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chef des Arabes H'akîm porte le titre de chikh et mråbet',

il faut voir un sens à la fois politique et شيخ حكيم المرابط

religieux'. On a retrouvé à Tlemcen l'épitaphe d'une sainte femme, décédée en 1472, et qualifiée de merábt'a, épithète qui ne peut avoir évidemment ici qu'une signification exclusivement religieuse. On pourrait sans doute multiplier les exemples. Ainsi, au xvi° siècle, le mrâbet, de simple garnisaire est devenu apôtre, et sa mission va être de plus en plus pacifique. Le marabout va devenir petit à petit, dans toute l'acception du mot, un saint, à telle enseigne que le peuple ne connaîtra plus, pour ainsi dire, d'autre dénomination pour désigner un pieux personnage3.

Bien plus, le mot « marabout » a pris chez le peuple une acception bien plus large; il désigne maintenant toute espèce de saints, puis les simples d'esprit, les idiots, les fous, les épileptiques, que, suivant une croyance universelle, on suppose illuminés d'en baut; et les tas de pierres, vestiges d'anciens cultes, qu'on vénère; et les arbres, survivance d'une antique dendrolâtrie, où l'on va en pèlerinage; tout cela s'appelle maintenant du nom de marabout. Les lions de la zaouia de Sîdî Mh'ammed ben 'Aouda (Zemmora

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trad. Houdas, p. 413, 420, les deux mots zaouia et ribať employés dans une même phrase avec un sens analogue.

1) Ez-Zerkachi, Chronique, trad. Fagnan, pp. 199, 200, 201 et p. 107, 1. 2, d'en b.; 108, l. 12; 109, 1. 2, du texte arabe de Tunis.

.tombe de la pèlerine, de la maraboute Yasmin قبر الحاجة للمرابطة يسمين (2)

Brosselard, Mémoires épigraphiques et historiques sur les tombeaux des émirs Beni Ziyane et de Boabdil, dernier roi de Grenade, découverts à Tlemcen. 1 vol. Paris, 1876, p. 91-92.

3) Cpr. Houdas, Ethnographie de l'Algérie, p. 58, 82.

4) Tous ceux qui ont été à Tlemcen connaissent l'arbre au pied duquel les musulmans jettent une pierre en passant et qui se trouve sur le chemin de Sidi Boumédien : nous avons personnellement interrogé à ce sujet un grand nombre de croyants et de croyantes, et nous n'avons jamais pu obtenir qu'une réponse, à savoir que c'est un arbre « marabout ».

5) Depont et Coppolari, Confréries musulmanes, p. 130, p. 144, ont bien mis cela en lumière.

sont marabouts', les cigognes que l'on révère sont maraboules, la bergeronnette aussi, et l'hirondelle sont des maraboutes, puisque, de temps immémorial, sans savoir pourquoi, on craint de les toucher3.

Le mot mråbet' dans le sens de « saint » paraît du reste spécial au Maghrib; et ici, nous devons entendre Maghrib au sens large du mot, car, en matière religieuse, il faut considérer, avec M. Hartmann, le Maghrib comme s'étendant jusqu'à l'Égypte; et, en fait, on trouve des tombes de marabouts (ainsi dénommés dans le pays) jusqu'auprès d'Alexandrie'. Mais si ce mot est employé par les foules du Nil à l'Atlantique, les savants l'ont mal accueilli; sans doute, ils l'emploient couramment dans le langage parlé, mais ils ne l'emploient guère dans leurs écrits. Dans les dictionnaires biographiques marocains, si abondants en vies de saints, les auteurs se servent peu du mot (mourâbiť),

et quand il se trouve employé, c'est d'ordinaire avec une acception qui rappelle son ancien sens. Les lettrés sentent

1) Ils font même des miracles. Cf. Trumelet, Algérie légendaire, p. 442. 2) Dozy, Supplément aux dictionnaires arabes, s. v. l, avec référence. 3) Seddik (alias A. Robert), Superstitions et croyances arabes, in Rev. alg., 13. ann., 2o sem., n° 3, 22 juill. 1899, p. 86, avec un proverbe intéressant montrant ces deux oiseaux considérés comme invulnérables.

4) Hartmann, Aus dem Religionsleben der Libyschen Wüste, in Arch. f. Rel.Wiss., I, p. 272-273. Article contenant des renseignements fort intéressants (partie observation, partie information orale) sur les saints du désert Libyque, y compris le Mahdi des Senoussiyya.

5) Moh'ammed ben Et'-T'aïeb El-Q'âdiri, dont le Nachr el-Matsání est si riche en biographies de saints, n'en désigne qu'un seul sous le nom de merábet' (éd. de Fez, 1310 H., I. p. 179): mais ce personnage, El-Mrâbet' er-Raïs Aboû 'Abdallah Moh'ammed el-'Ayâchi, est avant tout un personnage guerrier et reli

c'est-a-dire « il fit la guerre sainte تصدى الجهاد في ثغور المغرب) gieux à la fois

sur les frontières du Maghrib). Nous avons donc là un exemple au XIIe siècle de l'H. (XVIII J.-C.) du mot pris dans son sens primitif. Pour des détails sur la curieuse personnalité d'El-'Ayachi, voy. Nozhet el-H'ddi, éd. Houdas, p. 431, 434, 436, 440; p. 452, dans une poésie en son honneur, il est comparé à un ribať'. D'autre part on trouve dans le même ouvrage quelques exemples du mot merábet' dans dans le sens de saint, p. 296-A, p. 371-Yo (il est

tout ce que ce mot recouvre de croyances réprouvées par l'Islâm: si vous voulez mettre un savant chikh de Tlemcen dans le plus cruel embarras, c'est de l'interroger sur l'arbre marabout, auquel nous venons de faire allusion; trop intelligent pour ne pas voir ce qu'il y a de grossier dans ce culte, il n'ose néanmoins le blâmer ouvertement, sachant bien ce que sa religion doit tolérer de superstitions primitives pour s'attacher les masses.

Lorsque ces musulmans veulent désigner un saint, ils emploient de préférence le mot ouali, ce qui signifie littéralement: <«< celui qui est près (de Dieu) ». M. Goldziher a montré les diverses significations de ce mot dans l'antique Islâm dans le Qoran même il est pris dans des sens divers, depuis celui de parent dont la mort réclame une vengeance (sour. XVII, v. 50), ou celui d'allié de Dieu, titre que les Juifs se donnaient (sour. LXII, v. 6), jusqu'à son sens définitivement orthodoxe d'« ami de Dieu » (sour. x, v. 63); et il renvoie à la définition que donne du ouali le commentateur El-Baïdhawi, à propos de ce dernier verset: « Le ouali est celui qui se soumet à Dieu et à qui Dieu accorde sa faveur'. » Dans ce sens, le mot ouali désigne le saint par excellence; il est couramment employé avec une telle acception dans le langage usuel du Maghrib. M. Goldziher a fort bien fait remarquer que le vulgaire, en Orient, nomme ouali celui que Dieu appelle à lui, sans qu'il soit besoin que cet élu ait bon de se rappeler, à ce propos, qu'El-Oufrânî est de la fin du xvII° siècle). M. Goldziher nous écrit qu'il n'a pas trouvé, dans la littérature de l'Islam oriental, d'exemples du mot Pris au sens de «< saint »; il nous rappelle en même temps qu'au sens guerrier du mot, cette qualification est très employée dans les titres élogieux des sultans (Von Berchem, Matériaux pour un Corpus inser. arab., Caire, 1895, passim). Ajoutons que dans l'Afrique du Nord El-Merabet' est très usité comme nom patronymique: une famille très connue de Tlemcen porte ce nom. Cf. Nozhet el-H'âdî, p. 86, 357, 475; les exemples abondent d'ailleurs dans la littérature.

-sub 3). Gold) اولياء الله الذين يتولونه ويتولاهم بالكرامة : Voici le texte

ziher, Muh. St., II, p. 286.

2) Goldziher, op. laud., p. 287-288.

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été appelé à l'extase par des études religieuses, par la piété de sa conduite ou même par la pratique des exercices mystiques. Il en est de même en Occident sans doute ces diverses voies peuvent mener à la dignité d'oualî, mais, pour la foule, l'ouali est celui qui est habituellement ravi, medjdzoúb, par Dieu. Ce mot medjdzoûb sert du reste à désigner les illuminés, les fous, les simples d'esprit ou bahloul'. Le dernier de ces termes est souvent pris avec un sens sacré on naît bahloûl, on devient medjdzoúb par la grâce de Dieu. La ouilâia (état d'ouali) comporte le don des miracles, la faculté de disposer à son gré des forces de la nature, c'est-à-dire le taçarrouf'. Contrairement à ce qu'avance M. Rinn', c'est pendant sa vie que le ouali s'entend donner ce titre par le peuple: on le considère même comme plus puissant durant sa vie qu'après sa mort*. En fait les bahloul, les medjdzoûb, les ouali vivants pullulent autour de nous dans toute l'Afrique du Nord.

Le mot mawla, qu'on prononce ici moûlá, provient de la même racine que le mot ouali, mais il a eu une histoire bien différente et il garde encore un tout autre sens. Dans son acception actuelle il signifie dans l'Afrique du Nord <«< maître, possesseur,» mais au Maroc c'est aussi un titre honorifique que l'on donne aux chérifs. Bien que des princes

بوهالي On dit encore

boú hâli, sot, niais. Il est à remarquer que les mots se rapportant aux racines Je, Me, dy et hont tous des sens analogues; il y a là une série de ces permutations si fréquentes en arabe.

2) Nous laissons naturellement de côté la signification précise qu'a le mot ouali dans la technologie des çoûfis ainsi que le degré qu'il désigne dans la hiérarchie en usage chez les mystiques.

3) Rinn, Marabouts et Khouans, p. 57. Cf. contrd Mouliéras, Maroc inconnu, II, 131-132 n.

4) Goldziher, op. laud., p. 288. Cf. de La Mart. et Lac., Documents, II, 771, où l'on voit Boû-'Amâma exploitant cette doctrine à son profit.

5) Voy. sur les acceptions anciennes de mawld, Goldziher, Muh. St., I, Halle, 1889, p. 104 seq., avec d'abondantes et précieuses références.

d, moulah, santon (Dozy, Supplément, sub 49).

Cpr. le mot

appartenant à d'autres dynasties du Maghrib l'aient porté', il semble avoir été en quelque sorte monopolisé par les chérifs qui fondèrent au xvie siècle l'empire du Maroc tel qu'il existe encore aujourd'hui; seuls, depuis trois siècles, dans l'Afrique mineure, ils ont pris ce titre et, si d'autres souverains de ce pays se le sont donné avant eux, il n'a été définitivement illustré que par eux. C'est à cause de cela sans doute qu'on les qualifiait de majesté moulouiyenne (mawlaouiyyenne), de princes moulouiyyens'. Ils avaient fait de ce

1) Les Beni Ziyâne ont porté le titre de mawla. Cf. Bargès, Histoire des BeniZiyane, Paris, 1852, et Complément de l'Histoire des Beni-Ziyane, Paris, 1887, et le manuscrit du Naz'm ed-dorr, Bibliothèque de la Médersa de Tlemcen, no 14, passim. Voy. en particulier, dans le Complément, p. 547, l'expression Mawlâia Aboù Hammou dans une poésie composée sous le règne de ce prince qui régna de 1359 à 1389, c'est-à-dire plus d'un siècle avant les chérifs. D'autres exemples se trouvent dans le Baghiat er-Rouwwad de Yah'yâ ben Khaldoûn, p. ex. vers 7 de la poésie qui se trouve au fol. 58 recto du mss. de la Bibl. d'Alger, no 862 or Yah'yâ ben Khaldoùn est mort en 1379. Dans les épitaphes découvertes à Tlemcen par Brosselard, les souverains 'abdelouâdites sont généralement appelés mawland et les princes de leur famille mawldid (Brosselard écrit moulaye). Voy. Brosselard, op. laud., p. 58, 96, 99, etc... et 97, 117, 135, 136, etc... Dans le Rawdhdt en-Nasrin fi dawla Beni Merin, beaucoup de sultans mérinides sont appelés el-mawla (mss. de la Bibl. d'Alger, n° 1737, no 2). — En Orient ce titre est très répandu, mais il ne semble pas avoir l'acception spéciale de «< saint » qu'il a reçue dans le Maghrib par la suite. 2) P. ex. dans El-Oufrânî, Nozhet el-Hadi, éd. Houdas, texte arabe, 1888,

الهمام العالي المقام المولوي : 212,114 الحضرة المولوية : .p. 88, 1. 3, d'en b

all phy; et trad. franç., p. 156, 347. A la note 1 de cette dernière page, M. Houdas dit : « La Molouya qui est la rivière la plus importante du bassin méditerranéen du Maroc traverse des contrées où l'autorité du sultan est souvent méconnue. C'est sans doute pour affirmer leur autorité sur ce territoire que les souverains marocains prennent souvent le nom de princes molouyens ou de la Molouya ». Cf. p. 156, n. 1. Cette hypothèse nous paraît moins vraisemblable que celle qui fait du mot mawlawi un relatif rappelant le titre de mawla, spécialement porté par les chérifs marocains. Le deuxième des textes arabes précités nous semble probant à cet égard : c'est un extrait d'une lettre au sultan, et l'auteur de la lettre donne au prince ses deux titres caractéristiques de mawla et de descendant de 'Ali. D'ailleurs la grammaire n'est pas favorable à un rapprochement entre mawlawi, et Melouiyya, à, qui signifie « tortueuse », nom convenant fort bien à la rivière en question et qu'El-Oufrânî luimême, dans l'édition Houdas, orthographie ainsi (p. ex. p. 252, 1. 3 d'en b.,

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