Slike strani
PDF
ePub

peuple. L'élection de Langton lui fit encourir l'opposition papale. Sa paix définitive fut achetée par la reconnaissance de la souveraineté du pape. Le 15 mai 1213, le roi « accorda et céda complètement à Dieu, à ses Saints Apôtres Pierre et Paul, à la Sainte Mère Eglise de Rome, au Pape Innocent et à ses successeurs catholiques, tout le royaume, d'Irlande, et s'engagea à les tenir dorénavant comme feudataires de Dieu et de l'Eglise de Rome» (1); puis après avoir fait hommage et juré fidélité au représentant du pape, il reçut à nouveau le pays. Il s'engagea de plus à payer un tribut annuel de 1.000 marcs en remplacement de ses services féodaux ordinaires.

Telle était la position de l'Eglise en Angleterre, quand un garçon de dix ans fut appelé au trône. L'ile avait été incorporée dans le domaine du pape. On ne peut donner de meilleur témoignage du triomphe de Rome qu'en confrontant les paroles du Conquérant normand en 1066 et celles de Jean en 1213. Guillaume dit « Je n'ai pas juré et je ne jurerai pas une fidélité que mes prédécesseurs n'ont jamais jurée aux vôtres », et Jean, cent cinquante ans plus tard, reconnait qu'il « accorda et céda entièrement à Dieu, à ses saints Apôtres Pierre et Paul, etc... tout le royaume, d'Irlande, etc... >>

:

En apparence, la victoire du pape était complète. Il appartenait au règne suivant de prouver la valeur réelle de cette victoire. Rome serait-elle capable de triompher de l'esprit que représentait Guillaume?

Les forces qui avaient travaillé pendant ces cent cinquante ans, allaient se manifester. La conception de propriété personnelle de la couronne avait commencé à recevoir une nuance nationaliste et anglaise. Bien qu'Henri II fût étranger, cet Angevin fut un créateur de choses anglaises. Ses réformes administratives

(1) K. Norgate, John Lackland, Londres, 1909. p. 180; pour un récit des relations pontificales pendant le règne, voir ch. v, excellent document. Pour des documents relatifs à la renonciation de Jean, voir Gee et Hardy, op. cit., pp. 75-77.

et légales devaient nécessairement faire naître chez les Anglais un sentiment de conscience d'eux-mêmes, et de leurs institutions particulières.

D'ailleurs, on voit dans le règne de Jean un excellent exemple de cette conscience de classe «< anglaise ». La révolte des barons pour maintenir leurs droits contre l'extension arbitraire du pouvoir royal avait en soi un germe qui, sous des conditions favorables ou défavorables (selon le point de vue auquel on se place), pourrait être cause qu'une intervention étrangère extérieure prit rapidement un aspect nationaliste distinct ou tout au moins pro-anglais.

L'Angleterre pour les barons anglais et le clergé »> était un refrain qu'on pouvait d'autant plus facilement chanter depuis la fusion à Runnymede, et la pratique qu'on y avait acquise, L'Angleterre allait-elle accepter ce que Jean avait apparemment fait lorsqu'il se déclara vassal du pape ? Les forces qui avaient eu tendance à s'unir dans le courant de la lutte contre Jean, lutte qui avait eu pour mobile le désir des nobles d'être reconnus comme << classe consciente >> trouveraient-elles maintenant que la nature anoblirait les adversaires du pape en leur conférant le titre d'« adversaires de Rome » et « défenseurs de l'Angleterre ! >>>

Quelque 500 ans plus tard, une lutte tout à fait différente vit les mêmes « forces de la nature » transformant une opposition en nationalisme. « La dernière cause de cet esprit désobéissant... est à peine moins puissante que les autres, puisqu'elle n'est pas simplement morale, mais profonde, dans la constitution des choses. Trois mille milles d'océan s'étendent entre vous et eux. Rien ne peut empêcher cette distance d'affaiblir le gouvernement. Les mers roulent, les mois passent entre l'ordre de l'exécution, et le manque d'explication rapide d'un simple point suffit pour faire échouer tout un système... Dans les grandes organisations. la puissance de la circulation du pouvoir doit être moindre aux extrémités. La Nature l'a dit... Il faut des rênes lâches à celui qui gouverne; et toute la force et toute

la vigueur de son autorité dans le centre dérivent d'une dente détente à la périphérie (1). »

pru

Le problème ne fut jamais mieux posé. Innocent et ses successeurs pouvaient essayer d'étendre la Monarchie papale audelà de la théorie et du formalisme, pouvaient même régir les choses spirituelles, pouvaient imaginer des « provisions » pour se nourrir du sol anglais; mais la nature n'avait-elle pas placé l'Angleterre au-delà de l'étendue des « puissantes circulations ? >> En un mot le problème se résout en prouvant la justesse des observations de Burke et par là on répond aux propositions énoncées par le Cardinal Gasquet (2).

CHAPITRE II

LA RÉGENCE

L'acte de renonciation de Jean semble à quelques-uns avoir été plus une formalité qu'un fait. Il n'en était rien en ce qui concernait le Vicaire du Christ. La Curie romaine interpréta son acte comme une renonciation totale. Ainsi qu'il est attesté dans le certificat d'absolution que produisit le nonce du pape : Que tout le monde sache que, par la grâce de Dieu, le roi s'est transformé depuis qu'il a reconnu l'Eglise romaine pour mère. Il a rendu l'Angleterre et l'Irlande vassales de la Sainte Eglise catholique romaine et a donné son susdit territoire à Dieu, à ses Saints Apôtres Pierre et Paul et au Pape souverain, comme patrimoine. Lui et ses successeurs les tiendront dorénavant du pape et de ses successeurs >> (3).

Henri III n'était qu'un enfant. Ce n'était que sa jeunesse qui

Speech on Conciliation with America

(1) E. Burke, « English Prose Selections, éd. par H. Clark, New-York, 1900, IV, pp. 384-385. (2) Bien entendu, la solution finale du problème n'est pas à proprement parler le but de cette étude, car c'est à un autre Henri (Henri VIII) de donner une solution à la question.

(3) F. A. Gasquet, Henry III and the Church, p. 3.

maintint la dynastie sur le trône. Car toute l'Angleterre affligée pouvait accepter cet innocent enfant. De plus, l'Eglise tint à ce que le pays remplit son devoir vis-à-vis de la convention. Le légat fut une des principales figures de la lutte qui plaça l'enfant sur le trône. Il soutint le jeune roi de tout le poids de sa position et de l'autorité papale. Gualo assista au couronnement. Gracieusement et diplomatiquement, il céda le pas à l'archevêque de Cantorbéry dans les cérémonies.

Il employa l'interdit contre tous les districts favorables à l'envahisseur français (1). L'action du pape était si puissante qu'en 1217 le légat transforma la guerre en croisade et tous ceux qui avaient eu l'intention de se joindre à l'armée des Croisés à l'étranger furent vivement engagés à rester aux côtés d'Henri III (2). Avant une bataille (19 mai, 1217), Gualo excommunia les assiégeants de Lincoln et répéta sa sentence contre Louis (3). Ainsi Rome combattit-elle pour le roi.

Le légal fut aussi actif dans la négociation de la paix qu'il l'avait été dans la conduite de la guerre. Son rôle fut d'une telle importance qu'on le trouve même refusant de traiter avec les négociateurs français jusqu'à ce que la délégation eût renvoyé certains clercs que Louis y avait fait figurer. Ce dernier s'inclina. Après que Gualo eut conclu la paix avec les Français, il donna l'absolution à l'envahisseur. La paix fut officiellement confirmée par le représentant du pape le 14 septembre 1217, et pour mettre la dernière main à cette affaire, Louis fut conduit à Douvres par le légat. Le roi dans sa jeunesse s'abandonna aux soins particuliers des légats Gualo et Pandulph. Plus tard, il se reconnut redevable à Rome de ses services pendant cette période, déclarant que : « Quand nous étions privés de notre père dans notre tendre enfance, que nos sujets se tournaient contre nous, ce fut la Sainte Eglise Romaine, notre Mère, par le cardinal Gualo, alors légat en Angleterre, qui ramena notre

(1) K. Norgate, The Minority of Henry III, Londres, 1912, p. 15, ciaprès cité Henry III.

(2) Ibid., p. 25. (3) Ibid., p. 33.

royaume sous notre pouvoir, nous sacra roi, nous couronna et nous plaça sur le trône ». (1).

La position du légat fut reconnue comme suprême par tous ceux qui étaient en étroite liaison avec la Régence. Le 11 novembre 1216, on réunit la Régence et Gualo présidait, « représentant le pape >> (2). Jean, en se faisant vassal du pape, avait placé en effet son fils, encore mineur, selon les lois, sous l'égide d'Honorius. Mais le légat lui-même reconnut la nécessité d'une personne populaire et énergique, qui connaitrait aussi bien les forces politiques générales que les jeux muets du pays. Gualo n'était en Angleterre que depuis quinze mois lorsque Lackland mourut. Aussi fit-il place prudemment à celui qui, selon la plupart des nobles, possédait les véritables qualités d'un régent, exerçant ses pouvoirs de suggestion et de veto pour veiller sur l'intérêt du souverain des souverains le pape. Il préférait agir au nom du régent anglais, le maréchal. Car en théorie, du moins, Guillaume était responsable vis-à-vis de Gualo. Cet aspect du contrôle papal au moyen de la régence se démontre par l'action du pape concernant la véritable composition de la régence. A cause de l'âge avancé du maréchal, certains suggérèrent au pape de nommer le comte de Chester comme co-régent. Honorius soumit l'affaire à Gualo afin qu'il la considérât et qu'il agit. Le légat dut donner le coup de grâce à la chose, puisqu'on n'en entendit plus parler (3).

Il y a une autre classe d'évidence qui montre la position du représentant pontifical dans la régence. Les nobles se ressentaient tout naturellement de cette double régence, l'une officielle (celle de Guillaume) et l'autre personnelle (celle de Gualo) et désiraient qu'Henri fût libéré de toute influence.

Dans cette tentative de faire agir le jeune roi par lui-même, quelques-uns voient que les nobles tâchaient d'éviter une seconde régence, car ils n'ignoraient pas que le maréchal était près de sa mort et que Gualo lui-même était sur le point de se retirer.

(1) H. R. Luard, éditeur, Grosseteste Epistulae, Londres, 1861, p. 339. (2) Cité par Norgate, Henry III, p. 9.

(3) Ibid., p. 72.

« PrejšnjaNaprej »