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tranquillise « Ne crains point, le roi du ciel protège ton enfant, le monde est plein de son attente, et il fera boire ensemble le lion et l'agneau'. »

19. — L'attente du maître du monde et l'ère nouvelle.
Le retour de l'âge d'or.

Cette ère nouvelle, cette paix profonde que doit ramener le maître du monde, est celle de l'âge d'or retrouvé', du règne de Saturne, dont le retour est prédit par les prophéties et les livres sibyllins'. Partagée en quatre âges, l'histoire du monde commence par celui de Saturne, l'âge d'or, puis passe par ceux d'argent, d'airain, de fer, pour recommencer le cycle et ramener l'âge d'or. A l'époque d'Auguste, tous croient à ce retour espéré, et les poètes le prédisent Horace décrit Rome ravagée par la guerre et prévoit sa ruine; il conseille à ses concitoyens d'émigrer vers un pays plus propice où la terre prodigue sans culture ses trésors, où la vigne fleurit éternellement sans le secours du fer, où les chèvres s'offrent d'ellesmêmes à la main qui les trait, où l'ours et le serpent sont sans danger. Jupiter, dit-il, réserva ces rivages à un peuple innocent, quand l'airain vint souiller les jours de l'âge d'or et qu'arriva l'âge du fer, plus dur encore. Virgile, dans sa quatrième églogue, dans les Géorgiques, dans l'Énéide, annonce lâge d'or; aux enfers, Anchise révèle à son fils Énée ce que sera sa descendance jusqu'à Auguste, qui dominera le monde et y rétablira l'âge d'or3. Tibulle décrit le monde heureux sous

1) Saintyves, Les Vierges mères, p. 170-1.

2) Sur l'âge d'or et la théorie des quatre âges, Bouché-Leclercq, Hist. de la divination, p. 249; id., L'Astrologie, p. 187.

3) Sur les livres sibyllins, Saglio-Pottier, Dict. des ant., s. v. Duumviri, p. 1433; s. v. Libri, p. 1237; s. v. Sibylla; Bouché-Leclercq, Hist. de la divination, II, p. 133 sq.; IV, p. 286 sq.; Hoffmann, Die Tarquinischen SibyllenBücher, Rhein. Mus., 1895, L.

4) Horace, Epodes, XVI, Ad Romanos.

5) Géorgiques, II; Eneide, VIII, 519; VI, 793 sq.

le règne de Saturne, alors qu'il n'y avait pas d'armes et de guerres, pas de navires sur mer, que les animaux n'étaient pas domestiqués, que les chênes donnaient du miel, que les brebis venaient d'elles-mêmes se laisser traire'. Il demande à Apollon, père d Octave, et en somme à Octave lui-même, de faire revivre cet ancien état de choses, la prospérité et l'abondance. des campagnes'.

Tous les textes témoignent qu'à cette époque, le monde romain épuisé croyait à sa fin prochaine, à un renouvellement du monde, à une ère nouvelle, dont les devins, les haruspices, les astrologues, épiaient anxieusement les signes précurseurs. Ils espéraient la venue d'un être surhumain qui rétablirait l'ancien âge d'or' des légendes, et c'était une sorte d'attente inquiète, analogue à celle qui précéda la naissance du Christ'.

20.

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L'enfant divin, l'âge d'or et là quatrième églogue.

Cette croyance trouve son expression la plus parfaite dans la quatrième églogue de Virgile, écrite en 40 sous le consulat de Pollion. On ne veut pas discuter ici ce poème inspiré des livres sibyllins, qui s'est prêté à tant de controverses et qui s'y prête encore, mais en retenir seulement la pensée inspiratrice.

Il chante un enfant mystérieux dont la venue coïncide avec le retour de l'âge d'or sur la terre. Quel est il? Est-ce le fils d'Asinius Pollion? Est-ce l'enfant d'Octave et de Scribonia? Est-ce Octave lui-même? S'agit-il d'un enfant réel ou légendaire? Est-il né ou encore à naître? Autant de questions qui

1) Elégies, I, 3.

2) Elégies, II, 5.

3) Boissier, op. l., I, p. 260-1.

4) Cartault, Etudes sur les Bucoliques, p. 218 sq., passe en revue les diverses hypothèses; Lubker, Reallexikon d. klass. Altertums (8), 1914, s. v. Vergilius, p. 1100, refér.; Lejay, La quatrième Églogue de Virgile, Rev. de phil.. 1912, p. 5 sq. Virgils messianic Eglogue, trois études de Mayer, Fowler, Conway, 1907; Bellessort, Virgile, son œuvre et son temps, 1920, p. 61 sq. 5) Lejay, op. 1. p. 24.

6) Ibid.

n'ont pas reçu de solutions définitives et qui n'en recevront peut-être jamais.

L'opinion la plus plausible est celle-ci'. L'enfant existe, il a intéressé le poète qui en a connu les parents. Mais il n'est pour lui qu'un prétexte à développer le songe d'une humanité nouvelle, conforme aux prophéties. Parti de la réalité, le poète s'égare aussitôt dans le monde des rêves et des chimères. Cet enfant symbolique favori des dieux, de Diane Lucine et d'Apollon, et fils de dieu, deviendra dieu lui-même, il gouvernera le monde pacifié, il inaugurera une ère nouvelle, le retour de l'âge d'or prédit par la Sibylle de Cumes après l'âge de fer. Son caractère divin se manifeste par la connexion entre sa vie et celle de la nature'. M. Lejay, entre autres, insiste avec raison sur ce point; il montre l'étroit parallélisme qu'établit le poète entre la croissance du héros prédestiné, de son enfance à l'âge mûr, et les âges de la terre. «Deux thèmes, la croissance du héros, la transformation de la terre et du monde, se déroulent parallèlement. » Pendant l'enfance, la nature se pare de fleurs spontanément; les troupeaux donnent du lait à pleines mamelles, ils n'ont plus besoin d'être conduits; les lions ne menacent plus. Un peu plus tard les campagnes se revêtent de moissons, on cueille le raisin sur les buissons, le miel coule des chênes; l'abondance est partout. Quand l'enfant prend la toge virile, c'est l'âge d'or qui est réalisé. La terre produit d'elle-même toute chose; et c'est la suppression du travail ingrat de l'homme. Plus tard encore, arrivé à l'âge des magis-. tratures, de nouveaux prodiges surgissent et c'est la joie universelle de la terre, de la mer et des cieux. « Le poète a donc vu la vie de son héros comme un développement parallèle à la

1) Fowler.

2) Détail qui, a-t-on fait remarquer avec raison, élimine le fils d'Asinius Pollion ou un enfant qui ne serait pas de race princière et royale. Lejay, op. 1. p. 19.

3) Sur ce thème, ci-dessus; Lejay, op. l., p. 21 sq.; Saintyves, Rev. arch., 1917, II, 254, 265.

4) Lejay, op. l., p. 10 sq.

transformation du monde. A mesure que le héros grandit, le monde devient beau, fertile, heureux, pacifié, réglé ; c'est une idée de conte de fée'. » Et c'est l'idée même que l'on constate dans la légende de beaucoup de maîtres du monde.

21. L'enfant de la quatrième églogue et Octave.

On a pensé, et cette hypothèse soulève quelques difficultés toutefois, que cet enfant mystérieux est Octave. Il est vrai qu'à l'époque où écrit Virgile, ce héros est déjà un jeune homme (23 ans). Mais on ne sait si l'enfant vient de naître ou est à naître, comme le fait remarquer M. Lejay. La naissance peut avoir été bien antérieure. Car elle est en quelque sorte hors du temps et de l'espace. n'intervenant que pour annoncer le renouvellement du monde dont elle est la condition' Or l'attente d'un enfant mystérieux, futur maître du monde, est antérieure à cette année 40, comme en témoigne l'oracle de Vélitres et le massacre projeté des enfants romains, dont on parlera plus loin, et, dans ces cas, elle a trait à Octave. L'avènement de cet âge d'or doit se produire sous le consulat de Pollion; c'est à cette date que commence une nouvelle ère. Or, en 40, grâce à l'entremise de ce consul, la paix de Brindes réconcilie Octave et Antoine, qui se partagent le monde romain, le premier prenant l'Occident, le second l'Orient. Le poète pouvait déjà prévoir la réalisation des prophéties, et reconnaître en Octave le héros attendu. « Jam regnat tuus Apollo », dit-il, et, dans sa pensée, Apollon est peut-être Octave.

Malgré les difficultés qu'on a souvent relevées, tout, dans cette églogue, évoque Octave et sa légende, telle que l'ont connue les poètes et le peuple. Lui aussi est fils de dieu et il deviendra dieu; comme l'enfant virgilien, il naît à 10 mois, et on verra plus loin le sens de ce chiffre. Il y aura certes encore

1) Ibid., p. 21.

2) Kukula.

3) Lejay, op. ., p. 25.

des luttes avant que revienne la paix. et un nouvel Achille marchera contre une nouvelle Troie, c'est-à-dire contre Rome'; cet Achille, ennemi de Rome, serait-il Antoine, qui a lutté contre Octave, et qui plus tard sera écrasé par lui? Puis ce sera la paix profonde, la fertilité des champs, idées que nous avons vues exprimées tant de fois par les poètes et les artistes, entre autres par celui de la coupe de Boutae, en les appliquant à Octave Auguste. Horace ne fait-il pas aussi allusion à cet enfant mystérieux quand, dans l'ode 6 du livre IV, il loue Apollon d'avoir tué Achille, et empêché celui-ci de livrer aux flammes l'enfant au berceau, l'enfant dans le sein de sa mère, car Jupiter, sur les instances d'Apollon et de Vénus, détournant ce coup, a accordé ainsi à la postérité d'Enée de fonder la nouvelle Troie, Rome? Il y a là sans doute allusion à l'ascendance divine d'Octave, adopté par les Jules, et à la réalisation de cet enfant mystérieux.

Rappelant des prophéties anciennes relatives à la venue d'un enfant sauveur du monde, dont les Romains ont fait l'application à Auguste, la quatrième églogue a été facilement adaptée par les chrétiens à un autre sauveur, Jésus, dont la légende présente tant d'analogies avec celle du prince, et les mêmes idées réalisées sous une forme mythique'; il n'est pas nécessaire de croire à une influence judaïque sur Rome; ce sont

1) Cette assimilation de Rome avec Troie est constante chez les poètes romains du temps d'Auguste, Plessis, Troica Roma, Mélanges Boissier, p. 401 sq. Dès le début de l'Enéide, Virgile l'affirme; Properce s'écrie: « Troia, cades, et Troia Roma resurges » (Elégies, IV, 1). Cf. Encore Tibulle, Elégies, II, 5; Horace, Oles, III, 3, etc.

2) Cf. Plessis, I. c. Dans l'ode 6 du livre IV, adressée à Apollon et à Diane, Horace célèbre Apollon qui a vaincu les ennemis de Rome, décrits sous une forme mythologique comme sur la coupe de Boutae; il a vaincu entre autres Achille qui voulait renverser Troie, cette Troie fondée par Apollon, qui est en realité Rome, Car, pour les poètes romains, Achille est l'ennemi de Rome, puisqu'il a détruit Troie, préfigure de Rome.

3) Boissier, op. l., I, p. 256 sq.; astrologie et livres chrétiens. BouchéLeclercq, L'astrologie, p. E06 sq., parallelisme astrologique entre les récits romains et chrétiens, et explications chrétiennes, ibid., p. 610 sq.

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