dans son vieux temple de Bel les autres dieux palmyréniens. Ainsi Doura recevait plus qu'elle n'avait donné. C'est cette alliance des cultes, allant jusqu'à la communauté, le peintre a voulu commenter dans le sacrifice du tribun militaire, en figurant les deux Tychés au-dessous des trois dieux, debout sur leur socle. A notre avis, il faut donc reconnaître le Bel

que

(1) Les listes dynastiques comptent parmi les dynasties sumériennes la dynastie de Mari. c'est-à-dire de la région envisagée.

(9) Il ne faut pas oublier qu'à la chute de la première dynastie babylonienne, la statue de Bel-Mardouk fut emmenée de Babylone au pays de Hana sur l'Euphrate (Ana) qui devint ainsi un

centre du culte.

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