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Lydie porte souvent un collier qui ne diffère du nôtre que par le nombre plus grand de ses bulles, comme on voit notamment sur les monnaies de Gorde, et sur quelques autres (1). Nous ne pensons pas que d'autres régions aient fourni jusqu'ici des ornements de cette espèce. On aimerait en savoir l'origine : il est notable que les Hittites ne paraissent avoir rien connu de tel.

Sans doute ce bijou, comme la bulle étrusco-romaine, est-il l'étui d'une amulette, aussi nécessaire aux simulacres des dieux qu'aux mortels. Il semble bien, jusqu'à nouvel ordre, que l'on doive regarder notre statuette comme celle d'un dieu carien ou lydien.

Otto Gruppe, dans l'article qu'il a écrit sur Héraclès pour l'encyclopédie de Pauly et Wissowa, a supposé que la fable où le héros prend les habits d'Omphale n'avait peut-être d'autre origine qu'un costume asiatique porté par le grand dieu anatolien de Sardes. Cette hypothèse est assez plausible en soi, et pourrait recevoir de notre statuette un nouvel argument. Les robes traînantes des Asiatiques semblent avoir passé tout-à-fait couramment aux yeux des Grecs pour des vêtements féminins. Rien n'est plus caractéristique à cet égard que la description donnée des Perses par Strabon ils sont vêtus en femmes, et tiendraient ce costume, selon quelques-uns, de Médée (2). Et si Ctésias, qui devait pourtant connaître les modes perses à merveille, attribue une robe féminine à Annaros satrape de Babylone et à Sardanapale (3), c'est qu'il ne s'agit, pour ce conteur d'histoires, que de corser aux yeux de ses lecteurs le portrait de deux efféminés illustres, dont l'existence semblait justifier ce costume paradoxal. Il est même permis de se demander, en dépit de ce

:

voit l'origine dans le collier de glands d'Artémis Éphésienne, ce qui se rapproche de la théorie de M. Meurer, mais est moins vraisemblable qu'elle. (1) Brit. Mus. Cat. 16 (Lydia), pl. 10, no 3; Radet, Cybébé, pl. 4. Monnaie de Silandus: ibid., no 3.

no 2.

(2) Strabo, p. 526.

(3) Ctesias, ap. Athen. 12. 40, p. 530 d; 12. 38. p. 529 a.

qu'ont répété les Grecs et les Romains, si les Galles de la GrandeMère et ceux de la Déesse Syrienne ont porté d'abord autre chose que le costume de tous les prêtres asiatiques, et si leur mollesse, suite de l'éviration, n'est pas pour beaucoup dans la comparaison que l'on a faite de leur vêtement avec celui des femmes.

Le cas de l'Héraclès de Sardes, costumé en femme, peut difficilement être séparé de deux autres témoignages que nous possédons sur un rite analogue dans le culte du même dieu en Asie. Nicomaque de Gérasa raconte que dans les mystères d'Héraclès les hommes se paraient de vêtements féminins (1). Comme nous ignorons tout de ces mystères, la nature du rite est obscure, mais le témoignage garde sa valeur pour le fait. D'autre part une notice étiologique de Plutarque (2) nous apprend que le prêtre d'Héraclès à Cos officiait vêtu en femme, et que l'on expliquait cet usage singulier par la commémoration d'un épisode où le fils d'Alcmène aurait été obligé de se réfugier chez une femme pour échapper à ses ennemis, et de prendre son costume; c'est pourquoi le prêtre allait officier sur le lieu du combat, qui s'appelait Antimachie, et c'est aussi pourquoi, ajoute Plutarque, les mariés mettent un vêtement féminin pour recevoir leur épouse. M. Nilsson, qui a discuté ce passage (3), a pensé que le rite nuptial et celui du culte d'Héraclès avaient un rapport entre eux, et il s'est appuyé sur le fait que d'une part les questions matrimoniales paraissaient jouer un rôle important dans le thiase d'Héraclès Diomedonteios à Cos (4), que d'autre part une loi sacrée de la même île (5) prévoit un sacrifice à Héraclès ; Kovozov, lieudit dont le nom rappellerait singulièrement celui des zovisko: beo, qui sont des démons

(1) Nicom. Geras., ap. Joh. Lyd.. De mensibus 4. 67 (p. 120 Wünsch) διὸ δὴ καὶ ἐν τοῖς τούτου μυστηρίοις τοὺς ἄρρενας γυναικείαις στολαῖς κοσμοῦσιν. (2) Plutarch., Quaest. graec., p. 304 c.

(3) Nilsson, Griech. Feste, p. 451 s.

L'exégèse de M. Farnell (Greck

Hero Cults, p. 165), qui suppose une hiérogamie dont rien ne fournit l'in

dice, ne paraît pas très probable.

(4) Prott et Ziehen, Leges Graecor. sacrae 2, no 144.

(5) Ibid., 1 no 7; voir le commentaire de M. Nilsson, loc. cit.

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phalliques. Il s'ensuivrait qu'Héraclès serait à Cos un démon phallique du printemps, dont le rapport au mariage s'expliquerait sans peine et qui aurait été vêtu en femme, selon selon une coutume bien attestée par le folklore, comme un de ses congénères crétois, Leucippe. Pour nous, nous avouerons que les préoccupations matrimoniales du thiase d'Héraclès Diomedonteios nous paraissent naturelles dans une société de caractère familial avéré. Quant au lieudit Koni]salon, sa restitution est encore hypothétique, et dût-elle être certaine, nous ne pensons pas que l'on puisse éviter de ranger le mot dans une catégorie assez bien connue de noms de lieux cariens, comme Kymisala, Sobala, Hyllouala, Kitala (1), dont le rapport au nom des démons phalliques reste plus que problématique (2). Aussi serions-nous portés à croire que Plutarque a mêlé deux usages sans rapport originel, mais qui devaient se présenter tout naturellement à son esprit pour un rapprochement, d'une part un usage nuptial qui s'explique aisément par le folklore, d'autre part un usage cultuel, que l'on préférerait ne pas séparer des autres cas de mascarade fournis par le culte du grand dieu anatolien assimilé à Héraclès (3). Il `semble difficile de croire que dans tous ces cas le fils d'Alcmène ait recouvert un démon déguisé en femme. Peut-être un ancien costume asiatique, comme celui de notre statuette, et dont la tradition aurait vêtu le dieu et ses ministres, donnerait-il une explication plus susceptible d'être généraliséc? Il ne semble en tous cas pas que l'on puisse aller plus loin pour l'instant.

Athènes, novembre 1928.

Henri SEYRIG.

(1) Cf. Hiller v. Gärtringen, Ath. Mitt. 17 1832, p. 308.

(2) Au moment où je corrige les épreuves de cet article me parvient l'étude de M. Herzog sur les lois sacrées de Cos (Abhandl. der Preuss. Akad., 1928 6), où la loi mentionnant le sacrifice à Héraclès est publiée (no 3) d'après une nouvelle lecture. La restitution Ko[vi]ozkov y est déclarée impossible. (3) J'ai noté ailleurs les principaux exemples de cette assimilation : Bull. corr. hell., 51 1927, p. 189 s.

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