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tour d'esprit qu'il tenait de son éducation hellénique et que l'importante contribution de M. de Faye achèvera de mettre pleinement en lumière. Pourtant les parties les plus originales de son système, et par exemple ses idées sur la chute et sur le salut, offrent avec les conceptions gnostiques une indéniable parenté. La marque propre de sa théologie est peut-être moins d'avoir tenté une réconciliation définitive du christianisme et de la philosophie que d'avoir donné le modèle d'une sorte de gnosticisme philosophique. Porphyre, dans la très fine caractéristique qu'il a donnée de ses idées et qu'Eusèbe nous a conservée, notait déjà que ce chrétien dont, comme tel, les maximes de vie étaient d'un anarchiste (πzpavóμw;) avait sur le monde et sur Dieu les conceptions d'un Hellène, et qu'il avait cherché à donner le change en les substituant frauduleusement ὑποβαλλόμενος) aux fables des barbares. Ce jugement d'un adversaire définit assez bien le genre de contradiction à laquelle malgré la rigueur de sa logique, la pensée d'Origène n'a pu complètement échapper, et qui résultait de sa double activité comme philosophe et comme exégète. Le rapprochement d'Origène et de Philon d'Alexandrie est, à cet égard, très instructif. Si, à l'exemple de Philon, Origène n'avait eu à faire qu'à l'exégèse de l'Ancien Testament, et à la philosophie religieuse rudimentaire et simpliste de la religion juive, son électisme platonisant, grâce à la méthode allégorique qu'il avait appris à l'école de Chérémon et de Numénius, eût pu se donner librement carrière. Mais avec l'exégèse du Nouveau Testament la situation était différente, précisément par suite de la forte empreinte gnostique inhérente aux principaux écrits de ce recueil. Au total la systématisation à laquelle il est arrivé, malgré une puissance de synthèse infiniment supérieure à celle de Philon, est beaucoup moins satisfaisante que celle de son devancier juif. Et ainsi s'explique sans doute ce paradoxe que, dans cette première et audacieuse somme de la philosophie chrétienne, la christologie apparaisse précisément comme un élément adventice et hétéroclite à l'ensemble du système.

H. JEANMAIRE.

W. Y. EVANS-WENTZ.

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The Tibetan Book of the Dead. or the After-Death Experiences on the Bardo Plane, according to Lâma Kazi Dawa-Samdup's English Rendering. Un vol. in-8° 248 pages. Oxford University Press. 1927.

Ce livre traite du bouddhisme tibétain en ce qu'il a d'essentiel, mais envisagé du point de vue eschatologique. Il comprend deux parties la traduction du Bardo Thödol (Bar do thos grol), le livre des morts proprement dit, traduit par un lettré tibétain, le lama Kasi Dawa Samdup, et un vaste commentaire de M. Evans-Wentz sur la doctrine du Mahayana, formant introduction et appendice. Les conditions dans lesquelles la tradition a été faite sont exceptionnelles. Les lamas lettrés réunissent bien rarement à la science propre de leur pays, la connaissance de l'anglais. M. Evans-Wentz qui s'efface modestement sous la désignation de « l'éditeur a de plus collaboré au choix si difficile des mots pour rendre le vocabulaire technique sanscrit et tibétain. Il présente également son commentaire et ses notes comme l'enseignement ésotérique de yogis et du lama Kazi Dawa-Samdup. L'appréciation est ici plus malaisée. Un enseignement de ce genre comporte de la part de celui qui le rapporte, une somme d'interprétation dont il est seul responsable. Mais il ne faudrait pas non plus que la mode fâcheuse des sciences hermétiques fit déprécier les recherches sérieuses sur le même objet.

De la traduction de ce Livre des Morts et de son commentaire, il se dégage des notions doctrinales précises. L'idéalisme bouddhique est exposé sous un jour assez nouveau. Il sort pour la première fois de la notion théorique telle qu'on la retire des textes et nous en voyons un aspect pratique qui est l'originalité du lamaïsme et aussi celle de ce livre. Pour le Tibétain qui va mourir et pour son entourage, la mort, les enfers et leurs dieux, la renaissance, sont des phénomènes causés, transitoires comme la vie elle-même, donc sans existence propre, sans réalité. La mort n'interrompt pas le mirage du samsåra. Aussi le Guide des Morts a-t-il pour but de combattre le mirage, immédiatement avant la mort et après. Il fournit au mourant qui a déjà réalisé le vide du Samsara, le moyen de reconnaître la réalité et de rompre à jamais la chaîne des existences. Il conduit les autres d'après le degré de connaissance qu'ils ont atteint et il dirige leur renaissance. L'état de conscience

post mortem, résultant du degré de connaissance ou d'ignorance du mort est son châtiment même. Il n'y a pas de cause extérieure, de juge ni de justice. Les dieux infernaux sont des représentations qui n'existent que dans l'esprit même des morts ignorants. Le Karma est plus que la causalité successive, plus que l'automatisme de l'effet-cause, c'est l'identité de la cause et de l'effet. C'est de tout cela que le mourant doit rester convaincu, ce qu'il ne doit рая perdre de vue, alors que la souffrance, l'agonie obscurcissent sa pensée, et ce qu'on lui lit à haute voix dans l'oreille.

Disons pour finir que le titre de Book of the Dead donné par M. Evans Wentz au Bardo Thödol est dû au rapprochement tout naturel qu'il fait avec le Livre des Morts égyptien. Thos grol résume un titre plus étendu dont le sens est « qui délivre par la seule audition ». Le livre est lu et il n'accompagne pas le mort dans la tombe, car il n'y a pas de tombe. Le cadavre, sauf de rares exceptions, est détruit, et cela nous transporte loin de l'Egypte. Les deux livres sont des Guides des Morts mais leurs usages sont différents. L'intérêt de cette publication déborde donc le cadre des études tibétaines et même l'histoire comparée des religions et des philosophies; il est général comme la mort elle-même dont la technique est exposée avec une précision et une hauteur de vue remarquables. J. BACOT.

JOHN P. BROWN. The Darvishes or Oriental Spiritualism (edited with introduction and notes by H. A. Rose). (Oxford Univ. Press, Milford, London, 1927, 496 p.).

On trouve plusieurs améliorations dans cette réédition d'un ouvrage publié en 1868 (Londres, Trubner).

Sommaire origine des ordres de derviches; les ordres primitifs et leurs dérivés; costumes; Rifa'iya; Naqchbendis; Beqtâchis; Malâmiyoun; vrais et faux derviches; Mavlavis; derviches persans ; derviches hindous; traduction de deux opuscules turcs, l'un sur la mystique, l'autre sur Ali.

Brown séjourna longtemps à Constantinople en qualité de secrétaire-interprète de la Légation des Etat-Unis d'Amérique; il put donc se renseigner sur place, et de première main, ainsi qu'il l'as

sure dans sa préface. Il a d'autre part utilisé les travaux de ses devanciers d'Ohsson, W. Jones, Malcolm, Lane, Ubicini, de Gobineau.

De même que plusieurs de ses contemporains, Brown croyait à la prépondérance absolue des doctrines hindoues dans le développement du çoufisme (voir p. 44-48); on sait que cette influence, si importante qu'elle soit, se trouve en réalité balancée par d'autres. Quant à son explication du mot « derviche >> «derviche» (« qui cherche la porte ») donnée p. 49, elle est tout à fait discutable l'étymologie reste incertaine.

Voici les améliorations dues à M. Rose. Des notes nombreuses et abondantes expliquent les noms propres et les termes techniques du texte et corrigent plusieurs des erreurs de détail commises par Brown. Les mots arabes transcrits à l'anglaise dans la première édition (ex. Rufâ'ees) ont été rectifiés, de même qu'un certain nombre de noms propres défigurés. Mais surtout, plusieurs chapitres s'enrichissent d'appendices importants : les précurseurs des Naqchbendis; les Suhrawardis (ch. vi); les Beqtàchis (ch. vII); généalogie du fondateur des Mevlévis; investiture du sultan de Turquie par leur chef (ch. x); quelques problèmes de l'histoire des Naqchbendis (p. 434-446); notes sur des ordres cités dans l'ouvrage (p. 447458). La liste des couvents de derviches de Constantinople, avec les jours de leurs exercices (Ire éd., p. 316-329) a été mise à jour, copieusement annotée et renvoyée à la fin du volume. Un index (qui manquait à la première édition) facilite les recherches. Quelques illustrations sans caractère ont été supprimées; de même, le chap. XII, simple reproduction d'extraits des Manners and Customs of the modern Egyptians de Lane.

En dépit de ses défauts de composition, et malgré qu'il ait vieilli sur plusieurs points, cet ouvrage méritait une réédition, car les chapitres consacrés aux derviches turcs gardent leur valeur documentaire.

Il y a lieu d'ajouter à sa lecture celle de l'important article de Samuel Anderson: Dervish Orders of Constantinople (The Moslem World, 1922, p. 56 sqq.). On y trouve une liste des 177 ordres de derviches existant actuellement à Constantinople. Un bureau de sept derviches (majlis-ul-machâïkh), désignés par le Cheikh-ul-Islam, siège quotidiennement (hors les vendredis et jours de fête) afin de sur

veiller les ordres de derviches et les couvents (tekké, tekieh; il y en a environ 300 à Constantinople). Dans les provinces, des bureaux secondaires (anjumen-è-mejlis) relèvent de ce bureau central; ils contrôlent le personnel, les finances et l'entretien des tekkés. Un formulaire des devoirs et pouvoirs de ces bureaux a été publié en 1916 (1334). Les tekkés furent confisqués en 1925. H. MASSÉ.

MEHEMMED-ALI-AINI.

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La quintessence de la philosophie de Ibni-Arabi (traduit par Ahmed Réchid, avec une lettre-préface de L. Massignon). (Paris, Geuthner, 1926, in-12, 106 p.).

Le texte turc de cet ouvrage, intitulé : Cheikh ekbéri nitchun severim (« Pourquoi j'aime le très-grand cheikh ») parut à Stambou! en 1923. Mehemmed Ali Aïni, après avoir occupé divers postes administratifs, devint professeur de philosophie à l'Université et à la Médréset-ul-irchad de Constantinople; il publia alors un lexique de termes philosophiques des langues étrangères; en outre, il traduisit un ouvrage de J. Payot et les deux monographies que Carra de Vaux a composées sur Ghazali et Farabi.

Dans un premier chapitre, Aïni explique pourquoi il choisit pour maître Ibn-al-A'rabi (je transcris son nom directement de l'arabe : Ibn-i-Arabi est une transcription turque). On sait que ce raystique, peut-être le plus grand du monde musulman, naquit à Murcie en 1165 et mourut à Damas en 1240 après un long séjour en Orient. Son influence, grâce à ses très nombreux ouvrages, fut considérable; aussi compte-t-il autant de détracteurs que de partisans. L'apologie d'Aïni n'est pas la première : Cheikh Mekki en avait autrefois composé une, sur l'ordre du Sultan Sélim I; Béha-ed-Din Zadé écrivit une défense de la philosophie d'Ibn-al-A'rabi. Il est presque superflu de rappeler les beaux travaux d'Asin Palacios et de Nicholson.

Comment Aïni résume-t-il cette philosophie?

Après un court chapitre sur le Djafr (méthode consistant à prédire l'avenir en assignant des valeurs numériques aux lettres de l'alphabet (voir l'art. in Encycl. Islam) auquel Ibn-al-A'rabi consacra certains de ses ouvrages, Aïni expose quelques-unes des idées métaphysiques de

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