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L'imram païen typique est un voyage dans un bateau enchanté vers la terre de jeunesse et de joie éternelles - parfois sous la conduite d'une belle immortelle Eachtra Condhla Ruadh, parfois à la poursuite d'une dame de beauté Imram Brain). Son but est toujours le monde invisible où l'on ne meurt point; done, non seulement il n'a rien à voir avec la croyance druidique à l'immortalité de l'âme, mais il serait plutôt en contradiction avec elle puisque son but est d'échapper à la mort; aussi bien les personnages surnaturels envoyés de Tir na nOg sont-ils combattus par les Druides; et l'on a l'impression d'une croyance antérieure au druidisme et que celui-ci n'avait pu déraciner Condhla. Les terres — généralement des îles - où abordent les héros, sont des Edens ou des Elysées païens décrits avec un sens délicat et poétique de la nature et de la beauté plastique.

Sous l'influence du christianisme, l'eachtra et l'imram évoluent. Peu à peu les conditions magiques, le bateau enchanté et les personnages surnaturels du pays des immortels disparaissent bien qu'on lés trouve encore dans l'Imram Maelduin, chrétien d'apparence, en réalité profondément païen. Très vite le souffle brûlant de l'ascétisme chrétien flétrit et tue les fleurs et les créatures adorables de la Plaine de Miel. Le voyage vers l'exquise Plaine du Nuage argenté se transforme en une expédition de vengeance (Maelduin, de pénitence les fils d'O Corra; Snedgus et Mac Riagla ou de piété (Brendan). Si l'on aborde encore parfois aux douces iles païennes, les oiseaux y chantent des cantiques; puis elles deviennent des îles de saints, puis des îles de pécheurs pantelants et d'anachorètes hideux.

Au dernier terme de l'évolution sont les fisid (visions) d'où tout élément réel a disparu. La seule purement irlandaise, celle d'Adamnan (saint du vin siècle; mais la vision paraît rédigée au XI qui a conservé le charme poetique d'un imram païen, parait le prototype de tous les voyages au Paradis et en Enfer du Moyen âge. Puis les visions elles-mêmes deviennent de plus en plus sèches, pour aboutir aux atroces Nouvelles du jour du Jugement dernier qui ne sont plus que des descriptions des tortures des damnés.

La localisation géographique des imrama est soumise à une tradition presque toujours respectée. Le voyage magique ou religieux est un voyage au-delà de l'eau et generalement un voyage à travers l'océan occidental dont on conçoit la mystérieuse attirance. Mais ce

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peut être aussi un voyage vers une île d'un lac. On aperçoit ici le lien entre les expéditions magiques païennes et des fails chrétiens tels que le Purgatoire de St Patrice dans une île du lough Derg, et peut-être même que les réclusions de cénobites dans des îles par exemple celle de Findan dans une île du Rhin. Et ceci est encore à rapprocher du pouvoir magique des cours d'eau et de la mer (Cf. les cimetières dans les îles occidentales) (1).

Les voyages mystiques ont donc été, pour la plupart, des voyages non seulement au-delà de l'Océan, mais dans des îles imaginaires de l'Océan occidental. On peut se demander pourquoi les Irlandais ont cru à l'existence d'iles dans un océan d'où n'émerge aucune terre. Remarquous que, jusqu'aux découvertes maritimes du début des temps modernes, on s'est imaginé que tout l'Océan était semé d'îles au xvIe siècle encore maintes cartes en témoignent. En ce qui regarde les imrama, on doit sans doute faire intervenir une sorte de besoin psychologique de situer géographiquement la Terre de Promission et aussi le souvenir confus de très anciennes migrations maritimes, conservé par les tochomlada (2). Aujourd'hui encore, la croyance aux iles légendaires n'a pas disparu; nul n'en sera surpris, s'il a été témoin des prestiges de la pluie, de la brume et de la tempête sur les côtes occidentales. De très beaux mirages observés dans les temps modernes y font aussi parfois surgir des iles du milieu des flots. Et l'on peut toujours mentionner les souvenirs ou. les légendes de terres effondrées là où la légende place des iles et où la sonde n'indique que de 1 à 4 fathoms de profondeur. De Dingle Bay à Malin Head la tradition cite une douzaine d'îles légendaires et, plus au large, une carte de 1830 donne encore Buss, une carte de 1865 Brasil, ces iles qui n'ont jamais existé que dans l'imagination des marins d'autrefois.

On conçoit aisément que, vivant dans une telle atmosphère de légende, les Irlandais du Moyen âge aient entrepris de très réels voyages par mer dans un but religieux. De même que leurs ancêtres païens s'embarquaient pour la joyeuse Terre de Promission, ces

(1) Cette localisation du monde invisible au-delà de la mer semble entièrement oubliée aujourd'hui. Le Dr Douglas Hyde, en recueillant ses chants populaires du Connaught, n'en a pas trouvé un seul cas. Le monde surnaturel des Irlandais modernes est toujours sous l'eau ou sous la terre, surtout dans les cavernes des montagnes.

(2) Emigrations (dans les récits des filid).

chrétiens cherchèrent au-delà des flots la terre d'expiation où se gagne le Paradis.

De tels voyages étaient possibles, non vers l'Ouest, mais vers le Nord, où l'on passe assez aisément d'Irlande aux Hébrides et, de proche en proche, aux Orcades, aux Shetland, aux Fär-OEer, à l'lslande sinon au Grönland et au Labrador. Quand on pense que les Esquimaux font jusqu'à 130 kilomètres en un jour avec leur kayak, on voit ce qui était possible même avec la corach de l'antiquité irlandaise et les gens du Moyen âge avaient bien d'autres moyens. D'ailleurs la géographie faisait partie de l'enseignement des écoles monastiques à une époque aussi ancienne que le vue siècle; et au VIII l'Irlandais Virgilius enseignait que la terre est ronde.

On ne sait rien des voyages réellement entrepris par les Irlandais païens. Mais les auteurs chrétiens d'imrama font rencontrer par leurs voyageurs des anachorètes hirsutes dans les îles légendaires, ce qui donne à penser que des cénobites vivaient alors dans les îles réelles. Et l'on sait que les Hébrides furent le domaine de prédilection des saints irlandais, et que Cormac évangélisa les Orcades au temps de Colomban.

Dicuil, dans son De Mensura Orbis Terrae, écrit en 825, qu'un siècle plus tôt des ermites irlandais avaient vécu aux îles Fär ŒEer, et les avaient quittées quand les pirates scandinaves étaient venus troubler leur retraite. Il dit aussi avoir connu, trente ans plus tôt, des clercs irlandais qui avaient été en Islande. D'ailleurs des documents islandais et scandinaves (objets trouvés, Lándnamabók, attestent que des « papar », prètres irlandais, vivaient en Islande à l'arrivée des premiers Normands.

La recherche des thebaïdes insulaires conduisit-elle les Irlandais jusqu'au Grönland ou plus loin encore? Ici on ne trouve plus aucun document que les sagas scandinaves, si faciles à solliciter, si difficiles à vérifier. Autant vaudrait chercher à placer la Tir na nog sur la carte.

En résumé, les voyages dans l'Atlantique que les anciens Irlandais entreprirent dans un but religieux ont été : 1° dans les temps paiens, des expéditions magiques aux pays des Immortels; 2° dans les temps chrétiens, des expéditions inspirées par la tradition paienne, mais dans un but d'expiation, ou à la recherche d'une thébaide, ou peut-être à la découverte d'un pays merveilleux.

Ces voyages chrétiens sont donc absolument différents des expéditions missionnaires. Païens ou chrétiens, les voyageurs mystiques irlandais se sont mis en route poussés par cet idéalisme celtique qui, suivant le mot de Renan, ne se résoudra jamais à « croire qu'après avoir fait le monde visible si beau », Dieu a << fait le monde, invisible si platement raisonnable » (1).

MM. Guignebert et Alphandéry présentent quelques observations. L'heure étant avancée, la communication de M. P. Alphandéry sur un article du Dictionnaire de Bayle est reportée à une séance ultérieure.

La séance est levée à 6 h. 1/2.

Assemblée générale du 26 décembre 1925.

La séance est ouverte à 4 h. 1/2. M. de Faye préside.

Présents: Mmes Dussaud et Mélon; MM. de Faye, Alba, Alphandéry, Barrau-Dihigo, Berr, A. Cahen, L. Cahen, Contenau, Couchoud, Dehérain, Dujardin, R. Dussaud, Girard, Goblet, Guignebert, Lanson, Lebègue, Lods, Lyon, Pottier, S. Reinach, Rougier, Sidersky, Virolleaud.

Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. Il est adopté sans observations.

Le Président prononce une allocution où il retrace la physionomie des travaux de l'année écoulée et salue la mémoire des membres de la Société décédés durant cette année.

Le Trésorier présente le compte-rendu financier de l'exercice

1925.

Le Secrétaire général présente le rapport moral sur l'année qui s'achève. Il lit la liste des communications apportées à la Société Ernest Renan, signale la participation de la Société à différents congrès et aussi les publications récentes qui s'inspirent de ses méthodes et de son esprit.

M. R. Dussaud fait une communication, dont le texte suit, sur les fouilles de l'Université d'Harvard à Samarie :

Des deux sœurs rivales, comme les appelle Ezechiel, Jérusalem et Samarie, la première a presque exclusivement retenu l'attention des archéologues. Dès 1831, Sauley entreprenait des fouilles à Jérusalem; mais il faut attendre l'année 1908 pour que soit donné le premier coup de pioche sur le site de Samarie. L'honneur en revient à l'Université d'Harvard qui a chargé M. Lyon, puis

(1) Essais de Morale et de Critique, p. 454.

MM. Reisner et Fisher, de mettre au jour les ruines de l'ancienne capitale du royaume du Nord.

Les fouilles conduites de 1908 à 1910 n'ont été publiées que l'an dernier. Cette belle publication, accompagnée d'un atlas de 16 plans et de 90 planches, atteste le soin avec lequel les recherches ont été menées. L'architecte, M. Fisher, s'y est révélé un maître fouilleur. Il a donné, ensuite, de nouvelles preuves de son habileté aux fouilles de Beisan et, actuellement, il est occupé à reprendre l'exploitation du site de Megiddo.

Si la publication américaine est aussi complète qu'on pouvait le désirer pour tout ce qui touche l'architecture, il est à craindre qu'elle ne déçoive un peu les historiens, les éxégètes et les épigraphistes. La raison n'en est pas l'absence de documents, mais leur présentation, dans un ordre parfait certes, mais sans les développements et les commentaires destinés à les faire valoir. A vrai dire, nous sommes mal venu à nous plaindre que les savants américains aient laissé à glaner après une si belle moisson.

Aucune autre fouille palestinienne n'a autant que celle de Samarie étendu nos connaissances historiques, géographiques et épigraphiques. Notamment, l'époque d'Achab n'est plus pour nous une période mal définie par des textes contradictoires; elle nous apparaît dans l'éclat d'une réelle grandeur. Ce qu'on entrevoit de l'organisation du royaume, notamment de l'intendance royale qui réunissait les attributions d'un ministère des finances et de l'intendance proprement dite, royale et militaire, le grand usage de l'écriture, témoignage certain d'une civilisation développée, l'activité commerciale d'Israël, la ville fortifiée qu'était Samarie, la beauté de ses constructions en pierres de taille signalée déjà par les prophètes et notamment du « palais d'ivoire » d'Achab, maint autre détail, posent autant d'assises solides pour une reconstitution historique.

Les documents assyriens, peu sujets à caution, nous montraient déjà par le nombre de chars et de soldats mis en ligne à la bataille de Qarqar, que le royaume d'Achab était un des états les plus puissants de Syrie, sinon le plus puissant. On peut ajouter aujourd'hui qu'il en était aussi un des plus civilisés, des mieux organisés et des plus riches.

Dès lors nous ne pouvons plus hésiter à fixer notre choix entre

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