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ÉTUDES

DE

MYTHOLOGIE SLAVE

(Suite)

Zcernoboch (Černy Bog).

Le nom de cette divinité est facile à expliquer. Černy Bog veut dire le dieu noir. Son culte est attesté par Helmold (I, 52): « Les Slaves, dit-il, ont une étrange coutume. Dans les festins ils font circuler une coupe sur laquelle ils prononcent des paroles, je ne dirai pas, de consécration mais d'exécration au nom de leurs dieux, à savoir du bon et du méchant; ils professent que toute bonne fortune vient du dieu bon, toute mauvaise du méchant; aussi en leur langue l'appellent-ils le mauvais dieu, c'està-dire le diable Zcernoboch". » De l'existence de ce dieu noir les mythographes ont conclu à celle d'un dieu blanc qui se serait appelé Bielbog. Le nom de Bielbog ne se rencontre dans aucun texte authentique; mais on a cru justifier son existence par des noms géographiques (Belbuck Belbog en Poméranie ; Białobożé et Białobożnica, en Pologne; Bělbožice en Bohême). On a élaboré toute une théorie sur le dualisme slave. En réalité, nous ne savons rien de ce dieu blanc'.

1) Voir Revue, t. XXVIII, p. 123-135; t. XXIX, p. 1-17.

2) Dans la Knytlinga saga il est question d'une divinité appelée Tiernoglav (le dieu à tête noire).

3) Černy Bog a donné lieu à une méprise célèbre de Schafarik. En 1835, Kollar, qui se piquait d'être mythologue et qui était l'esprit le moins critique du

Divinités anonymes.

Au témoignage de Thietmar (VIII, 64), les Liutitses avaient une déesse dont l'image figurait sur des drapeaux. Un soldat allemand troua le drapeau d'un coup de pierre. Les prêtres liutitses se plaignirent à l'empereur, et reçurent sur son ordre une indemnité de douze talents. En traversant la rivière Milda dont les eaux étaient grosses, ils perdirent une autre déesse et cinquante de leurs compagnons.

Rinvit, Turupid, Puruvit, Pisamar, Tiernoglav.

Ces divinités sont mentionnées par la Knytlinga saga (édition de Copenhague, t. XI). Après avoir raconté la destruction de l'idole de Svantovit, la saga rapporte que le roi Valdemar alla dans la ville de Korrenzia et fit détruire les trois idoles de Rinvit, Turupid et Puruvit. Rinvit est probablement identique à Rugevit (le Vit de Rugen, en slave Rana; voyez notre étude sur Svantovit)'. Puruvit a peut-être quelque rapport avec Proven (voy. l'étude sur Peroun). Turupid est peut-être un dieu guerrier (kaschoube: trepoet, trepoetose są, se trémousser, faire du bruit). Une quatrième idole est celle de Pisamar. Pisamar permet de conjecturer une forme Besomar (bes, démon); mar est un suffixe qui se rencontre dans certains noms slaves. Quant à Bes qui dans la

monde, crut avoir découvert à Bamberg en Bavière une idole slave avec une inscription runique Carni Bog. La cathédrale de cette ville possède le tombean de l'évêque Otto, apôtre des Slaves. Schafarik publia dans une revue de Prague un long mémoire reproduit dans ses Mélanges (Sebrané spisy, p. 96-110), et qui a fait longtemps autorité. Il avait été victime d'une mystification; le dieu noir de Bamberg est allé rejoindre les divinités obotrites de Neu-Strelitz qui sont depuis longtemps démodées et qui ont abusé Kollar, Lelewell et bien d'autres. Voir Arch. für Slav. Philologie, t. V, p. 193 et suivantes.

1) Voir Revue, t. XXXIII, p. 1 et suiv.

2) Ibid., t. XXXI, p. 89 et suiv.

3) Par ex. chez Arnold, Chronica Slavorum: Geromarus (III, 82), leromarus (VI, 10).

langue chrétienne veut dire démon, on peut se demander si des païens auraient donné cette épithète à une de leurs divinités.

Tiernoglavius, le dieu à tête noire, que nous avons signalé plus haut, était, au dire de la saga, le dieu de la victoire, le compagnon des expéditions guerrières. Il avait des moustaches d'argent.

Déesses.

Le culte des déesses est attesté par différents textes, notamment par Thietmar dans sa description du temple de Riedegast et dans le chapitre (VIII, 64) où des Slaves'se plaignent d'un affront fait par un Allemand à l'étendard sur lequel figurait une déesse. Nous savons peu de choses sur le nom de ces divinités féminines. Helmold (1, 52) cite à côté de Prove, dieu d'Altenbourg, et de Radigast, dieu des Obotrites, Siva, déesse des Polabes. Cette Siva a fait fortune. Elle a été reprise par le faussaire de la Mater verborum qui l'interprète par dea frumenti. On sait aujourd'hui qu'il avait fabriqué Siva avec le mot aiunt. Siva figure également parmi les fausses divinités obotrites. Les Tchèques ont interprété Siva par Živa (la vie, la vivante); le dictionnaire tchèque de Kott nous donne un article Živa, Živena, déesse de la vie de l'homme et de la nature et nom de la planète Cérès. Toutes ces fantaisies sont venues du texte de Helmold. Or il n'est pas même sûr qu'il faille lire Siva. Certains manuscrits donnent Sinna.

L'interprétation Siva = Živa, la vivante, paraît plus vraisemblable. M. Maretić suppose que c'est l'abréviation d'un nom composé : Dabyżyva, utinam sis viva. Un texte slavon du xv° siècle provenant de Novgorod (cité par Krek, p. 384) mentionne une déesse diva. Dlugosz' (xıv° siècle) prétendait retrouver chez les anciens Polonais le culte de Diane sous le nom de Dzevana'. D'autre part, il signale un dieu de la vie qui s'appelle Zywie.

1) Voir le travail de M. Bruckner, Myth. Studien dans Arch. für Slav. Mythologie, t. XIV.

2) Dans la littérature orale de la Petite-Russie, la reine des Rousalkis s'appelle Diva, Divka (Machal, p. 119).

Dlugosz mentionne encore une divinité appelée Dzidzilelya qui veillait sur les destinées de l'enfance et qu'il identifie à Vénus. Le mot s'explique aisément (dziecilela, celle qui dorlote les enfants).

On cite souvent les noms de Lada qui aurait été la déesse de la beauté, de Morana qui aurait été celle de l'hiver ou de la mort, mais ces noms ne figurent pas dans les anciens textes; ils appartiennent à la littérature traditionnelle.

Les Pénates.

Helmold (I, 52) nous apprend que les champs et les bourgs des Slaves baltiques regorgeaient de pénates. Il répète cette phrase un peu plus loin (82).

Le premier chroniqueur tchèque, Cosmas, qui évite toujours le mot slave et qui enveloppe tous ses récits d'une terminologie plus ou moins classique, nous raconte (I, 2) que le fondateur de la nation tchèque s'établit au pied du mont Rip: là, « primas posuit sedes, primas fundavit et ædes et quos in humeris secum apportarat humi sisti penates gaudebat. » Il fait un discours académique à ses compagnons : « O socii non semel mecum graves labores perpessi, sistite gradum; vestris penatibus libate libamen gratum quorum opem per mirificam hanc... venistis ad patriam. Le chroniqueur rimeur, connu à tort sous le nom de Dalimil, raconte que Čech se rendit de forêt en forêt dietky své na plecú nesa, portant ses enfants sur ses épaules. M. Jireček a proposé de corriger et de lire dědky qui voudrait dire les ancêtres. Cette correction n'est qu'une hypothèse.

par

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La croyance à l'existence des dieux domestiques est attestée le folklore de tous les peuples slaves. La littérature orale russe connaît un dieu domestique qui s'appelle děduška domovoj (l'aïeul de la maison). On se le représente sous la figure d'un vieillard. Il se cache pendant le jour derrière le poêle, la nuit il sort de sa retraite et mange les mets qu'on lui a préparés. S'il ne trouve rien il se fâche, remue les bancs et les tables; il se plaît dans tous les endroits où quelque feu est allumé. Il fréquent e

volontiers les bains de vapeur (bania), on l'appelle alors le bannik; il n'aime pas les baigneurs qui le dérangent en se baignant la nuit, surtout s'ils n'ont pas fait leurs prières avant les ablutions. Il prend d'ailleurs différents noms suivant la partie de la maison où il réside. Il préside à l'économie domestique, au ménage. Aussi on l'appelle khoziaïne, koziaïnouchko (cf. en tchèque hospodařiček, le petit patron). On le nomme encore dvorovy parce qu'il réside dans la cour, khliévnik, koniouchnik parce qu'il s'intéresse à l'étable ou à l'écurie. C'est l'âme d'un ancêtre. Toute maison doit avoir son domovoï; une maison nouvelle n'en a pas; elle n'en a que lorsque le premier patron est décédé. Le paysan qui déménage invite le domovoï à venir habiter avec lui dans sa nouvelle résidence. Il lui adresse des invocations, il lui offre des sacrifices. Il est protégé par le domovoï de sa maison; en revanche il redoute le domovoï du voisin qui vient lui voler son foin ou sa volaille'. En Galicie, chez les Hucules et chez les Boïki, le domovoï s'appelle did, dido, le grandpère. Chez les Polonais on l'appelle domowyk ou chowanec (celui qui garde), krasnoludek, l'homme habillé de rouge. Les dziady (ancêtres) sont surtout des fantômes effrayants, des âmes d'ancêtres qui exigent des sacrifices. Mais en réalité ces dziady appartiennent au folklore de la Russie Blanche.

Le démon familier s'appelle encore Skrzat. « Bodaj cię skrzaci wzięli » correspond à notre formule : Que le diable t'emporte! On dit d'un homme qui a mauvaise mine : « Wygląda jako skrzat », il a l'air d'un skrzat. Nous reviendrons tout à l'heure sur ce mot.

Nous avons déjà parlé du génie domestique qui s'appelle en Bohême hospodariček. On connaît aussi le šotek ou setek. Ce mot paraît vouloir dire aussi vieux (Kott). On en ignore l'étymologie. Les écrivains du XVIIe et XVIIe siècles y font de fréquentes allusions et le comparent au lare romain. Le šotek serait aussi

1) Voir Ralston, The songs of the russian people, p. 120-139 et les textes russes cités par Machal, p. 95.

2) Les Dziady est, comme on sait, le titre d'un poème romantique de Mickiewicz. L'idée première de ce poème est empruntée au folk-lore de la Russie Blanche.

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