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des femmes très belles, très claires de peau. Mais les gens qui les ont vues ainsi deviennent aveugles au bout d'une année.

Lorsqu'un étranger arrive auprès d'une eau hantée par les seraël, s'il s'y baigne, s'il s'y lave les pieds ou même boit de l'eau dans le creux de sa main, la vengeance des génies s'exerce sans tarder les parties du corps qui ont touché l'eau gonflent immédiatement et la personne meurt en peu de temps. On peut éviter le mal en employant comme gobelet une feuille d'arbre pliéc et en puisant avec, sans toucher l'eau avec la main.

Les gens qui habitent dans le voisinage des eaux hantées ne sont pas exposés aux mêmes dangers que les étrangers. Ils disent que les seraël sont leurs amis, qu'ils leur permettent de laver leur linge et de puiser de l'eau pour leur usage. Toutefois, quand ils veulent se baigner, ils invoquent au préalable les génies de l'eau en ces termes « O seraël, je suis ton parent, ton ami, soismoi favorable ».

Lorsque quelqu'un du pays rentre chez lui après une longue absence, il lui faut faire de nouveau amitié avec les seraël avant de puiser de l'eau. Un de ses parents l'amène sur la rive et dit « Celui-là est de notre village; il est revenu; qu'il soit votre ami »>.

Les seraël sont suivant les personnes de bons ou de mauvais génies. Lorsque des gens sont leurs amis, ils viennent vers eux et sans être vus leur murmurent de bons conseils. Ils diront au guerrier quel est le jour favorable pour partir à la guerre, au cultivateur quel jour il convient de faire les semailles, le préviendront des orages possibles au moment de la récolte; ils donnent des conseils sur les transactions commerciales, annoncent les morts de belles-mères (!), et favorisent leurs amis de toutes

manières.

S'il s'agit au contraire de leurs ennemis, les seraël leur jouent des tours variés. Ils leur donnent de mauvais conseils, propres à leur faire perdre de l'argent ou à altérer leur santé ; ils les font passer de nuit sur le bord de précipices et parfois les poussent dedans, sans toutefois les tuer. Dans la maison, ils renversent la marmite au moment du repas, ou le lit lorsque le mari est accou

plé avec sa femme, au moment de la jouissance; d'autres fois, à ce moment précis, ils ouvrent la porte pour faire sauver les mulets. Certaines gens en arrivent à se suicider lorsqu'ils se rendent compte qu'une longue suite de malheurs ne peut leur venir que des seraël.

Les seraël attirent chez eux des adolescents choisis parmi les plus beaux du village, jeunes gens et aussi jeunes filles (ceci est surtout une croyance de la province Agamyé). Les enfants des jeunes hommes et des seraël sont aussi des seraël. Les jeunes hommes sont souvent mal vus et molestés par les génies au milieu desquels ils vivent. En général les seraël restituent au bout de quelque temps les jeunes gens qu'ils ont emmenés.

On croit qu'à proximité des eaux hantées chaque convive d'un repas a auprès de lui un seraël invisible qui participe d'une certaine manière à l'absorption de nourriture.

Un certain aveugle, qui était connu du principal informateur de M. R. Chambard dans l'Agamyé, était très ami des seraël et passait chez eux une semaine sur deux. Il habitait au sommet d'une montagne abrupte, percée de grottes peuplées de génies. Un des seraël venait au soir offrir à l'homme en question (sans doute alors qu'il n'était pas encore aveugle) de venir chez eux. Lorsqu'il acceptait, il était emmené à travers les airs jusque dans une grotte, restait une semaine et était ensuite ramené chez lui. Il racontait alors aux villageois des environs ce qu'il avait vu. Les seraël, disait-il, vivaient comme des humains, mangeant du ragoût, buvant de la bière, dormant sur des lits. La seule chose qui le choquait est que souvent ces femmes génies faisaient l'amour entre elles. Les seraël lui faisaient part de ce qui devait arriver aux gens du village voisin.

Ainsi, au moins dans un canton d'Abyssinie, on retrouve l'équivalent du nom même de sirène appliqué à des êtres surtout aquatiques, ce qui rappelle la manière dont on en est venu à se représenter les sirènes dans l'Europe occidentale (voir Déonna, La Sirène, femme-poisson, dans la Revue archéologique, 1928).

Il resterait à examiner dans toutes les régions d'Abyssinie la question des génies, sous quelque dénomination qu'ils se présen

tent, en recherchant en particulier dans quelle mesure les géniescharmeurs d'une part, les génies aquatiques d'autre part, sont distingués des autres par leur nom et par leur sexe supposé. Voir à ce sujet M. Cohen, Cérémonies et croyances abyssines dans R. H. R., sept.-oct. 1912, p. 16-17, et M. Griaule, Livre de recettes d'un dabtara Abyssin, à paraître en 1930, Appendice; M. Griaule n'aura pas manqué de rapporter de nouveaux documents de son voyage en Abyssinie (1928-1929).

Voici enfin, à ce sujet, quelques indications livresques, qui complètent celles qui ont été données dans le mémoire cité p. 94, et montrent en somme les sirènes, sous leur ancienne forme éthiopienne, au milieu de génies terrestres et non «< charmeurs ».

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Le traducteur éthiopien du Physiologus (voir ci-dessus p. 96), vers le vire siècle, ou un lettré postérieur, a inséré dans le chapitre sur les sirènes (sirēnis) une citation libre (semble-t-il) de Isaïe disant que celui-ci a mentionné comme dansant dans les ruines de Babylone « les génies (paganǝnt), les sirènes (sēdē nātāt) et les êtres [c. à d. apparemment les êtres mystérieux] (kawānyāt) (p. 13 de l'édition Hommel). Il ne semble pas que ce passage du Physiologus ait été utilisé par les lettrés abyssins pour leurs commentaires des passages bibliques où figurent les sirènes, soit comme sērīnīs, sirnōn, soit comme şēdēnāt et formes voisines. Au XVIIe siècle Gorgorios, savant de l'Amhara, n'a pas fourni à Ludolf le mot sous sa forme avec r. Pour la forme avec d, le Lexicon de Ludolf (1699) col. 597 donne șēdānat « lamia sylvestris, stryx », pluriel ṣēdānatat« fauni» (avec renvoi à Isaïe, 13, 22); Ludolf renvoie luimême à sa colonne 515 où se trouve citée la formule suivante, extraite du recueil intitulé Orgue des hymnes de la Vierge : [sauve-moi] samṣēdānatāt wamaṣṣām[o] waɔəmk"əllü ḥayla sagănant « a lamiis sylvestribus et angelo mortis et ab omni vi daemonum »; il extrait aussi d'une suite magique [sauve-moi] samdədəq zawosta māyāt « a larvis aquaticis » vel << Sirenibus, quae in aquis sunt ». Pour le mot massam, Ludolf dit à la colonne 593: « De spectris sive phantasmatibus quae circa moribundos vel visa vel metu credita sunt, accipitur... Malaka

mot angelum seu nuncium mortis Aethiopes vocant ». Dillmann, Lexicon donne non pas mașɛam mais mașɔamo (ou mașɛamo) avec le sens de « écho », et d'autre part reproduit une glose de lexicographe sēdēnyat et massami ange de la mort.

Les sorael sont nommés parmi des démons et des maladies dont il s'agit de se défendre dans les premières lignes d'un rouleau magique conservé à la Bibliothèque Nationale (Fonds éthiopien no 183, signalé par M. Aeškoly-Weintraub).

En résumé l'Abyssinie montre les sirènes sous différents aspects, de l'ondine au messager de la mort, et on y constate la persistance d'une fête des sirènes recouverte, mais non tout à fait oblitérée par une fête chrétienne.

Marcel COHEN.

REVUE DES LIVRES

Analyses et Comptes Rendus

SYRIA, Revue d'art oriental et d'Archéologie, t. VIII, 368 p., 95 pl., nombreuses figures. Paris, Paul Geuthner, 4o 1927.

Le huitième volume annuel de Syria, paru comme les précédents en fascicules trimestriels, est digne de ses devanciers et contient comme eux des articles de fonds, de très nombreux compte-rendus, des nouvelles archéologiques; l'ensemble de la collection forme une histoire des travaux récents et y ajoute une série d'études de première importance sur tout ce qui touche à la Syrie depuis les temps les plus reculés.

Dans ce tome VIII, avec M. E. Passemard (p. 342-351), nous remontons à la période du chalossien, c'est-à-dire à une industrie du paléolithique inférieur plus ancienne que le chelléen. De cette industrie des spécimens ont été trouvés vers 1922 par Pierre Dubalen en Chalosse, dans le département des Landes. Dans la plaine de l'Abbassieh, près du Caire, en Egypte, le P. Bovier-Lapierre a retrouvé des séries analogues, mais plus complètes, car elles permettent de distinguer dans le chalossien trois types successifs. La même industrie a dû être répandue sur tout le pourtour de la Méditerranée; actuellement on ne la connaît, outre les deux régions précédemment indiquées, qu'en Syrie, à Djezzin (fouilles de l'Université américaine de Beyrouth), à Sinn-el-Fil et au Ras-Beyrouth (fouilles du P. Bovier-Lapierre).

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