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Les élèves qui fréquentent ces écoles sont des Ouolofs, des Mandingues et des Toucouleurs. Les filles sont en nombre considérable et supérieures aux garçons. Mais cet enseignement n'a pas de suite, une fois qu'elles sont prises par les travaux du ménage et des champs. Très peu d'élèves des écoles coraniques, sauf à Saint-Louis, fréquentent les écoles françaises. Quant aux locaux, ils n'existent. pas, maîtres et élèves se réunissent soit sous un arbre, soit dans la vérandah de la maison du cheïkh. Naturellement, il n'y a pas d'examens pour sanctionner ces études. « Sur cent enfants qui sortent de l'école coranique, il y en a quatre-vingt-quinze qui ne savent ni lire ni écrire l'arabe (p. 80) »1. Ces enseignements sont complétés par ceux de la Médersa de Saint-Louis qui dénotent une organisation bien comprise, naturellement une création française. Il existe d'ailleurs d'autres médersas, de même origine, à Bou Tilimit et à Tonbouktou, sur lesquelles il serait intéressant d'avoir des renseignements.

Le chapitre V, Rites et pratiques, est un des plus importants de l'ouvrage. Il nous montre l'islamisme s'infiltrant chez les populations noires par le contact avec les Musulmans fabricants d'amulettes. Le nègre est foncièrement superstitieux. A côté des gris-gris traditionnels, petites cornes, dents, ongles, chevilles, etc.; il vénère les talismans écrits, car l'écriture a pour lui une vertu magique, et il leur accorde une place importante dans sa collection. C'est le point de départ de l'islamisation. Au reste, la même tendance existe chez les nègres convertis au christianisme, pour qui les scapulaires, les médailles, les chapelets sont des gris-gris d'un ordre supérieur : M. Marty nous donne une description détaillée de l'amulette et de sa fabrication. Une des plus curieuses, née sous l'influence de l'islam, est le prépuce conservé après la circoncision. Au reste, j'ai pu observer un fait semblable chez des Juifs venus de Pologne. Naturellement, la croyance aux jours fastes et néfastes existe chez les noirs, mais ici la superstition musulmane s'est superposée à la superstition indigène. Une croyance, 'qui n'est pas d'origine islamique, mai qui existe chez les convertis à l'islam (je l'ai même observée chez des prosélytes chrétiens) est celle au mbagne (chez les

1) Bien entendu, il en va tout autrement chez les noirs qui ont étudié chez les maures Trarzas ou Braknas.

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Toucouleurs wodaa et les Sarakholés Kabi'a). Le mbagne est un étre, généralement un animal, auquel une personne, une famille ou un village est soumis par des liens obscurs. Il est défendu de le toucher, quelquefois même de le voir et bien entendu d'en manger. Dans la croyance des noirs aussi bien musulmans que païens, toute maladie est l'œuvre d'un sorcier pour la combattre, il est nécessaire d'avoir recours à un contre-sorcier qui fait office de médecin dont les pratiques sont connues au Sénégal sous le nom de maraboutage. Ceux qui les exercent ne se bornent pas à guérir par des talismans ou des opérations magiques : ils pratiquent aussi l'empoisonnement et l'envoûtement. Pendant mon séjour au Sénégal, en 1888, j'ai vu à Thiès une femme demander qu'on télégraphiât à son mari, alors à SaintLouis, pour lui annoncer que leur enfant avait eu le cœur mangé à distance par un sorcier. La circoncision et l'excision, coutumes antérieures à l'islam sont pratiquées avec plus ou moins de cérémonies; celles-ci ne vont pas jusqu'aux rites spéciaux d'isolement en usage chez les noirs païens. Les fêtes religieuses Kouri (rupture de jeune, el aid es saghir); Tabaski (fête des sacrifices, 'aid el Kebir), tamkharat (achoura)3 et Gamou (naissance du Prophète moubou) sont célébrées avec plus ou moins de pompe, mais régulièrement la principale est le Tabaski (en zénaga tifiska)*.

L'organisation judiciaire garantit aux indigènes le maintien de leurs coutumes. Par conséquent, là où l'élément musulman est représenté dans la population, il l'est aussi dans les tribunaux de

p.

1) Cf. Loti, Le roman d'un spahi, Paris, 1884, in-18 jésus, p. 186-187. 2) Cf. Doutte Magie et religion dans l'Afrique du Nord, Alger, 1909, in-8, 35-39.

3) Sur l'achoura et les vieux rites que cette fête a admis cf. Doutté, Magie et religion dans l'Afrique du Nord, p. 526-530; Laoust, Noms et cérémonies des feux de joie chez les Berbères du Haut et de l'Anti-Atlas, (Hespėris 1921, n° 1, p 1-61).

4) Ce mot est d'origine chrétienne : Пacya, la Pâque. Il existe en ahaggar tafaské, pl. tifaskouin. Il a fini par s'appliquer à une fête religieuse musulmane. C'est la fête du sacrifice religieux bost us, le 10 de dzou 'l hidjdjah : c'est aussi le nom de la victime. En ahaggar, le nom complet est amour ntefaskė. Le nom touareg du mois lunaire de dzou'lḥidjdjah est en abaggur tallit ntäfaské. Dans l'adrar' tafaské signifie printemps: on le trouve en dyolof: tabaska dyǎ et en aouclimmiden. Cf. mes Recherches sur la religion des Berbères, Paris, 1910, in-8, p. 39.

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ubdivision et les tribunaux de cercle (juridiction d'appel); en outre, des tribunaux entièrement musulmans sont institués à Saint-Louis, à Dakar et à Rufisque; dans tous, le français est seul employé. Une chambre spéciale, appelée chambre d'homologation a été créée à la cour d'appel de l'Afrique occidentale pour statuer sur les décisions des tribunaux indigènes, en temps que juridiction de contrôle. Bien entendu, à côté de l'action juridique, les pratiques de sorcellerie et d'ordalie continuent à subsister.

L'auteur passe ensuite en revue la constitution de la famille. La famille musulmane repose sur le patriarcat, mais cette doctrine est contrebalancée par la coutume nègre, surtout chez les Lebbous et les Nônes, où la famille de la femme (surtout l'oncle maternel) joue un rôle important. Chez les Peuls, c'est l'unité de la collectivité qui se développe au détriment de celle de la famille. Viennent ensuite les coutume du mariage, le divorce qui, sauf chez les Peuls, est une institution coutumière, n'ayant rien de commun avec le divorce musulman, la filiation, la tutelle, les successions, les donations; mais ici encore les principes islamiques sont singulièrement modifiés par les coutumes locales et l'on ne saurait le regretter. L'influence française s'est fait sentir davantage sur le droit pénal; la torture, le pilori, la bastonnade ont été supprimés : la peine de mort l'emprisonnement et l'amende ont été maintenus, mais la première n'est appliquée qu'après l'homologation de la Cour d'appel et le rejet du recours en grâce. Toutefois, la coutume intervient encore, lo meurtrier peut être puni par la peine du talion, mais elle doit être. appliquée sur le champ, sinon, elle se transforme en compensation pécuniaire, ou même, en Sine et Saloum, en un exil volontaire d'un an. Quant aux blessures provenant de rixes, il y a un tarif coutumier. A ce propos, l'auteur signale avec raison. l'erreur capitale qui tend à faire appliquer, par des tribunaux institués par la loi française à des indigènes qui n'ont de musulman que le nom, les règles immuables de la loi islamique, faites pour une autre société et puisées dans la traduction française du recueil de Sidi Khalil.

Quant à l'influence de l'islâm dans les coutumes ancestrales, elle se réduit à peu de chose dans les pratiques de l'accouchement, le choix du nom (sauf du prénom), l'allaitement, l'éducation de l'enfant, le mariage, les funérailles. Quoique les croyances islam ques aient pénétré plus profondément dans l'esprit des lettrés, la condi

tion de la femme est bien supérieure à celle que lui assigne la loi de l'islam. En ce qui concerne les distinctions sociales, les castes se sont maintenues dans leur intégrité au dernier rang, on trouve les griots dont les privilèges ont peu à peu disparu sous l'influence française. Quant à l'alimentation, l'interdiction des boissons alcooliques est loin d'être rigoureusement appliquée. En ce qui concerne l'influence de l'arabe sur les langues du Sénégal, elle s'exerce surtout, en dehors des noms propres, dans le domaine des choses religieuses'.

Dans le domaine économique, l'islâm n'a aucune influence sur l'agriculture, mais il a déterminé le groupement de cultivateurs autour d'un marabout, et l'on a le spectacle d'une coopérative agricole, à base confessionnelle, dont le chef spirituel et temporel est le marabout toutefois la suppression de la traite et l'émancipation des captifs de case a porté un coup sensible aux progrès de l'islamisation dans les pays fétichistes. Pour l'élevage des troupeaux, il est surtout entre les mains des Peuls et cette industrie était exercée par eux bien avant leur conversion. Le commerce a été un élément de la diffusion de l'islam par les relations créées entre les Maures et les noirs de la rive gauche du Sénégal. L'industrie indigène est toute familiale elle n'existe que dans les villes et l'influence européenne s'y fait sentir.

La conclusion de cet important ouvrage, c'est que si l'islam gagne des adeptes, il perd en profondeur : « le fond des croyances indigènes est toujours le même, revêtu d'une teinte musulmane Dans le marabout se fondent le sorcier, le contre-sorcier et l'homme du Nabi Mamadou (Mohammed). Ainsi la politique adoptée actuellement paraît être la plus raisonnable vis-à-vis des populations islamisées, elle a sa méthode islamique toute empreinte d'une bienveillante neutralité... c'est la canalisation de l'islam par la politique du sourire et de l'entente... Mais vis-à-vis des peuples fétichistes, elle a repris les vieilles méthodes françaises de bienveillante protection et d'éducation directe» (p. 374 375).

L'ouvrage se détermine par dix appendices: 1° une carte ethnographique (elle eut gagné à être en couleurs); 2° un tableau général, par cercle, des écoles maraboutiques; 3° tableau des marabouts.

1) Cf. ma Mission au Sénégal, t. I, 2 partie, Paris 1910, in-8, p. 407-430.

maîtres d'école à Dakar, suivi de trente notices individuelles (sur les trente, pas un ne sait le français); 4° tableau comparatif des écoles coraniques du Sénégal en 1909-1912; 5° des traductions d'amulettes musulmanes; 6° textes arabes de ces amulettes, 7° et 8°, modèles de jugements d'un tribunal musulman sénégalais; 9° arêt de la Cour d'appel de l'Afrique occidentale française ; 10° bibliographie. Celle ci est malheureusement incomplète et insuffisante. On y trouve des indications comme celle-ci : « Barth-Voyages ». Il eut mieux valu supprimer cet appendice ou lui donner un caractère. scientifique.

En somme le volume de M. Marty est ce que nous avons actuelle. ment de plus complet comme travail d'ensemble sur l'Islam au Sénégal et il y a lieu d'en féliciter l'auteur.

René BASSET.

MARCEL BODIN.

:

La Zaouia de Tamegrout, Paris, 1918, 37 pages, in-8. E. Leroux.

La Zaouya de Tamegrout, fondée en 983 de l'hégire (1575-1576) par Sidi Abou Hafs 'Amr ben Ahmed el Ansari, des marabouts de Sidi Eu Nâs, fut visitée pour la première fois par Rohlfs1 puis par le P. de Foucauld 2 et enfin par M. de Segonzac' qui en a donné une description détaillée. C'est la plus importante des zaouyas du sud du Maroc elle a essaimé dans le Sous et le Dra'a, et jusque dans le Tadla, les Djebalah et à Tanger. Ses origines nous sont bien connues grâce à un ouvrage de l'auteur de l'Isiiqsa, Es Selâoui en Nașiri qui, dans un livre intitulé Tala'at el Mochtari fi'n Nasab el Djafari a cherché à établir comment ses ascendants se rattachaient aux fondateurs de la zaouyah, et a utilisé un certain nombre d'ouvrages dont quelques-uns ne nous étaient pas connus même de nom. C'est à l'aide de ce traité que M. Bodin a fait l'historique de la zaouyah en y joignant des renseignements puisés à d'autres sources.

Le plus célèbre chef de la confrérie est Sidi Mohammed ben

1) Mein erster Aufenthalt in Marokko, Bremen, 1873, in-8,

2) Reconnaissance au Maroc, Paris, 1883, in-4, p. 293.
3) Au cœur de l'Atlas, Paris 1910, in-8, p. 99-106.
4) Fas 2 v. in-4, 1309 hég,

p. 446.

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