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quelqu'un lutta avec lui jusqu'à l'aurore »; et poursuivait comme il suit : « 25 b et l'emboîture de la cuisse de Jacob se démit pendant qu'il luttait avec lui. 27 Il lui dit : Quel est ton nom? Et il répondit: Jacob. 28 Il dit alors: Tu ne t'appelleras plus Jacob, mais Israël, car tu as lutté avec Dieu et avec l'homme, et tu l'as emporté. 30 Et Jacob nomma ce lieu Pnuel, etc. 31 b [Et] lorsqu'il s'éloigna de Pnuel, etc. » Sous la plume de E, comme on voit, le sens de l'action s'est renversé, ce n'est plus Jacob qui frappe le génie inconnu, c'est ce dernier qui blesse Jacob; mais l'écrivain, comme l'observe fort bien Ed. Meyer1, n'a pas fait attention que dans ces conditions l'explication qui suit l'imposition du nom d'Israel, au v. 28: « Tu as lutté avec Dieu... et tu l'as emporté », n'était plus en accord avec le récit. La négligence est compréhensible, mais il est parfaitement clair que l'ensemble du dialogue 27-28 a été reproduit textuellement, par E, de J où il était bien à sa place : Luther a déjà vu la chose2. Le réemboîtement du passage dans J va d'ailleurs sans difficulté; Jacob a demandé son nom au dieu, qui se dérobe et donne une simple bénédiction en place (gaucherie visible en la rédaction, qui décèle le remaniement de l'antique version où le dieu livrait son nom purement et simplement); on profite de la question posée par Jacob pour la lui faire retourner par le dieu : « Et toi donc, quel est ton nom ?... » et amener ainsi la décision divine touchant le nom d'Israel et son explication. Tout cela se verra sans doute plus nettement en le mettant sous la forme d'un tableau complet de séparation des sources :

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J

(les rééditions textuelles de E sont signalées entre crochets)

24 Et Jacob resta seul en arrière. Alors quelqu'un lutta avec lui jusqu'à l'au

rore.

E

24 Et Jacob resta seul en arrière. Alors quelqu'un lutta avec lui jusqu'à l'aurore.]

1. Meyer, Israeliten, p. 58, n. 1.

2. Luther dans ZATW, XXI, p. 74 et suiv.; cf. Israeliten, p. 112.

J

25 a Et lorsqu'il (Jacob) vit qu'il ne pouvait le surmonter, il le frappa sur le nerf de la cuisse. 26 Il (l'inconnu) dit: Laissemoi aller, car le jour monte. Mais il (Jacob) dit: Je ne te laisserai point, à moins que tu me bénisses.

29 b Et il le bénit là-même1. 29 a Et Jacob demanda :

Dis-moi ton nom. Il dit: Pourquoi demandes-tu mon nom?

27 [Mais toi-même,] quel est ton nom? Il répondit : Jacob.

28 Il dit alors: Tu ne t'ap

pelleras plus Jacob, mais Israel, car tu as lutté avec Dieu et avec l'homme, et tu l'as emporté.

31 a Alors le soleil se leva.

E

25 b Et l'emboîture de la cuisse de Jacob se démit, pendant qu'il luttait avec lui.

[27 Il lui dit : Quel est ton nom? Il répondit: Jacob.)

[28 Il dit alors: Tu ne t'appelleras plus Jacob, mais Israel, car tu as lutté avec Dieu et avec l'homme, et tu l'as emporté 2.]

30 Et Jacob nomma ce lieu

Pnuel, car, dit-il, j'ai vu la face de Dieu, et mon âme a été sauvée.

31 b Et lorsqu'il s'éloigna de Pnuel, il boitait de la cuisse.....

1. Nous tentons une meilleure harmonisation des choses, en cette reconstruction de J, en faisant passer la dernière phrase de 29 en tête du verset, pour suivre immédiatement l'injonction qui termine 26; mais ce détail de restitution n'est point entièrement certain.

2. Pour mémoire : l'épisode de l'imposition du nom d'Israel à Jacob, reproduit (sans l'explication étymologique d'Israel) par P, en XXXV, 10, au cours des fragments du livre tardif qui s'entremêlent avec le texte de E de ce chapitre.

On voit qu'il ne reste pas grand chose à l'actif de la création de E. Il y aurait moins encore, si l'on devait admettre, comme fait Luther en dernier lieu', que le nom de Pnuel même, pour le lieu du combat, a été trouvé dans J. Cela n'est point impossible, tout l'épisode étant complètement détaché de Bethel dans le J du dernier stade que nous avons sous les yeux. La question de cette restitution est secondaire, toutefois, et nous pouvons la laisser de côté.

Ayant ainsi précisé et complété l'épisode de XXXII qu'on retrouve ainsi au J du dernier stade, nous pouvons reprendre l'autre passage de la légende de Jacob fondateur, celui du J de XXVIII que nous avons mis en parallèle, plus haut, avec le E correspondant dont le texte a été mélangé avec le sien par le compilateur. Juxtaposant les deux récits que présentait, en ces termes, un J sans nul doute très évolué déjà, on voit que, dissemblables par les détails, ils sont apparentés fondamentalement, quant à l'important objet de l'histoire, qui est la première manifestation de Iahve à Jacob, la prise de contact originale du héros avec le dieu; et cette affinité est tout à fait évidente lorsqu'on remet le récit de XXXII, par la pensée, dans la forme première où Jacob obtenait le nom du dieu vaincu, c'est-à-dire sa révélation entière, et par suite instaurait immédiatement son culte, comme en l'autre récit de XXVIII

sinon dans J, du moins dans la version plus complète de E on voit accomplir effectivement. Par ailleurs, la grande raison de vouloir fondre les deux épisodes de J dans un ensemble, réside toujours dans les brèves lignes d'Osée où le combat et Bethel paraissent se suivre en liaison. Une histoire unique, à un stade ancien de J, a-t-elle pu être organisée de la même manière ?

Nous entrons ici dans le domaine des restitutions hypothétiques. Mais à rapprocher les textes, et considérant que le combat divin appartient sans nul doute à une forme de composition très ancienne, on arrive à imaginer que la légende de la révélation de Bethel de XXVIII, en sa forme originale, com

1. Luther dans Israeliten, p. 109, n. 2.

portait une scène initiale qui était précisément celle du combat de XXXII. A une certaine époque de l'évolution de la tradition, pour des raisons qui nous échappent, le combat du début serait venu à paraître déplaisant; on l'aurait enlevé et transporté ailleurs, où il subsistait séparément, localisé à Pnuel, peut-être, s'il est vrai que cette dernière localisation remonte à J comme Luther en exprime la certitude.

Une pareille image de la structure primitive de l'histoire reçoit une sorte de confirmation, de l'analogie de l'enchaînement original supposé et de la rupture subséquente, avec les objets et les phénomènes très parallèles que fait ressortir l'analyse restitutive de la légende de Moïse et de Kadesh. Nous renverrons, pour cela, à notre étude antérieure, en laquelle, travaillant après Holzinger, Baentsch, Luther et Meyer, nous avons reconstitué J de bout en bout, avec le texte séparé de E en regard, pour toute l'histoire dont la révélation du dieu et du lieu sacré à Moïse est le capital épisode1. Un coup d'œil jeté sur le tableau rappellera que le drame en question, chez Moïse, comprend deux scènes en succession immédiate, le combat d'Exode IV, 24-26 (J sans correspondance de E) et la manifestation paisible du dieu au Buisson d'Ex. III, 2 suiv. (versions de J et E mélangées); et l'on relèvera que la déchirure une fois effectuée, l'ordre des deux épisodes fut interverti - par quelle main ? — le combat rejeté à deux « chapitres », environ, au delà de l'autre scène. Or l'histoire de Jacob et de Bethel, si nous admettons que primitivement elle comportait, en scènes liées, l'épisode du combat de Gen. XXXII introduisant l'épisode de la manifestation paisible de XXVIII, a subi exactement la même coupure et la même intervertion des scènes une fois séparées. Par où l'on est conduit à se demander si ce tronçonnement de J, pratiqué si pareillement dans les deux cas, n'est pas l'œuvre du compilateur de JE, contraint par le fait que E ne comportait plus, du combat, que des traces déplacées et, par malheur, encore reconnaissables.

Quoi qu'il en soit de ce dernier point, et dans l'esprit général

1. Voir Weill, loc. cit. dans Rev. des Ét. Juives, LVII (1909), p. 214-222.

de notre hypothèse, on peut tenter de reconstituer le texte du J'probable qui fut sectionné et dont nous aurions les morceaux. Au stade très ancien auquel nous remontons, il est dans la vraisemblance de remettre en place, dans la scène du combat, la docile réponse du dieu qui livre son nom, accusant et acceptant sa défaite. Quant à l'ordonnance textuelle, on a l'agréable surprise de constater qu'une fois J dûment isolé, aux deux chapitres, comme on le fait en général et comme nos précédents tableaux le montrent, le texte de XXVIII se soude sans efforts et presque sans modifications à la suite du texte de XXXII. Observons seulement qu'il convient d'alléger XXXII, à la fin du passage, de l'épisode du nom d'Israel imposé par le dieu à Jacob; il n'y a là bonne utilisation et bonne conclusion de la scène, qu'au stade où cette scène est déjà séparée de l'autre qui normalement venait à sa suite.

Ce que nous obtiendrons ainsi n'aura guère, on le comprend, que le caractère et la valeur d'une silhouette d'ensemble. Ses traits seront les suivants :

XXXII, 24

J1 reconstruit.

Jacob, seul en un lieu où il passe la nuit, est attaqué par quelqu'un qui lutte avec lui jusqu'à

l'aurore.

25 a Jacob, voyant qu'il ne peut le surmonter, le frappe sur le nerf de la cuisse.

« Je ne te laisserai

26 a L'inconnu dit : « Laisse-moi aller, car le jour
monte. » Mais Jacob dit :
26 b) (remis à l'état pri-
mitif de la narra-
tion et complété)

29

31 a Alors le soleil se leva.

point aller, que tu ne m'aies dit ton nom! » Et il répondit : « Iahve».

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1. Cf. la déchirure et la remise en place extrêmement semblables dans l'histoire de Moïse et de Kadesh, v. note précédente; au sujet de quoi nous avons écrit (loc. cit., p. 225): Il est possible que dans J reconstitué il ne nous manque pas grand'

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