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cieuse sur certains aspects du christianisme primitif. Mais nous croyons qu'il convient d'être très prudent et de ne pas trop se fier à des raisonnements qui prétendraient faire état de lois générales du développement des religions parce que ces lois, dans la mesure où il est possible de les formuler, n'expriment qu'une partie et non la totalité des faits et que de ces faits, d'ailleurs, elles ne retiennent que certains aspects. S'il y a des traits qui sont communs à la formation et au développement de plusieurs religions, il ne faut pas oublier que chaque religion a sa physionomie propre et se développe suivant son génie individuel. La méthode comparative peut être utile pour expliquer et éclairer les faits établis par des documents. Il serait, à notre avis, imprudent de l'utiliser pour supposer des faits qui n'auraient pas laissé de traces dans les textes. C'est en ce sens que nous disons que notre méthode doit toujours rester documentaire.

Sans nous arrêter aux détails, nous voudrions indiquer dans les grandes lignes comment se classent et s'ordonnent les principaux problèmes dont nous aurons à nous occuper. Nos études viendront s'organiser autour des livres du Nouveau Testament et des autres documents que nous ont laissés les premières générations chrétiennes. Elles se répartiront ainsi schématiquement en deux grandes séries. D'une part étude, de l'autre utilisation des documents, en d'autres termes, d'un côté critique, de l'autre histoire.

Dans la première série figureront d'abord les recherches relatives à la conservation et à la transmission des livres du Nouveau Testament, l'histoire de son texte et de ses versions, histoire dont le but est de permettre l'établissement, non pas sans doute d'un texte rigoureusement authentique, au sens précis du mot, du moins du meilleur texte possible en l'état actuel des choses. C'est la base sans laquelle aucun travail scientifique sur le Nouveau Testament n'est possible. Il en est ainsi, du moins théoriquement, car, en fait, le labeur des éditeurs du Nouveau Testament

et des critiques du texte a mis à notre disposition des éditions qui ne diffèrent entre elles que par des détails relativement sans portée et qui nous autorisent, non pas, bien entendu, à ignorer la critique du texte, mais, au moins, à n'aborder les questions techniques relatives aux variantes et au choix à faire entre elles que dans quelques cas particuliers.

La critique littéraire proprement dite nous occupera bien davantage. Il faut d'abord étudier les conditions dans lesquelles la littérature chrétienne est née, voir sous l'influence de quels facteurs se sont constituées les différentes formes littéraires utilisées par les premiers écrivains chrétiens, épîtres, évangiles, actes, apocalypses, déterminer dans quelle mesure chacune d'elles doit être considérée comme une création originale, dans quelle mesure au contraire, elle peut être comprise comme la transformation d'une forme antérieure empruntée soit à la littérature juive, soit à la littérature grecque. Il faut ensuite examiner successivement chaque livre et chaque groupe de livres, déterminer les circonstances de temps et de lieu, les conditions diverses, les intentions dans lesquelles ils ont été écrits, préciser quelles sont les relations de la forme et du fond, dégager, s'il se peut, les sources tant orales qu'écrites qui peuvent avoir été utilisées dans chacun d'eux et voir de quelle manière elles l'ont été.

Subsidiairement, il conviendra d'examiner aussi l'influence que la littérature chrétienne primitive a exercée sur celle des âges qui ont suivi et de rechercher pour quelles raisons et dans quelles conditions les formes littéraires créées ou transformées par les premières générations chrétiennes, après avoir fleuri un certain temps, ont assez rapidement disparu pour être remplacées par d'autres.

Mais tout ce travail, si grand que soit son intérêt propre, si utiles que soient les perspectives qu'il ouvre sur l'âme même du christianisme, reste un travail préparatoire dont l'objet est seulement de mettre à notre disposition des matériaux éprouvés qui nous permettront de faire l'histoire du christianisme primitif.

Ici il est nécessaire de préciser, car ce terme d'histoire du christianisme primitif peut prêter à des malentendus. Il est utile

de ne pas se faire d'illusions et de se rendre bien compte que le caractère fragmentaire de la documentation qui est susceptible d'être extraite de la littérature chrétienne primitive impose à la connaissance que nous pouvons acquérir de l'histoire des origines chrétiennes une limitation assez étroite. Dans l'hypothèse la plus favorable nous pouvons apercevoir quelques points de l'histoire ancienne du christianisme, parfois suivre un moment certains développements, souvent faire sur la manière dont se relient entre eux les divers faits connus, des conjectures plus ou moins plausibles, mais il serait chimérique de prétendre suivre l'ensemble du mouvement de manière à pouvoir en présenter d'une manière réellement satisfaisante, le développement génétique. La connaissance que nous pouvons avoir de l'histoire des origines chrétiennes fait penser à ces cartes d'Afrique qu'on trouve dans les atlas vieux d'un demi-siècle, sur lesquelles de larges taches grises ou blanches portent l'indication <«< << régions inconnues » seulement, à moins de découvertes imprévues qu'il ne serait guère raisonnable d'escompter, il n'y a pas à espérer que des explorations nouvelles permettent de diminuer sensiblement l'importance de la grisaille ou du blanc des régions inconnues ou seulement mal connues. Mais connaître les limites de ce que l'on sait, n'est-ce pas déjà connaître quelque chose? N'est-ce pas, comme le disait Edmond Scherer (1), la forme suprême de la science que de savoir qu'on ne sait rien?

Pour des raisons pratiques, il nous paraît utile, quand on tente d'utiliser, pour faire l'histoire du christianisme primitif, les matériaux dégagés par la critique des documents, de considérer séparément l'histoire des faits (vie de Jésus, histoire de la mission chrétienne et des Eglises au premier siècle, histoire de l'apôtre Paul, histoire des institutions et des rites) de l'histoire des idées et des sentiments, de ce qu'on appelait autrefois la théologie biblique du Nouveau Testament, de ce que Reuss déjà appelait, dans le titre d'un livre qui, sans doute, a vieilli mais qui n'a pas été remplacé dans la littérature de langue française, l'Histoire

(1) Ed. Scherer, Mélanges d'histoire religieuse, Paris 1864, p. 87.

de la théologie chrétienne au siècle apostolique (1) et de ce qu'on tend, d'une manière de plus en plus générale, à désigner avec Weinel, par le terme plus adéquat d'Histoire de la religion chrétienne primitive (2). La théologie en effet, ou la pensée religieuse n'est qu'une partie de la religion et le temps est bien passé où l'on pouvait s'imaginer que connaître un système théologique c'était connaître un mouvement religieux. L'analyse des idées doit donc être accompagnée de celle des sentiments plus ou moins confusément éprouvés, des rites pratiqués, des institutions. Et il ne suffit pas de connaître, dans la mesure où cela se peut, ces choses, telles qu'elles ont existé à un moment donné, il faut encore les situer dans le milieu où elles ont apparu, c'est-à-dire les comparer aux idées, aux sentiments, aux rites, aux institutions des groupements religieux avec lesquels le christianisme a été en contact ou en conflit et dont il peut avoir - subi l'influence, soit positive, soit négative.

On remarquera peut-être que nous n'avons pas parlé d'un ordre de recherches qui, généralement, occupe une place importante dans la science du Nouveau Testament. Nous voulons parler de l'histoire du canon. Ce n'est pas parce que nous tenons à conserver à nos recherches un caractère strictement historique et que nous pensions que la notion du canon est essentiellement dogmatique. Le canon, en effet, est un fait objectif dont il est important de connaître le caractère historique et de saisir les origines, mais c'est un fait qui n'appartient à la période primitive que par ses premières origines puisque ce n'est guère que dans le deuxième tiers ou dans le troisième quart du deuxième siècle que ses premiers linéaments ont commencé à se dessiner et que

(1) Reuss, Histoire de la théologie chrétienne au siècle apostolique, Strasbourg. Paris, 1852, 31884.

(2) H. Weinel, Biblische Theologie des Neuen Testaments, Die Religion Jesu und des Urchristentums, Tübingen, 1911, 31921. Le premier titre a été imposé à Weinel par le plan de la collection dont son ouvrage fait partie ; le second seul exprime sa conception personnelle. Cf. G. Krüger, Das Dogma vom Neuen Testament, Giessen, 1896; W. Wrede, Ueber die Aufgabe und Methode der sogenannten neutestamentlichen Theologie, Goettingen, 1897.

l'apparition de la notion d'un canon chrétien c'est-à-dire d'une collection d'Ecritures Saintes de la Nouvelle Alliance est l'un des traits qui séparent le plus nettement la période de création de la période de développement, le christianisme primitif de l'ancien catholicisme. Pratiquement cependant, l'histoire du canon forme un tout indivisible et l'on peut considérer qu'il est plus naturel de l'incorporer à la science du Nouveau Testament que d'en confier le soin aux historiens de l'Eglise.

Le programme que nous avons tracé à grands traits pour définir le champ de nos études a un caractère purement idéal. Nous l'avons esquissé en nous inspirant uniquement des questions à étudier et sans tenir compte de l'histoire des problèmes, de l'état de la science et de ses orientations actuelles. Ce serait folie que de prétendre aborder l'étude du Nouveau Testament comme un territoire vierge. Si s'occuper uniquement de l'histoire de la science serait faire une œuvre assez vaine, ce serait, d'autre part, se priver de guides précieux et se montrer ingrat envers le labeur immense dont le Nouveau Testament a été l'objet depuis le xvIIIe siècle, que de prétendre l'ignorer. Si nous pouvons légitimement espérer aller plus loin que nos devanciers, préciser, développer, parfois corriger les résultats qu'ils ont atteints ce ne peut être qu'en les continuant et en profitant, pour éviter de les refaire à notre tour, des expériences qu'ils ont faites,

Quand on compare l'état actuel de la science du Nouveau Testament avec ce qu'il était il y a trente ou quarante ans, pour fixer les idées, par exemple entre 1890 et 1900, on est frappé des transformations qui se sont opérées. Je ne sais pas si, dans tout l'ensemble de la science historique, on pourrait trouver un autre domaine dans lequel la position des problèmes a été aussi complètement renouvelée dans un temps relativement aussi court. Ce qui mérite d'être souligné c'est que cette transformation n'est pas dûe, ou n'est dûe dans une très faible mesure, à ce que des documents nouveaux ont été découverts. Elle a pour

que

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