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L'Annuaire de l'École pratique des Hautes-Études, Section des sciences religieuses pour l'exercice 1920-1921, renferme un mémoire de M. Marcel Granet, directeur d'études pour les Religions d'Extrême-Orient, et récemment chargé de cours à la Faculté des Lettres de l'Université de Paris. M. Granet étudie la vie et la mort dans les croyances et doctrines de l'antiquité chinoise: il montre que l'idée centrale de la spéculation chinoise est la conception d'une stricte solidarité entre le Monde et l'Homme. Les penseurs se représentèrent les lois de l'évolution naturelle à l'aide d'une mystique des nombres ils tentèrent aussi d'expliquer par des arrangements numériques le cours de la vie humaine. C'est ainsi, M. Granet le montre par les exemples les plus typiques, que dans les faits physiques: dentition, puberté, n.énopause, etc.; et dans les faits sociaux: majorité, fiançailles, mariage, retraite, etc., toute la vie humaine était réglée de façon à montrer que l'homme participait à l'harmonie du monde révélée par les jeux numériques de ses principes constitutifs, le yin et le yang. M. Granet établit que des symboles plus concrets représentèrent primitivement l'unité de l'univers et le rythme de la durée et que, dans la suite, des penseurs s'appliquèrent à démontrer cette unité et ce rythme à l'aide du jeu des nombres et des entités cosmogoniques.

La Revue d'Histoire et de Philosophie religieuses dont nous recevons le premier numéro (Janvier-Février 1921) se présente avec déjà tout un acquis de haut renom scientifique; elle le tient de sa glorieuse aïeule, la Revue de théologie de Strasbourg, dont elle se propose visiblement de reprendre les traditions de recherches consciencieuses et libres. La Revue de l'Histoire des Religions adresse son salut le plus cordial à ce nouvel organe dont l'activité ne peut manquer de servir nos études et d'éveiller des vocations historiques en un temps où les nécessités de la vie menacent de rendré ces vocations de plus en plus rares. Le comité de rédaction de la Revue nouvelle comprend MM. P. Lobstein, E. Erhardt, G. Baldensperger, A. Causse, F. Menégoz, Ch. Hauer, E. Vermeil, H. Monnier, M. Goguel, E. de Faye, A. Lods, A. Monod et J. Breitenstein. Les Facultés de Théologie protestante et les Facultés des Lettres de Strasbourg, de Paris, de Montpellier et de Genève ont fourni quelques-uns de leurs représentants les plus distingués à ce premier groupe de savants, et nos lecteurs ont déjà retrouvé parmi ces noms ceux de fidèles et précieux collaborateurs de notre Revue. Le sommaire de ce numéro I indique tout son intérêt et donne une première idée de son programme: Léopold Moreau Liberté et vérité; Rod. Reuss: La « Revue de Strasbourg » d'après les souvenirs inédits d'Edouard Reuss; E. Vermeil La Philosophie religieuse d'Ernest Troeltsch; A. Causse, Introduction à l'étude

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de la sagesse juive, P. Lobstein Quelques aspects de la notion d'Eglise. Une substantielle Revue des livres et des périodiques termine le numéro et porte les signatures de MM. M. Goguel, A. Jundt et E. Ménégoz. Dès à présent sont annoncés des articles de MM. P. Humbert, M. Goguel, A. Monod, Ch. Pfister, etc.

Nous avons déjà signalé à plusieurs reprises l'intéressante floraison en Italie de revues consacrées aux études religieuses ou philosophiques. Une de plus vient s'inscrire dans cette liste de bon augure pour la reprise des libres études appliquées au passé et au présent religieux. Gnosis, dont le premier fascicule vient de paraître à la librairie Detken et Rocholl, de Naples, est publiée sous les auspices de la Federazione degli studenti per la coltura italiana. Ce périodique, qui paraîtra par numéros trimestriels et qui formera chaque année un volume d'environ 400 pages, indique ses idées directrices en une brève déclaration liminaire : Gnosis a pour objet d'étudier le fait religieux sans limitation de temps et de lieux, sans être retenue par des liens de dogme ou de foi, mais avec un esprit religieux, c'est-à-dire avec la volonté de mettre en valeur l'activité religieuse dans son objectivité réelle et non de la rechercher simplement du point de vue descriptif ou naturaliste ». Le premier numéro renferme une étude de M. A. Renda, sur la validité de la religion; un article de M. V. Macchioro sur l'orphisme et le christianisme (ù est condensé une grande partie du cours professé par M. M. au Circolo universitario di coltura religiosa de Naples en 1919-1920 et la plupart des conclusions du Zagreus du même auteur, paru à Bari en 1920); un article de M. Buonajuti sur l'esprit du monachisme bénédictin, étude très brève mais riche d'idées bien classées.

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Les conférences dominicales du Musée Guimet, qui ont repris avec succès, nos lecteurs le savent, dès la fin de la guerre, ont eu lieu cette année tous les dimanches du 23 janvier au 24 avril. Cette série dont voici le programme avait trait à l'iconographie des différentes religions. La plupart des conférences étaient accompagnées de projections.

23 janvier M. Fr. Cumont Le voyage vers l'au-delà dans le paganisme

romain.

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30 janvier M. A. Moret L'iconographie en Égypte la répartition des sujets dans la décoration monumentale.

6 février M. P. Perdrizet: L'iconographie gréco-égyptienne.

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13 février M. G. Fougères L'iconographie en Grèce la répartition des

sujets dans la décoration monumentale.

20 février M. J. Carcopino L'iconographie des cultes orientaux dans

l'empire romain : Cybèle.

27 février M. le Dr Contenau Les fouilles françaises en Phénicie,

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6 mars M. P. Alphanāéry : L'iconographie au moyen âge : la représen

tation des païens et des hérétiques.

M. M. Granet: Études de mythologie chinoise.

13 mars

20 mars

M. Kalidas Naz: L'iconographie indienne.

24 mars

M. J. Castagné : Les antiquités du Turkestan russe.

10 avril M. J. Hackin: L'iconographie tibétaine.

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17 avril M. Marchal : L'iconographie kmère.

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24 avril M. C. E. Maître L'iconographie japonaise.

SOCIÉTÉ ERNEST RENAN

Séance du 27 novembre 1920,

La séance est ouverte à 4 h. 1/2. M. Ed. Pottier préside.

Présents Me E. Lambert, MM. Pottier, Acollas, P. Alphandéry, Bémont, Brunet, Choublier, De Faye, R. Dussaud, G. Ferrand, Gaudefroy-Demombynes, Geuthner, H. Girard, Glotz, Kindberg, Lacroix, Mayer Lambert, Lebègue, Lods, Macler, Moret, Ort, Pommier, Sidersky, Th. Reinach, Toutain, Van Gennep.

Lecture est donnée par le Secrétaire des séances du Procès-verbal de la séance du 30 octobre 1920, qui est adopté sans observations.

Le Président annonce que Sir J.-G. Frazer est actuellement de passage à Paris. I propose d'inviter l'éminent professeur de Cambridge à prendre la parole devant la Société Ernest Renan. Cette proposition est acceptée à l'unanimité.

Le Président donne la parole à M. TOUTAIN pour la communication sui

vante :

Sur quelques textes relatifs à la signification
du sacrifice chez les peuples de l'antiquité.

Depuis près d'un demi-siècle, la science des religions s'est parfois éloignée de la méthode strictement historique, qui consiste à étudier les faits à l'époque et dans le pays où ils se sont passés, pour s'ef forcer soit de remonter à l'origine des rites soit d'en dégager le caractère général. En particulier le sacrifice, au sens restreint du mot, c'est-à-dire l'immolation d'une victime vivante, a fait l'objet de recherches dirigées dans ce sens. On a voulu en déterminer la signification originelle, supposée unique et commune à tous les hommes;

pour atteindre ce but, on a eu recours à la méthode comparative qui prétend expliquer les rites des religions de l'antiquité classique par l'idée que se font de rites analogues ou identiques des peuples tout à fait étrangers à cette antiquité. C'est ainsi que Robertson Smith a tenté une explication raisonnée du sacrifice'; que MM. H. Hubert et M. Mauss ont construit leur Essai sur la nature et la fonction du sacrifice'; que M. Salomon Reinach a exposé la Théorie du sacrifice; que tout récemment M. Loisy a publié un volume intitulé Essai historique sur Le sacrifice. Toutes ces études envisagent le sacrifice en soi, le sacrifice type pour ainsi parler, abstraction faite des temps, des lieux, des conditions ethnographiques et historiques.

Il nous semble qu'en posant ainsi le problème on méconnaît gravement le caractère essentiel, fondamental de tout rite, de tout acte religieux. Il n'y a pas de rite qui soit un rite par lui-même, par son propre mécanisme; il n'y a pas d'acte religieux, qui soit religieux par définition ou par nature. Voici par exemple le sacrifice. Le fait d'assommer ou d'égorger un animal, de brûler complètement la victime comme c'était le cas dans les holocaustes, ou bien d'en réserver une part importante pour la consommation des prêtres et des fidèles un tel fait n'a de valeur religieuse que dans la mesure et sous la forme où cette valeur lui est attribuée par ceux qui le réalisent ou pour lesquels il est réalisé. Il est donc très imprudent de dissocier, dans une étude sur le sacrifice ou sur quelque rite que ce soit, l'acte religieux lui-même et les êtres humains par lesquels ou pour lesquels il est accompli. Ces deux éléments sont inséparables, puisque c'est l'un, l'être humain ou plus précisément la pensée de cet être humain, qui donne à l'autre, l'acte accompli, sa valeur rituelle et sa signification religieuse.

De ce fait, nous avons une preuve dans un document fort curieux, assez souvent cité, mais dont une partie intéresse tout spécialement notre sujet: c'est la lettre du pape saint Grégoire le Grand à l'abbé français Mellitus. Dans cette lettre, datée du 18 juillet 601, le pape prie l'abbé Mellitus de transmettre ses instructions à l'évêque Augus

1) Encyclopaedia Britannica, 9o éd., s. v. Sacrifice.

2) Année sociologique, t. II (1897-1898), p. 29 et suiv.
3) Cultes, Mythes et Religions, t. I, p. 96 et suiv.
4) Paris, 1920.

tin, l'apôtre des Angles. C'est toute une politique en matière de conversion des païens qui est exposée dans cette lettre. « Il ne faut pas détruire les temples des idoles qui existent chez ce peuple; il faut seulement détruire les idoles qu'ils renferment. Que l'on fasse de l'eau bénite; qu'on en arrose ces temples, que l'on y construise des autels et que l'on y dépose des reliques; car, si ces temples sont solidement båtis, il faut les faire passer du culte des démons au service du vrai Dieu..... Ces gens ont l'habitude d'immoler beaucoup de bœufs dans les sacrifices qu'ils offrent aux démons; à ce propos encore il faut changer quelque peu le caractère de la cérémonie; le jour de la consécration ou de l'anniversaire des saints martyrs, dont les reliques seront déposées dans leurs églises, ils élèveront, autour de leurs anciens temples transformés en églises, des cabanes de branchages; ils célébreront par des repas communs la solennité religieuse. Ce n'est plus au diable qu'ils immoleront des animaux ; ils les tueront pour les manger à la gloire de Dieu et ils rendront grâces au Seigneur, qui donne toutes choses, de les avoir rassasiés1. »

Ainsi les bœufs continueront d'être tués; l'acte en lui-même ne sera ni aboli ni même transformé. Mais le sens en sera totalement changé, parce que les Angles auront été convertis au christianisme. L'acte ne sera plus un rite, n'aura plus de valeur religieuse, ce sera tout simplement un épisode de vie matérielle et quotidienne réalisé à la gloire du Dieu des chrétiens. Cette évolution démontre que, si l'historien veut vraiment comprendre la signification d'un rite, il lui faut de toute nécessité associer l'un à l'autre le geste ou l'acte matériel qui constitue ce rite et l'explication que se donnent à eux-mêmes de cet acte ou de ce geste ceux qui le pratiquent ou pour qui il est pratiqué. Que cette explication soit rationnelle ou non, peu importe. Ce qui importe, c'est de savoir pourquoi chez tel peuple, à telle époque,

1) Lettres de S. Grégoire-le-Grand, Ed. L.-M. Hartmann (in Monumenta Germaniae historica), XI, 56 (t. II, p. 330 et sq.): Gregorius I Mellito abbati in Franciis: Et quia boves solent in sacrificio daemonum multos occidere, debet eis etiam hac de re aliqua sollemnitas immutari, ut die dedicationis vel natalicii sanctorum martyrum quorum illic reliquiae ponuntur, tabernacula sibi circa easdem ecclesias, quae ex fanis commutatæ sunt, de ramis arborum faciant et religiosis conviviis solemnitatem celebrent; nec diabolo jam animalia immolent, sed et ad laudem Dei in esu suo animalia occidant et donatori omnium de satietate sua gratias referant...

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