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II

y aperçut deux souliers de soie rouge avec des broderies. Ils étaient neufs et sans poussière. Appuyé au mur était un bâton de bambou. L'empereur mit les souliers, saisit le bâton et sortit du tombeau. Soudain un tableau apparut où étaient écrit quelques vers:

Tsin-Schi-Huang a détruit six royaumes, il a ouvert mon tombeau et y a trouvé mon lit. Il a volé mes souliers et saisi mon baton. Quand il vint à Schakiu, il y trouva la mort.

Effrayé, Tsin-Schi-Huang fit refermer le tombeau; mais à peine fut-il arrivé à Schakiu qu'il fut pris d'une grave maladie dont il mourut en peu de temps.

L'empereur Tsin-Schi-Huang régna vers l'an 220 avant notre ère. Il fut le dernier de la dynastie Tsin et ne jouit pas de la meilleure réputation, pas plus d'ailleurs que Balthassar, Xerxès, Hormuzd IV et Rodrigue. Mais à part cela, le récit chinois montre toujours la ressemblance la plus frappante avec le texte d'Elien, vu que dans les deux il s'agit de la violation d'un ancien tombeau et d'un écrit mystérieux prédisant la ruine prochaine du monarque sacrilège.

J'ai tâché ailleurs de développer la genèse de la légende et d'expliquer comment elle en vint à se rattacher à ces monarques divers (1), et point n'est nécessaire de répéter ici mes arguments. Qu'il suffise de souligner que la légende biblique du festin de Balthassar, d'une rare beauté et qui n'a pas échappé à deux des plus grand poètes du siècle passé, à savoir Lord Byron et Henri Heine, provient du même tronc vétuste dont se sont développées plus tard les légendes de Xerxès et de la Maison fermée de Tolède, pour ne rien dire de l'épisode du Livre des Rois et du récit chinois. C'est ce qui nous permet de conclure qu'originalement notre légende était bien attachée à quelque monarque babylonien, peutêtre à Nabonède lui-même qui, dans ses efforts continuels de se concilier les dieux, a bien pu violer, sans le vouloir, la ruine d'un vieux sanctuaire frappé d'un tabou par les prêtres de Marduk ses ennemis acharnés.

Paris.

Alexander Haggerty KRAPPE.

(1) Bulletin Hispanique, loc. cit.

STATUETTE D'UN DIEU ANATOLIEN

La statuette que représente notre planche est celle d'un dicu barbu, debout, la jambe gauche légèrement avancée. Les coudes sont collés au corps, et les avant-bras projetés horizontalement: aujourd'hui brisés, ils devaient tenir les attributs divins. La tête est coiffée de la tiare. Sous le manteau, un ample châle dont quelques coups de burin semblent indiquer les franges, le dieu porte une très longue robe, que l'artiste a su imposer à l'attention en étalant largement ses plis sur les pieds, dont elle ne laisse voir que l'extrémité. Enfin le cou est paré d'une lourde torsade à laquelle pendent trois bulles, formées comme des bourses ovoïdes. Ce petit bronze, haut de 10 centimètres, est dans le cabinet de M. Casimir Dupont, qui m'a fort obligeamment permis de l'y photographier pour les lecteurs de la Revue de l'Histoire des Religions. Bien qu'il ait été vendu à cet amateur comme provenant de Grèce, son aspect trahit une origine orientale, et plutôt que de supposer en Grèce propre un culte qui y resterait problématique, on admettra volontiers qu'il s'agit d'un de ces nombreux objets qu'ont emportés dans l'exil, il y a peu d'années, les malheureuses populations chassées d'Asie Mineure. A défaut d'avantages artistiques, cette statuette a le mérite assez rare de figurer un dieu dont l'aspect n'est encore hellénisé qu'à demi. Sauf le visage, où flotte le souvenir majestueux d'un Zeus grec, sauf la chevelure roulée autour de la tête et réunie sur la nuque en un chignon assez classique (fig. 1). tout paraît barbare.

Déjà le port de la statue fait penser à l'Asie. Aucune image peut-être ne rappelle mieux notre petit bronze que celle de Jupiter Damascène, frappée sur quelques tétradrachmes d'Antio

chus XII (1). Si la jambe gauche, légèrement avancée, et si le jeu des draperies marquent déjà quelqu'affranchissement de la raideur primitive, les deux avant-bras gauchement projetés en avant restent les témoins d'un stade artistique que la plupart

des idoles d'Asie-Mineure et de Syrie n'ont jamais dépassé. Le simulacre primitif n'était manifestement qu'un simple pieu, sur lequel on s'était borné à fixer des extrémités façonnées, tout en modifiant le moins possible son aspect hiératique. Celui-ci est même généralement renforcé par une gaîne métallique comme celle de l'Artémis d'Ephèse, à l'imitation de laquelle les sanctuaires d'Asie-Mineure et de Syrie, où les procédés de l'art grec ne pénétraient que lentement, se peuplèrent facilement d'images dont la barbarie originelle n'était voilée qu'à peine (2). Quand la gaîne manque, on a l'aspect que présente notre statuette. Outre le Baal de Damas, on en peut rapprocher l'image singulière que figurent certaines monnaies d'Aphrodisias, celle d'un Zeus barbu et radié, dressé comme un pilier entre deux arbres, et en qui l'on reconnaît ordinairement Zeus Ascraios (3). Tous trois portent

Fig. 1.

(1) Imhoof-Blumer, Monnaies grecques, p. 437 Dussaud, Syria 3 :

1922,

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(2) Les images engaînées n'apparaissent pas avant la fin du 2e s. avant J.-C., où certains cistophores représentent Artémis d'Ephèse ainsi affublée : Brit. Mus. Cat. 13 (Ionia), p. 65, no 158. Sur les simulacres de ce

Fredrich à propos de celui de
Mitt. 22, 1897, p. 361-380; cf.
Dussaud, Heliopolitanus (Pauly-
1, p. 363.
Il est clair que

type, on peut consulter ce qu'a dit M. la grande déesse d'Aphrodisias : Ath. Hogarth, Excav. at Ephesus, p. 329 s.; Wissowa), p. 52, et Rev. archéol., 1903 l'analogie de ces images avec les momies égyptiennes, dont M. Meurer a tiré argument (Röm. Mitt. 29 1914, p. 200 s.), est absolument superficielle, (3) Brit. Mus. Cat. 21 (Caria, etc.), pl. 19, no 2; autres exemplaires Cook, Zeus 2, p. 872; Imhoof-Blumer und Keller, Tier-und

plus nets

:

la même longue tunique quasi féminine, dont les derniers plis s'écartent à peine pour laisser passer la pointe des pieds. C'est là encore un costume bien asiatique, impossible à confondre avec la tunique talaire des Grecs. Celle-ci, qui n'était déjà plus qu'un archaïsme à l'époque classique (1), se donnait encore souvent aux images des dieux; mais c'était un ample vêtement, soutenu par les épaules et par la ceinture de manière à descendre jusqu'au sol en larges plis verticaux, tuyautés, flottants, un vêtement sans rapport avec ce fourreau étroit et long dans lequel les pieds de la statuette semblent comme embarrassés. Au contraire, Jupiter Héliopolitain à Baalbek, Zeus Stratios à Labranda, les dieux engaînés de la Syrie et de l'Anatolie, dont nous avons déjà parlé, sont ainsi vêtus. La gaîne ne recouvre jamais entièrement leur costume originel, une longue tunique à manches, dont le bas dépasse pour s'étaler sur les pieds. Ce vêtement n'est qu'une survivance de la longue robe de lin que les peuples de l'Asie, Syriens, Assyriens, Perses, Hittites, semblent avoir porté depuis les temps les plus anciens. Peut-être ce goût oriental des étoffes enveloppantes n'a-t-il pas été sans influence sur le vêtement des loniens à la tunique traînante (2), sur celui que porte aux Branchides le dynaste carien de Teichiussa (3), sur celui qu'attribue le vieil Asios aux Samiens, qui, se rendant au sanctuaire de Héra, drapés dans leurs beaux vêtements, balayaient de leurs tuniques neigeuses le sol de la vaste terre (4). Jusqu'à une époque

Pflanzenbilder auf Münzen und Gemmen, pl. 10, no 41. Cf. Schaeffer, De Jove apud Cares culto (Diss. Halens. 20 1912), p. 406.

(1) C'est à ce titre qu'elle est portée par les prêtres, ou par certaines corporations comme les aulètes, les citharèdes, les auriges. Tout comme la robe asiatique, dont il va être question, la tunique talaire est regardée comme un vêtement féminin. Pausanias raconte que le jeune Thésée, arrivant à Athènes pour la première fois, et vêtu d'une tunique talaire, Xiv Todρ, fut pris pour une jeune fille à marier par les ouvriers qui travaillaient à la couverture du Delphinion:

(2) Iliad. 13. 685; Hymn. 1. 147.

I. 19. I.

:

(3) Perrot et Chipiez, Histoire de l'Art 8, p. 273. Voir aussi la statuette présumée d'un mégabyze d'Ephèse Hogarth, Excav. at Ephesus, pl. 21 et 24; Picard, Ephèse et Claros, p. (4) Asius ap. Athen. 12. 28, p. 525 f φοίτεσκον. . . εἰς Ηρας τέμενος, πεπυκασμένοι είμασι καλοῖς, χιονέοισι χιτῶσι πέδον χθονὸς εὐρέος εἶχον.

179 s.

avancée, cette mode asiatique avait gardé la faveur de quelques nations imparfaitement hellénisées de l'Anatolie, comme les Lydiens, dont la bassara est décrite par Pollux comme une tunique talaire (1), et l'on sait assez que l'usage s'en est conservé jusqu'aujourd'hui dans plus d'une contrée de l'Asie. On en peut dire autant de la tiare que porte notre statuette: son type est presqu'exactement celui que décrit S. Jérôme (2), et celui dont se coiffent encore maintenant les indigènes de la Syrie.

Le seul détail de notre bronze qui permette une hypothèse un peu plus précise sur son origine est le collier que le dieu porte à son cou. Il arrive assurément que les dieux syriens soient parés de bulles (3). Plusieurs monuments représentent Jupiter Dolichénien et la triade d'Héliopolis porteurs d'une bulle ou même d'un véritable collier de bulles. Mais ces bijoux sont toujours façonnés à la romaine, d'une forme lenticulaire, déprimée. La bulle piriforme, telle que la porte notre statuette, semble bien n'avoir son parallèle qu'en Lydie et en Carie. Un collier à trois bulles, absolument identique au nôtre, orne l'idole de Zeus Stratios. très clairement figurée sur les monnaies de Mylasa (4) et sur un bas-relief copié par Wood dans cette ville (5). Un ornement semblable, mais amplifié aux dimensions d'un pectoral d'apparat, sur lequel une multitude de bulles stylisées avait pris l'apparence de mamelles pendant en rangs serrés, explique la polymastie illusoire d'Artémis Éphésienne, et celle plus étrange encore de Zeus Stratios lui-même (6). Enfin vers le Nord, la grande déesse de

(1) Pollux 7. 6ο Λυδῶν δὲ χιτών τις βασάρα, Διονυσιακός, ποδήρης. (2) Hieronym., Epist. 64, 13.

(3) Pour Jupiter Dolichénien, voir le bronze de Vienne : Ed. Meyer, Reich und Kultur der Chetiter, pl. 16; pour la triade héliopolitaine, un relief du Palatin : Paribeni, Bull. de la Soc. archéol. d'Alexandrie 3 1910, pl. 8.

(4) Brit. Mus. Cat. 21 (Caria etc.), pl. 22, no 5.

(5) Wood, Ephesus, p. 270; Foucart, Le Zeus Stratios de Labranda (Monum. Piot 18 1911), p. 163; cf. Journ. Hell. Stud. 36 1916, p. 65 s. (6) Meurer, Die Mammae der Artemis Ephesia (Röm. Mitt., 29 191. p. 200-219). Cette théorie est contestée, mais sans grande raison semble-t-il, par M. Cook (Zeus 2, p. 595), selon qui la polymastie serait réelle et empruntée à la grande Mère. Mais ailleurs (p. 410), M. Cook en

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