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mort ignominieuse, sous les coups des fers de lance ». On voit qu'Apollon était plus sévère qu'Hécate; mais saint Augustin ne nous dit pas que ce soit au recueil de Porphyre qu'il a emprunté cet oracle, dont il est possible que sa traduction, assez obscure 1 d'ailleurs, ait exagéré le sens : car un autre oracle d'Apollon, rapporté par Lactance, paraît plus conforme aux précédents, et plus en rapport avec l'esprit de justice et de modération habituel à Porphyre: Apollon de Milet, consulté sur la question de savoir si Jésus était un dieu ou un homme, a répondu en ces termes : «<ll était un homme selon la chair; un sage, copós, par <«< ses œuvres miraculeuses; mais condamué par les tribunaux <«< chaldéens, il a souffert une fin douloureuse, cloué sur une croix. »> Ces mots respirent plutôt un sentiment de compassion que de haine et de vengeance satisfaites.

Cependant il est exact que Porphyre ne rend pas la même justice aux Chrétiens qu'au Christ lui-même : « Ils ont, dit-il, moins bien compris la nature de la divinité que les Hébreux : ce sont des insensés qu'il faut prendre en pitié: ils ont fermé les yeux à la lumière de la vérité... Aussi ils sont haïs des dieux comme des hommes, parce qu'ils n'ont pas connu Dieu 1. >>

On comprend d'ailleurs ce sentiment. Nous sommes au me siè cle. L'hellénisme politique, philosophique, religieux commence à perdre sa confiance en sa force et en sa durée éternelle, et son indifférence dédaigneuse contre les croyances nouvelles a pris fin. Il sent vaguement s'élever contre lui une puissance de jour en jour mieux organisée, mieux disciplinée, plus entraînée, l'Église, avec laquelle il va désormais falloir compter, qui bientôt sera triomphante et mettra sous sa tutelle, pour de longs siècles, les empires et les peuples, les mœurs, les lois, les sciences, les arts, la philosophie, l'esprit, l'âme et la vie des hommes.

Le traité de la Philosophie des Oracles est un des premiers documents de cette longue lutte. Son contenu est un manuel

1) Saint Augustin, De Civ. D., XIX, 22 : « quem a judicibus recta sentientibus perditum, pessima in speciosis ferro juncta mors interfecit. »

2) Saint Augustin, De Civ. D., XIX, 28: « Diis exosi, quibus fato non fuit nosse Deum. »

pratique de rites et de prières, à l'usage des Hellènes; mais son but véritable est de montrer que c'est par la connaissance et l'adoration des dieux, tels que les avaient conçus et adorés les Grecs depuis les temps les plus reculés de leur grande et glorieuse histoire, qu'on peut arriver à la sainteté de la vie, au salut de l'âme 1, enfin à ce que Porphyre appelle la philosophie, c'est-àdire la vérité et la vertu. Il ne m'a pas paru inutile, pour l'histoire générale de l'esprit humain, mais surtout pour l'histoire des idées et la science des religions, d'en faire connaître par une analyse sommaire le contenu, l'esprit et le but.

A.-Ed. CHAIGNET.

1) σωτηρία τῆς ψυχῆς.

SVANTOVIT ET SAINT VIT1

Dans un travail publié ici-même il y a quelques années sur Svantovit, dieu des Slaves de l'île de Rugen, et les dieux en vit', je me suis efforcé de démontrer contre Miklosich et quelques hypercritiques, contre Helmold et Saxo Grammaticus, que le nom de ce dieu était formé d'éléments purement slaves et qu'il ne fallait pas y voir une altération du latin Sanctus Vitus. Cette interprétation est fondée tout simplement sur une de ces étymologies fantaisistes qui pullulent à propos des noms slaves dans les chroniqueurs latins du moyen-âge. J'ai eu la bonne fortune de voir se rattacher à mon opinion l'éminent successeur de Miklosich dans la chaire de philologie slave de l'Université de Vienne, M. V. Jagić. Seulement, au lieu d'admettre comme moi que vit aurait voulu dire oracle, M. Jagić rattache ce nom à la racine vi, combattre. Je n'ai point de répugnance à me rattacher à cette interprétation; elle explique mieux que la mienne les noms comme Vitodvag, Zemovit, Hostivit, Ljudevit, Vitoslav, Vitomir.

La racine svent veut dire en slave saint; peut-être voulait-elle dire primitivement fort (cf. l'allemand heilig); elle figure dans un grand nombre de noms propres; par exemple Sventopolk, Svatopluk, Sviatopolk en Moravie, en Bohême, en Russie, en Po

1) Mémoire communiqué à l'Académie des Inscriptions dans la séance du 6 avril 1900.

2) Voir t. XXXIII, p. 1 et suiv. (1896). Ce travail a été réimprimé avec quelques additions et publié à part (librairie Maisonneuve).

3) Arch. für Slavische Philologie, t. XIX, p. 318. L'un des biographes d'Otto de Bamberg, Ebbo, traduit le nom de Gerovit, qui lingua latina Mars dicitur; il l'appelle aussi deus militiæ.

méranie. On rencontre encore en Russie le nom de Sviatoslav (Spev 80c0λábos des chroniqueurs byzantins), Svatobor, nom d'homme (ap. Gallus, II, 27), Svatobor, le bois sacré, etc.

Les chroniqueurs latins qui identifient Svent à Sanctus commettent une erreur analogue à celle des Roumains peu critiques qui veulent absolument rattacher à Sanctus l'adjectif sfint qui a passé du slavon dans leur langue.

Les deux éléments du mot Svantovit sont donc slaves tous les les deux.

En identifiant cette divinité païenne à Sanctus Vitus, Helmold et Saxo Grammaticus se sont laissé entraîner par une ressemblance purement fortuite de formes et de tons. C'est le procédé habituel des chroniqueurs du moyen-âge, allemands ou indigènes, pour expliquer la plupart des noms slaves. Ils cherchent le plus souvent à leur trouver un sens, non pas dans la langue à laquelle ils appartiennent, non pas, ce qui serait à la rigueur vraisemblable dans la langue germanique, mais dans la langue latine et dans les souvenirs de l'antiquité classique. C'est là chez eux un système absolu. Je voudrais dans ce plaidoyer pour Svantovitus contre Sanctus Vitus réunir quelques exemples qui n'ont pas que je sache été systématiquement groupés jusqu'ici.

Commençons par Helmold, puisque c'est précisément contre lui qu'il s'agit d'argumenter. Dès le premier paragraphe des Chronica Slavorum, nous le surprenons en flagrant délit de fantaisie archéologique. Il s'agit de la mer Baltique : « Sinus hujus maris... appellatur ideo Balthicus eo quod in modum balthei longo tractu per Scythicas regiones tendatur usque in Græciam ». Disons à la décharge de Helmold qu'il a littéralement copié cette phrase dans Adam de Brême (Descriptio insularum Aquilonis § 3). Adam de Brême, qui aime aussi à étymologiser, rattache par parenthèse le nom des Vinules, peuple slave, celui des Vandales.

à

Un peu plus loin Helmold, qui tient à faire preuve d'érudition classique, parle d'une ville quæ dicitur Woligast : « apud urbaniores (les lettrés) vocatur Julia Augusta propter urbis conditorem Julium Cæsarem. » Jules César, fondateur d'une ville sur

les bords de la Baltique, cela vaut bien Sanctus Vitus donnant son nom à une divinité slave.

Herbord, l'historien d'Otto de Bamberg, décrit les temples païens situés dans la ville de Stettin et appelés continæ1. Il se fait poser cette question par un interlocuteur imaginaire :

« Quare illa templa vocabant continas? >>

Et il répond:

<< Sclavica lingua in plerisque vocibus latinitatem attingit et ideo puto ab eo quod est continere continas esse vocabant. »

La première partie de la réponse est fort juste. La seconde partie est de pure fantaisie.

Pertz a fort bien senti qu'il fallait chercher autre chose et il propose en note une interprétation tirée du polonais. « Polonis est konczyna finis continæ igitur ædificia fastigata. » Cette interprétation ne vaut guère mieux que celle de Herbord.

M. Krek a deviné plus juste en rattachant le mot contina qui paraît incontestable au slavon kątů, kąšta, qui a le sens de maison, habitation, édifice et qui subsiste encore aujourd'hui dans le serbe kuca, dans le bulgare kůšta, dans le tchèque koutina (Gesindstube, Kott, Supplément, p. 698). Le mot contina a donc le même sens que hramu qui veut dire tout ensemble maison et temple. Il est particulièrement intéressant pour le vocabulaire assez maigre de la langue des Slaves baltiques.

Thietmar, évêque de Mersebourg, avait toute espèce de bonnes raisons pour connaître les origines de sa ville épiscopale et l'étymologie de son nom. Cette étymologie est purement slave : Mezi bori (chèque: mezi; kachoube: mieze; polonais: międzi, entre; bori, mot panslave, les bois de sapins). Mais l'allemand par étymologie populaire transforme régulièrement bor en burg. Thietmar, soit qu'il n'ait jamais entendu parler des origines slaves de sa ville épiscopale, soit tout simplement qu'il désire les ennoblir, rattache merse au nom du dieu Mars:

1) Herbord, Dialogus de vita Ottonis, éd. Pertz, Hanovre, 1868 (livre II, 31). 2) Einleitung in die Slavische Literaturgeschichte, 2o éd., Graz, 1885, p. 139 412. Le mot contina a malheureusement échappé à M klosich qui n'était pas histo

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