Slike strani
PDF
ePub

un procès, rêve qu'il a pour avocat Nikon, le victorieux. Il est enchanté de ce présage, mais il n'en perd pas moins son procès, parce qu'il existe en réalité un Nikon, lequel a été condamné en justice peu auparavant'!

[ocr errors]

On attache aussi une grande importance aux animaux que l'on rencontre sur son chemin'. L'un d'eux est précisément l'âne, ainsi qu'en témoigne l'oniromancie; entre le songe et la réalité il n'y a pas de différence, et les visions ont la même valeur prophétique que les événements réels'.. Supposons, dit M. Bouché-Leclercq, qu'un individu ait rencontré des ânes chargés et soit tenté d'y voir un présage ». D'après Artémidore, « des ânes, obéissant à leurs conducteurs, d'ailleurs bien portants et marchant d'un bon pas, sont d'heureux augures pour un mariage ou une association; pour les voyages, ils présagent une entière sécurité, mais des délais et des lenteurs, à cause de la lourdeur de leur marche ».

Rencontrer un âne portant le nom de Nikon, voilà donc un présage doublement heureux. Mais pourquoi l'âne est-il un animal favorable? Il est difficile de le dire. La tête d'âne servant dans la divination, dite la céphalomancie, et mise sur le feu, prédisait l'avenir. Elle était pour les Romains un talisman contre le mauvais œil. Le légendaire Tagès, fondateur de l'haruspicine, attachait dans ce but une tête d'âne écorché aux bornes du territoire romain". Préciser davantage, recourir au symbolisme de l'âne dans l'antiquité, que ce soit l'âne du dieu égyptien Set, celui de Dionysos, de Jupiter, de Kronos, l'âne solaire, celui des Juifs, nous mènerait trop loin et sans profit. Il est toutefois curieux de constater le rôle joué par l'âne dans la vie légendaire

1) Bouché-Leclercq, Hist. de la divination, I, p. 314.

2) Comme dans le folklore moderne, Sébillot, Folklore, p. 168; id., Folklore de France, II, p. 22 sq., 98 sq.

3) Bouché-Leclercq, Hist. de la divination, I, p. 312.

4) Ibid.

5) Ibid., I. p. 180, note 7.

6) Ibid., IV, p. 56; Dict. des ant., s. v. Haruspices, p. 23.

d'Octave comme dans celle de Jésus'. Faut-il croire qu'Octave consacra réellement l'image de l'âne et de son conducteur, ou qu'au contraire une statue' a inspiré ce détail de la légende?

58. Les présages de la mort (14 après J.-C.)

La mort des héros, comme leur naissance, est annoncée par des présages'. Des prodiges sinistres paraissent lors de celle de Jules César le soleil s'obscurcit, les animaux parlent; on entend dans le ciel des cliquetis d'armes, une pluie de pierre tombe, les statues pleurent et suent; la nature tout entière est en émoi'. Bien des siècles auparavant il en avait été ainsi à la mort de Romulus, préfigure d'Auguste, et il en sera de même pour celle de Jésus, autre maître du monde.

Quels furent ces prodiges si évidents qui annoncèrent la mort d'Auguste et sa divinisation suprême, ces « ostenta evidentistima» de Suétone? L'auteur latin, si prolixe quand il s'agit de la naissance du héros, est fort bref sur ce point, et n'en cite que deux, ce qui laisse supposer qu'il y en eut d'autres, analogues sans doute à ceux que l'on vient de citer, soit un bouleversement des forces cosmiques.

[ocr errors][merged small]

L'aigle fatidique, apparu tant de fois dans la vie d'Auguste, lui signale sa fin. Tandis que le prince s'acquitte au Champ de

1) Cf. le boeuf dans la légende d'Octave, ci-dessus, no 37.

2) Peut-être relative au mythe d'Oknos. Roscher, s. v. Oknos.

3) Saintyves. Rev. arch., 1917, II, p. 248 sq. Le thème des ténèbres et l'émoi des éléments.

4) Suétone, César, 81; Tibulle, Elég., II, 5; Virgile, Géorgiques, I, etc.; cf, Saintyves, op. l., p. 268-1. ́

5) Ibid., p. 259.

6) lbid., p. 248.

7) Suétone, Aug., 97.

8) Suétone, Aug., 97,

Mars des cérémonies du lustre (condere lustrum), fête religieuse qui termine les opérations du cens', un aigle vole plusieurs fois autour de lui, et, passant au-dessus d'un temple voisin, se pose sur la première lettre du nom d'Agrippa. Auguste, observant ce prodige, comprend que son temps est révolu; il ne veut pas poursuivre lui-même la cérémonie, mais charge de ce soin son collègue Tibère, l'autre censeur. On comprend son scrupule. Le lustre accompli fournit le point de départ d'un nouvel espace de cinq ans, à l'expiration duquel on nomme de nouveaux censeurs. Auguste prévoit qu'il n'arrivera pas au bout de cette période, et, dit Suétone, « negavit suscepturum, quae non esset soluturus ». De plus, le lustre pouvait être vicié à la suite de quelque présage sinistre et après la mort ou l'abdication d'un des censeurs, ce qui rendait nulles toutes les opérations du

cens.

Pourquoi ce présage est-il funeste pour Auguste? En l'entourant de son vol, l'aigle l'enclôt dans une sorte de cercle magique, et désigne clairement qu'il s'adresse à lui. Il se pose sur le nom d'Agrippa, décédé peu auparavant, l'an 12; c'est donc un présage de mort.

La divination arithmétique fondée sur la valeur numérique des noms, l'isopséphie, en un mot tous les procédés où les lettres des mots ou des noms propres ont une valeur numérale, était fort à la mode au début de l'ère chrétienne. Or Artémidore nous explique que l'aigle est le présage de l'année courante, car le mot grec de l'oiseau, detés, se décompose en

1) Dict, des ant., s. v. Censor, p. 994; 997. 2) Ibid., p. 998.

3) Maas, Der Zauberkreis, Wienerjahreshefte, Beiblatt, 1913, XVI, p. 70 sq. Dans le Bestiaire de Philippe de Thaon, x11° siècle, le lion trace un cercle avec sa queue et les bêtes ne peuvent plus en sortir. Cf. Langlois, La connaissance de la nature et du monde au moyen áge, p. 32.

4) Bouché-Leclercq, Hist. de la divination, I, p. 261, 317 sq.; Dict. des ant., s. v. Divinatio, p. 305-6.

5) Bouché-Leclercq, op. l., I, p. 318; Perdrizet, Isopséphie, Rev. des ét. grecques, 1904, p. 350 sq.

6) Artémidore, II, 20; Bouché-Leclercq, op. l., p. 314.

a, un, et eros l'année. Pour bien préciser la date fatale, l'aigle a soin de se poser sur la lettre A du nom d'Agrippa', soit sur le chiffre 1. Le présage est donc fort clair: Octave sait qu'il mourra dans l'année.

60. Le présage des 100 jours.

Il reçoit un autre avertissement plus précis encore. La première lettre de son nom est détruite par la foudre dans l'inscription de sa statue. Les augures lui déclarent qu'il ne vivra plus que 100 jours, puisque C vaut 100, et qu'il prendra place parmi les dieux, puisque en étrusque le reste du nom, Aesar, signifie dieu'.

Les poètes de l'Anthologie sont coutumiers de jeux de mots de ce genre3.

[merged small][ocr errors]

La mort lui est douce, comme il l'a souhaitée. Tout au plus, frappé d'une subite terreur, il se plaint d'être enlevé par quarante jeunes gens, ce qui est considéré comme un présage,

1) Une sibylle, d'époque chrétienne, quand elle parle des empereurs romains, les désigne par les chiffres que représente la première lettre de leur nom. Bouché-Leclercq, op. l.. II, p. 211.

2) Suétone, Aug., 97; cf. Bouché-Leclercq, L'astrologie, p. 550, note 1.

3) Anonyme. Sur le magistrat Opien, grand buveur. « Tu as une lettre de trop, celle qui est en tête de ton nom. Ote-la, tu auras tout simplement le nom qui te convient» (miavós, de miɛtv, boire). L'Anthologie grecque, trad. éd. Ilachette, 1863, 1, p. 452.

Ammien Avec une lettre de moins, tu es une bête sauvage, et un homme en toutes lettres, mais un homme qui mérite d'être livré à une multitude de ceux que tu écris avec une lettre de moins >>. (Μάρκος, ἄρκος, ours), ibid., I, p. 424.

Autre ex. - Ibid., p. 423, no 230; p. 417, no 181 ; p. 418, no 182, 188; II, p. 46, no 35; 47, no 46; 57, n° 105, 106, etc.

4) César monte en triomphe au Capitole traîné par 40 éléphants (Suétone, César, 37). Auguste distribue à ses compagnons 40 pièces d'or, heureux des louanges que lui adressent les matelots du navire d'Alexandrie (Suétone, Aug. 98, etc.).

puisqu'en effet quarante soldats prétoriens portèrent son corps'. On n'insiste pas sur ce chiffre rituel qui joue un grand rôle chez tant de peuples', mais on notera qu'il y a une relation entre le nombre quarante et la mort, qu'on retrouve dans diverses croyances populaires'.

[merged small][ocr errors]

Lors des funérailles, un assistant prétend voir l'image d'Auguste monter au ciel. Dion le nomme. Il s'agit de Numerius Atticus, que Livie aurait acheté pour affirmer sur le compte d'Auguste ce que Proculus affirmait jadis sur celui de Romulus. Il n'est pas nécessaire de soupçonner une fourberie; cette opinion était l'expression de la croyance générale. Les princes sont sideribus recepti »,. et César, déjà divinisé après sa mort, a été assimilé à la comète qui parut dans le ciel lors des fêtes célébrées en l'honneur du nouveau dieu. On affirme même qu'un aigle s'échappe du bûcher d'Octave pour emporter celui-ci au ciel, comme il emmènera dès lors les empereurs romains".

[ocr errors]

-

1) Suétone, 99. - Lors du transport du corps de Nole à Boville, on marcha de nuit, à cause, dit Suétone, de la chaleur de la saison (août). Mais peut-être aussi que l'on fit revivre un antique usage, abandonné dès la fin de la République, qui voulait que le transfert du défunt eut lieu pendant la nuit. des ant., s. v. Funus, p. 1390.

Dict.

2) Roscher, Die Tessarakontaden und Tessarakontadenlehren der Griechen und anderen Völker, 1909; id., Die Zahl 40 im Glauben, Brauch und Schriften der Semiten, 1909, etc.

3) Cf. Hertz, Année sociologique, X, 1905-6, p. 86, note 3; Frazer, Rameau d'Or, I, p. 223 (Bulgarie. Transylvanie).

4) Suétone, Aug., 100.

5) Cf. Dict, des ant., s. v. Apotheosis, p. 324.

6) Dion, Hérodian; cf. Dict. des ant., ibid., P. 325.

7) Sur ce thème souvent figuré par les monuments, Cumont, L'aigle funéraire des Syriens, et l'apothéose des empereurs. Rev. hist. rel., 1910, 61, p. 119 sq.; id., Etudes syriennes, 1918, chap. II. L'aigle funéraire d'Hiéra. polis et l'apothéose des empereurs; id., A propos de l'aigle funéraire des Syriens, Rev. hist. rel. 63, 1911, p. 208 sq.; Ronzevalle, Mél, de la Faculté orientale. V, 2, 1912; Deubner, Die Apotheosis des Antoninus Pius, Röm, Mitt., 1912, no 1-2, etc.

« PrejšnjaNaprej »